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M. Jonathan Parapak, Indonésie,
Candidat au poste de Secrétaire général

Question 1
Beaucoup pensent que l'UIT est menacée par les bouleversements du secteur des télécommunications. De nouvelles organisations telles que l'OMC ou des organismes régionaux occupent le centre de la scène et les forum industriels, moins formels et plus ciblés, se multiplient. Quel avenir voyez-vous pour l'UIT? Quel serait votre apport personnel (quelles initiatives ou orientations adopteriez-vous) en tant que fonctionnaire élu, en vue d'introduire des innovations et de permettre à l'Union de s'adapter au changement, afin de lui conserver son rôle d'instance prééminente dans les télécommunications internationales?

En ma qualité de Secrétaire général, je ferai de mon mieux pour maintenir, voire renforcer le rôle prééminent de l'UIT dans le développement de l'économie et de la société mondiales de l'information. Nul n'ignore les transformations dynamiques que connaît le secteur des télécommunications sous l’effet des progrès technologiques, de la libéralisation et de la mondialisation des opérations de télécommunication. La libéralisation du marché ainsi que la convergence des technologies et services des télécommunications, de l’informatique, de la radiodiffusion et de l’audiovisuel ont amené les acteurs du marché à mettre en place bon nombre de nouvelles instances. D'autres organisations, telles que l'OMC, et des organismes régionaux, tels que la Télécommunauté Asie-Pacifique, jouent également leur rôle et contribuent au développement des télécommunications mondiales.

Dans cet environnement dynamique, pour ne pas dire révolutionnaire, du secteur des télécommunications, je considère que l'UIT doit demeurer au premier plan. Elle doit s'affirmer comme grand responsable de la coordination des aspects techniques, économiques et réglementaires liés aux télécommunications et de l'expansion des télécommunications dans les pays en développement. Je m'attacherai à améliorer la coordination et la coopération avec tous les organismes du secteur des télécommunications, à renforcer l'efficacité et la productivité de toutes les unités de l'Union, à accélérer les prises de décision et les processus administratifs. Ensemble, nous devons améliorer les services que nous fournissons aux Membres et au secteur des télécommunications en général, qu'il s'agisse des normes, des questions de réglementation ou de la cause du développement. Nous devons également accroître la participation des Membres ainsi que celle des principaux intervenants et des experts du secteur des télécommunications dans les activités de l'Union et au sein de ses comités et conseils consultatifs.

Question 2
Dans l'environnement actuel des télécommunications, il n'est plus réaliste de penser que l'Union peut être le point central pour toutes les questions liées aux télécommunications dans l'économie et la société mondiales de l'information. Le monde est devenu trop complexe et les télécommunications sont devenues trop omniprésentes pour qu'une seule organisation puisse être le centre où convergeraient toutes les questions intéressant la communauté internationale. Quelles sont, d'après vous, les compétences essentielles de l'UIT? Sur quelles questions l'UIT devrait-elle se concentrer et que pourrait-on progressivement supprimer de son mandat ou confier aux organisations régionales ou sous-régionales? Quel devrait être le rôle de l'UIT dans la réforme du secteur des télécommunications?

L'UIT est la seule organisation intergouvernementale du secteur des télécommunications à vocation mondiale puisqu'elle compte 188 Etats Membres et près de 500 Membres non gouvernementaux. C'est la seule organisation à même d’harmoniser le développement et l'adoption de normes techniques, d’exploitation et de service pour les télécommunications à l'échelle mondiale et de coordonner de manière équitable les ressources mondiales en télécommunications. Par ailleurs, l'Union est la seule instance mondiale au sein de laquelle les pays tant développés qu'en voie de développement peuvent se réunir pour débattre sur un pied d'égalité de questions de politique et de réglementation et résoudre des problèmes internationaux en toute transparence, dans l'intérêt commun des Membres. Il faudrait adopter des procédures plus rapides, faire davantage participer des spécialistes du secteur et mettre en place une coordination et une coopération plus étroites avec d'autres organismes de normalisation pour améliorer la compétence de l'Union dans le domaine de l'établissement de normes techniques et d'exploitation. L'UIT est la seule organisation véritablement mondiale qui ait les moyens d'assurer un partage rationnel, équitable, efficace et économique du spectre des fréquences radioélectriques; c'est cette fonction qu'il convient d’améliorer encore pour que l'Union puisse répondre plus rapidement aux besoins de ses Membres.

De nouveaux systèmes de télécommunication, comme les services GMPCS des sociétés Iridium, Global Star et Teledesic par exemple, sont en cours d'établissement et seront bientôt mis en service. Il s'agit de prévoir une réglementation à l'échelle mondiale afin qu’ils puissent être lancés sans problème sur le marché. L'UIT est la seule instance à pouvoir coordonner et élaborer des politiques et une réglementation mondiales pour des systèmes de communication mondiaux.

Question 3
Il ressort des dernières conférences de l'UIT que le conflit entre les exigences des réseaux mondiaux et les droits souverains nationaux ne fait que croître. Comment peut-on les réconcilier dans le cadre de l'UIT?

Si nous décidons de collaborer, nous trouverons une solution. Lorsque j'ai présidé le Forum mondial des politiques de télécommunication sur les GMPCS, certains m'ont dit que ce Forum était voué à l'échec et qu'il serait impossible d'aboutir à un consensus. Or, nous avons trouvé une solution. Comment y sommes-nous parvenus? Parce que j’ai conçu mon rôle de président comme celui d'un homme d’action et non comme celui d’un diplomate passif de l'UIT.

Je ne crois pas que les exigences propres aux réseaux mondiaux soient vouées à entrer en conflit avec les droits souverains nationaux. Nous avons apporté la preuve, lors du premier Forum mondial des politiques sur les GMPCS que l'on peut trouver des solutions qui permettent tout à la fois de mettre en service des réseaux mondiaux dans l'intérêt de tous les pays et de respecter les droits souverains des Etats.

Cela étant, nous devons reconnaître que de nombreuses questions, encore en suspens, doivent faire l'objet de négociations pour trouver une réponse. L'UIT est l'instance qui se prête le mieux au règlement en toute équité de ces questions, dans l'intérêt de tous les pays. Pour ma part, je ferai de mon mieux et mettrai tout en oeuvre pour que les éventuels problèmes puissent être résolus dans les meilleurs délais.

Question 4
Les exigences auxquelles l'organisation doit répondre grandissent plus vite que ses ressources: la déréglementation fait intervenir plus d'acteurs et donc un nombre plus élevé de Membres au sein de l'UIT; par ailleurs, on assiste à une érosion des bases financières de l'organisation parce que certains Membres choisissent de diminuer le nombre de leurs unités de contribution. Diverses propositions visant à renforcer l'UIT, notamment le recouvrement des coûts ou les solutions génératrices de recettes, se sont heurtées à une forte résistance, tout comme la proposition visant à accorder à l'industrie plus de pouvoir quant à l'attribution des ressources et à l'établissement des priorités en échange d'une participation accrue aux dépenses. Que proposeriez-vous pour faire avancer les choses?

Le problème des ressources doit être traité dans une optique plurivalente. De toute évidence, des solutions telles que le recouvrement des coûts, la création de recettes et l'octroi de plus de pouvoirs au secteur privé en contrepartie d'une participation accrue aux dépenses devraient être examinées puis appliquées au moyen de mécanismes bien conçus afin que l’Union tire parti des possibilités de recettes offertes par chacune de ces solutions, tout en veillant au maintien d'un équilibre équitable entre les rôles et les responsabilités de tous ses Membres, qu'il s'agisse d'Etats, de représentants du secteur privé, de pays industrialisés ou de pays en développement.

Il existe un autre moyen d'accroître les ressources qui n'a pas encore été pleinement exploité - je veux parler de la rationalisation de l'organisation de l'UIT, ce qui n'est pas synonyme de réduction des effectifs, puisque l'Union a pu réduire le volume de ses effectifs de manière assez efficace au cours de ces dernières années. Par rationalisation, j'entends l'amélioration de la productivité du personnel et des méthodes et procédures organisationnelles de l'Union. Cette rationalisation permettrait de réaliser des économies de coût importantes et d'obtenir des résultats plus rapidement, ce qui peut être considéré comme une "amélioration des ressources". Concrètement, cette méthode offre des avantages réels étant donné qu'elle ne nécessite pas d'apports financiers extérieurs et qu'elle améliorera l'image de l'UIT aux yeux de ses Membres puisque "ils en auront plus pour leur argent".

L'une des principales responsabilités du Secrétaire général est de prendre des initiatives visant à accroître l'efficacité et la productivité de l'UIT. Si nous y parvenons, il nous sera alors beaucoup plus facile d'attirer de nouvelles ressources de l'extérieur. A mon avis, pour améliorer les bases financières de l'UIT, les deux meilleurs moyens consistent à mettre l'accent sur les besoins des Membres et à leur "en donner pour leur argent".

Sous l'impulsion de sa direction, l'UIT peut faire la preuve qu'elle est la seule à pouvoir véritablement coordonner au plan mondial les réglementations et les politiques applicables au secteur des télécommunications, ce qui n'a pas de prix dans un monde de plus en plus chaotique. L'UIT doit continuer à renforcer sa crédibilité pour s'acquitter de cette tâche auprès de ses Membres et de l'industrie. C'est ainsi que les Membres constateront qu'il est dans leur intérêt de fournir un appui financier aux activités de l'Union par le truchement de divers mécanismes.

Question 5
Etant donné la diversité des Membres de l'organisation (vendeurs, organismes scientifiques, fournisseurs de service, radiodiffuseurs des pays les plus pauvres de la planète aux nations les plus puissantes), comment l'organisation peut-elle satisfaire à leurs besoins concurrents d'une manière efficace sur le plan financier?

Les besoins des nombreux Membres de l'organisation sont maintenant satisfaits dans le cadre des différentes unités ou différents Secteurs de l'organisation. Le Secteur de la normalisation des télécommunications répond aux besoins des Membres sur les plans technique et opérationnel, alors que le Secteur des radiocommunications répond à la nécessité d'utiliser de manière plus efficace et plus rentable le spectre des fréquences radioélectriques. Le Secteur du développement, quant à lui, s’occupe en permanence des questions de développement. Nous devons être conscients des différentes catégories de besoins et des différents rangs de priorité que nous devons accorder à l'optimisation des ressources afin de répondre aux besoins les plus urgents, selon l’ordre qu'auront établi les Membres. Comme je l'ai indiqué dans ma réponse à la Question N° 4, tout doit être mis en oeuvre pour mobiliser les ressources dans le cadre d'une approche plurivalente afin de répondre aux besoins des Membres le plus rapidement possible.

On pourrait par exemple accélérer le processus d'élaboration des normes techniques en invitant des experts du secteur privé à participer davantage; les travaux du secteur des radiocommunications pourraient aussi être accélérés si l'on applique le principe du recouvrement des coûts, ce qui permettrait de recruter des experts qui effectueraient les travaux nécessaires.

Question 6
Dans le Plan stratégique pour la période 1995-1999, on peut lire ceci: "actuellement, l'UIT est certainement l'une des organisations internationales les moins connues, malgré le fait que le développement du réseau mondial de télécommunication joue un rôle de plus en plus crucial pour le bien-être de l'humanité. Les Membres de l'Union lui ont demandé de jouer un rôle de premier plan dans la communauté internationale. A cette fin, l'UIT doit communiquer son message avec plus de force qu'elle ne le fait actuellement, et veiller à ce que les gouvernements soient conscients du rôle que jouent les télécommunications au service du développement socio-économique". Quelles mesures concrètes prendriez-vous pour atteindre cet objectif, quel serait votre programme de "Communication"?

Je suis convaincu que l'UIT doit mettre au point un programme de "Communication" beaucoup plus vigoureux pour défendre la cause du développement des télécommunications. Il s'agit là d'un domaine dans lequel il existe manifestement des solutions susceptibles de satisfaire les uns et les autres. Nos Membres de l’industrie, radiodiffuseurs, fournisseurs de services et autres, peuvent à coup sûr être convaincus de créer et de promouvoir des messages en faveur du service public qui fassent connaître et défendent les objectifs de l'UIT, à savoir assurer le développement socio-économique grâce à un meilleur accès à de meilleures télécommunications.

Je partage pleinement le point de vue selon lequel l'UIT doit améliorer et renforcer sa communication avec les pouvoirs publics, les entreprises, et d'autres organisations internationales ou régionales. Si je suis élu, je m'attacherai, avec des experts du secteur, à élaborer un plan cadre pour "communiquer l'UIT" aux pouvoirs publics, à l'industrie et à la société dans son ensemble. Il s'agira, dans ce plan cadre, de communiquer avec les pouvoirs publics, les opérateurs, les représentants de l'industrie, d'autres organisations internationales ou régionales ainsi que les organisations professionnelles.

J'ai choisi le rêve qui deviendra mon "thème" - "La communication pour tous, dès l'aube du XXIe siècle". Il doit être de toute évidence possible de trouver les moyens - ainsi que les sponsors - pour faire passer le message de notre rêve, à savoir assurer des communications universelles à tous les citoyens de notre village mondial. Ce message oeuvrera pour la paix, la compréhension et la bonne volonté entre tous les peuples et les nations du monde. Il favorisera aussi les affaires. Je suis convaincu que nous pourrons trouver des Etats Membres et des Membres du secteur privé de bonne volonté qui pourront nous aider à faire passer ce message.

Question 7 Quelles seraient vos trois grandes priorités pour la période séparant la PP-98 de la Conférence de plénipotentiaires suivante?

Mes trois grandes priorités pour la période allant jusqu'à la prochaine Conférence de plénipotentiaires seront les suivantes:

1. Réforme interne de l’Union, ce qui suppose notamment d'améliorer l'efficacité, la productivité et la transparence au niveau de la gestion, des conférences et des prestations fournies aux Membres.

2. Renforcement du rôle prééminent de l'Union dans toutes les questions liées aux télécommunications par l’adoption de méthodes perspectives dynamiques afin que l'Union s’impose à tout moment, comme chef de file, pour résoudre les questions de politique et de réglementation des télécommunications, par l’intensification et l’amélioration de la coordination et la coopération avec d'autres organisations internationales ou régionales, par l’accélération des procédures de normalisation technique et de celles relatives aux services de radiocommunication et par la multiplication des rencontres avec les intervenants du secteur.

3. Soutien sans relâche de la cause du développement des télécommunications dans le monde en développement par une mobilisation des ressources, la promotion du partenariat et la fourniture d'une assistance technique.

Question 8
Avez-vous quelque chose à ajouter?

Lorsque j'étais enfant à Sulawesi (Indonésie), il ne m'est jamais venu à l'esprit que l'on pourrait un jour communiquer instantanément avec n'importe quel endroit du monde, non seulement par télégraphe et par téléphone, mais aussi par des services multimédias interactifs. Je sais aujourd'hui que cela est possible. J'ai formé le rêve qu'au début du XXIe siècle, cette possibilité se concrétise, non seulement pour les enfants de Sulawesi, mais également pour ceux du Botswana, de la Bolivie, du Kazakstan et pour les pauvres des zones rurales ou urbaines des pays riches. Je suis convaincu que si l'Union retourne vers ses racines, c'est-à-dire si elle s'inspire de l'esprit qui a présidé à sa création, nous pourrons rendre ce monde meilleur en améliorant les télécommunications. Je suis également convaincu que nous parviendrons à faire comprendre l'importance et l'intérêt de cet objectif à tous nos Membres, qu'ils soient riches ou pauvres, motivés par des préoccupations commerciales ou sociales, avancés sur le plan technologique ou encore en développement.

Si je suis élu Secrétaire général, j'inviterai tous les Membres de l'Union à oeuvrer ensemble à la réalisation de mon rêve "La communication pour tous, dès l'aube du XXIe siècle".n

Produit par le Service presse et information publique de l'UIT

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