Plenipotentiary Conference 1998 -- Minneapolis USA

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Allocution du Vice-Président des Etats-unis d'Amérique
Lundi 12 octobre 1998

Voilà trois fois en quatre ans que j'ai l'honneur de m'adresser à cette éminente assemblée. La première fois, j'avais parcouru 8 000 kilomètres pour aller de la Maison blanche à Buenos Aires. La deuxième fois, je vous ai invités par liaison satellite alors que vous étiez à Kyoto à venir ici cette année. Je vous remercie tous d'avoir fait le voyage pour venir jusqu'ici, et au nom du Président Clinton et du peuple américain, je vous souhaite la bienvenue aux Etats-Unis d'Amérique.

Puisque nous sommes réunis aujourd'hui pour parler de la technologie et de l'avenir, je voudrais vous faire part d'un article que j'ai trouvé naguère dans la revue d'une compagnie aérienne; cet article énumérait 31 éléments qui démontrent l'emprise de la technologie sur notre vie. D'après cette liste, la technologie s'est emparée de votre vie:

  • Si vous connaissez votre adresse électronique, mais pas votre numéro de téléphone
  • Si vous faites tourner votre économiseur d'écran d'ordinateur plus que les roues de votre voiture
  • Si vous ne vous êtes jamais trouvé au cinéma sans qu'au moins un dispositif électronique que vous portiez sur vous ne se mette à sonner
  • L'élément que je préfère, c'est le numéro 23: Si vous trouvez qu'Al Gore est un "type fascinant". Je n'ai pas bien compris ce que cela voulait dire...

Nous voici réunis dans le Minnesota, terre des 10 000 lacs qui est au coeur même de l'Amérique du Nord. Un de nos grands auteurs, Sinclair Lewis, a écrit: "pour comprendre l'Amérique, il suffit de comprendre le Minnesota. Mais pour comprendre le Minnesota, il faut être à la fois historien, ethnologue, poète et prophète patenté".

Bien entendu, on pourrait en dire autant de l'infrastructure mondiale de l'information (GII), ce réseau de réseaux qui transmet les messages et les images à la vitesse de la lumière et sur tous les continents, c'est-à-dire qui relie toutes les connaissances humaines entre elles. Sa création est si révolutionnaire, les changements qu'il a apportés sont d'une telle envergure que même ceux d'entre nous qui y ont travaillé pendant des années ne sauraient prédire toute l'ampleur de ses retombées.

Nonobstant les possibilités prodigieuses de l'infrastructure mondiale de l'information, il faut se rappeler qu'au fond c'est un moyen d'approfondir et d'enrichir nos valeurs universelles les plus anciennes et les plus prisées: relèvement du niveau de vie et du taux d'alphabétisation, progrès de la démocratie, de la liberté et de l'épanouissement personnel. Et surtout, il faut se rappeler que, dans notre économie mondiale et à l'ère de l'information, nous sommes tous connectés, du Minnesota à la Mongolie, de Madrid au Mali.

C'est ce dont je veux vous entretenir aujourd'hui. Grâce aux personnes qui sont dans cette salle, et aux personnes qui nous écoutent aux quatre coins de la Terre, nous sommes véritablement à un moment de l'histoire riche de promesses, un moment où nous pouvons nous rapprocher les uns des autres par nos réseaux de communication pour redécouvrir et raviver nos valeurs communes et pour construire le XXIe siècle que nos enfants sont en droit d'attendre.

 C'est une évolution qu'on ne pouvait même pas imaginer en 1947, année de la dernière conférence de l'Union internationale des télécommunications aux Etats-Unis. Cette année-là, deux techniciens qui travaillaient dans la société Bell Labs, John Bardeen et Walter Brattain, ont fait une découverte stupéfiante. A l'aide d'une petite plaquette de germanium, d'un fin morceau de matière plastique, d'une bande brillante de feuille d'or, et d'un ressort de fortune fabriqué à partir d'une vieille agrafe, ils sont parvenus à amplifier un signal électrique plus de 450 fois. Ils ont appelé leur invention le "transistor".

A propos, l'un de ces deux hommes, Walter Brattain, s'était initié à la mécanique quantique en un lieu situé à moins de dix kilomètres d'ici, alors qu'il préparait un doctorat à l'université du Minnesota.

De nos jours, on fabrique plus d'un demi-milliard de transistors par seconde. Toutes les heures, plus de mille milliards de transistors sont introduits dans des dispositifs aussi différents que les ordinateurs ou les moteurs d'automobile, les systèmes à satellites ou les pompes à essence. D'ici deux ans, une puce électronique pourra contenir un milliard de transistors, et les dessins qui y seront gravés seront aussi compliqués qu'une carte routière de la planète entière. Il y a 50 ans, un transistor coûtait cinq dollars. Aujourd'hui, il coûte un centième de cent. Dans quelques années à peine, il ne coûtera plus qu'un milliardième de cent.

Parlant un jour devant des étudiants, j'ai repris une comparaison classique, à savoir que si l'automobile avait fait les mêmes progrès exponentiels que le transistor, une voiture consommerait à peine 4 litres d'essence aux 150 000 kilomètres et ne coûterait que 50 cents. A quoi l'un des étudiants assis au premier rang m'a dit: "Certes, Monsieur le Vice-Président, mais elle ne mesurerait même pas un millimètre".

Ces nouveaux progrès nous permettent d'explorer de nouveaux territoires, depuis une galaxie située à 12 milliards d'années lumière jusqu'au plus petit élément génétique logé au coeur de la cellule humaine. Dans trois semaines, le premier de plusieurs systèmes à satellites en orbite basse, dernier cri de la technique, va nous permettre de téléphoner d'un point quelconque de la surface du globe à un autre point. D'ici trois ans, grâce aux faisceaux hertziens, nous pourrons accéder rapidement à Internet de n'importe quel point de la Terre.

Il y a tout juste deux ans, les Etats-Unis ont débarqué sur Mars un véhicule téléguidé équipé d'un modem sans fil disponible dans le commerce, phénomène qui a suscité plus de 750 millions d'appels sur Internet lorsque les images ont été diffusées sur la Terre. Dans les mois à venir, la NASA va travailler avec plusieurs de vos gouvernements au lancement de la nouvelle station spatiale internationale, d'une dimension telle qu'elle pourrait contenir deux terrains de football.

Au MIT, à Boston, les chercheurs s'emploient activement à donner une troisième dimension à la réalité virtuelle: à l'image et au son, il s'agit d'ajouter le toucher. A l'aide d'un dé électronique, on effleure un objet sur un écran d'ordinateur et cet objet apparaît immédiatement devant vous sous forme d'hologramme. Si l'on passe les doigts dessus, l'objet peut devenir rêche ou lisse, selon la commande donnée par l'ordinateur.

Ainsi, dans quelques années seulement, les aveugles pourront palper une image d'ordinateur et les touristes en chambre pourront sentir la pierre rugueuse de Stonehenge ou le marbre lisse du Taj Mahal.

 Aucun de ces progrès renversants n'aurait été possible sans les télécommunications. Grâce à vous tous, nous savons qu'aujourd'hui nous sommes à l'aube d'une renaissance de la technologie et des télécommunications, technologie qui n'en est encore qu'à ses premiers balbutiements. Mais la principale promesse de cette ère électronique et numérique qui s'annonce ne réside peut-être pas dans ce qui est nouveau, mais dans les valeurs anciennes que nous allons faire revivre.

A mesure que chaque nouveau perfectionnement spectaculaire nous rapproche les uns des autres dans la communication et au service d'une cause commune, l'édification du véritable village électronique mondial, nous avons la possibilité d'étendre aux régions les plus éloignées du monde une nouvelle prospérité, une nouvelle alphabétisation, un nouvel amour de la liberté et de la démocratie, et même un nouveau sentiment de cohésion sociale.

C'est pourquoi, il y a quatre ans, j'ai énoncé cinq principes que je crois indispensables pour tirer pleinement parti de l'infrastructure mondiale de l'information. Ces cinq principes sont les suivants: investissement privé, libre jeu de la concurrence, accès ouvert, cadre de réglementation souple et service universel. Il ne s'agit pas là de simples principes communs, mais bien de valeurs communes que nous devons tous contribuer à renforcer. J'ai plaisir à pouvoir faire état de progrès immenses sur tous ces points.

Premièrement, nous avons encouragé l'investissement privé, car l'investissement privé c'est le moteur de l'innovation. Nous en voyons aujourd'hui les résultats: plus de 600 milliards de dollars de capitaux privés ont été investis dans les télécommunications depuis 1994. Plus de 48 opérateurs de télécommunication ont été privatisés. J'invite tous ceux qui douteraient encore à retourner à Buenos Aires pour demander à l'Argentine comment fonctionne la privatisation: dans le court laps de temps qui a suivi notre réunion là-bas, on est passé de 4 millions de lignes téléphoniques à plus de 18 millions. Non seulement son système privatisé est plus efficace et plus rentable, mais encore il rapproche toute une génération d'Argentins les uns des autres.

Deuxièmement, nous avons encouragé la concurrence, car la concurrence débouche sur l'innovation, sur de meilleurs services et sur de meilleurs prix pour le consommateur. En 1994, 7 pays seulement avaient ouvert le service téléphonique à la concurrence. Aujourd'hui, 47 pays ont instauré une concurrence sans entrave ou s'apprêtent à le faire. L'un de ces pays, c'est l'Afrique du Sud, qui a décidé l'an dernier de délivrer une licence à un deuxième opérateur de communications cellulaires. Et en une année seulement, le nombre des abonnés est passé de 40 000 à 340 000.

Aux Etats-Unis, nous avons pris aussi des mesures pour encourager la concurrence. Depuis 1996, année où nous avons promulgué une loi historique sur les télécommunications qui fait progresser tous les cinq principes dont j'ai parlé, la naissance de douzaines de nouveaux concurrents a suscité 20 milliards de dollars d'investissements dans les télécommunications de pointe et créé plus de 50 000 emplois. Maintenant, il nous faut encourager la concurrence entre réseaux à fibres optiques dans le monde entier, notamment à la suite de l'expansion phénoménale des moyens de transmission à large bande. En fin de compte, la concurrence, ça marche si on la laisse faire.

Troisièmement, nous avons fait de l'accès ouvert une priorité car l'accès ouvert garantit que chaque utilisateur de la GII pourra atteindre des milliers de sources d'information dans tous les pays et dans toutes les langues. Aujourd'hui, cet objectif devient une réalité grâce à Internet. Aux Etats-Unis, la radio a mis 38 ans pour parvenir à 50 millions d'habitants, l'ordinateur personnel a mis 16 ans et la télévision 13 ans. Il n'a fallu que 4 ans à Internet pour parvenir à ce résultat.

 Aujourd'hui, il y a 100 millions d'utilisateurs d'Internet. D'ici à l'an 2000, il y en aura 320 millions. Maintenir l'accès ouvert, cela veut dire que très bientôt tous les enfants de tous les villages ou et de toutes les villes pourront pianoter sur un clavier pour accéder à tous les livres qui ont jamais été écrits, à toutes les chansons qui ont jamais été composées et à tous les tableaux qui ont jamais été peints.

Nous avons vu les avantages spectaculaires qu'apporte l'accès ouvert au réseau téléphonique. A mesure que de nouvelles techniques apparaîtront, l'accès ouvert va renforcer la concurrence et apporter de gros avantages aux utilisateurs comme aux prestataires de services. Le rôle de normalisation de l'UIT est capital dans ce domaine.

L'expérience montre que la concurrence entre des normes multiples est le meilleur moyen de répondre aux besoins très divers des utilisateurs, à condition que chaque norme soit conçue pour augmenter et non pour amoindrir les possibilités d'interfonctionnement.

Quatrièmement, nous nous sommes employés à élaborer un cadre de réglementation souple qui encourage la concurrence et l'investissement tout en protégeant le consommateur. De plus en plus de pays vont dans ce sens: depuis quatre ans, 18 organismes de réglementation indépendants ont été créés en Amérique, 17 en Afrique et 11 dans la région Asie-Pacifique. J'ai vu avec plaisir que 58 nations ont souscrit récemment au Document de référence de l'Organisation mondiale du commerce sur les principes des télécommunications de base. Je voudrais féliciter l'un de ces organismes, OSIPTEL, du Pérou, qui a pris récemment l'initiative de stimuler la concurrence en mettant fin un an plus tôt que prévu au monopole de la société Telefónica.

Cinquièmement, nous avons encouragé le service universel dans les télécommunications de base, parce que la possibilité de décrocher un téléphone ou de brancher un ordinateur pour se connecter instantanément à un village, à une nation et au monde entier est une des forces les plus libératrices et les plus émancipatrices de l'histoire de l'humanité, et elle doit être à la portée de tous.

Depuis 1994, conformément au principe de l'accès universel, plus de 200 millions de lignes téléphoniques ont été installées. Ainsi, la Chine construit 4,5 millions de lignes par an, soit l'équivalent de la moitié du réseau britannique.

Mais derrière ces chiffres et ces statistiques, il y a des hommes et des visages. En Thaïlande, un groupe d'étudiants handicapés utilisent le service télématique "Flying Wheelchair" pour dialoguer avec d'autres étudiants handicapés dans le monde. Ils ont appris avec stupéfaction l'existence de lois promulguées dans d'autres pays pour aider les personnes handicapées à devenir des membres à part entière de la société, et aujourd'hui ils essaient de sensibiliser l'opinion chez eux. A Longbeach, en Australie, une femme qui s'appelle Christine Chapel et qui habite dans une ferme de la brousse, vient d'obtenir, grâce au téléenseignement par la GII, un diplôme de licence délivré par une université située à plus de 1 500 kilomètres de chez elle.

Grâce au travail que nous avons amorcé il y a quatre ans, l'essentiel de l'infrastructure mondiale de l'information est déjà en place. Dans bien des pays, les autoroutes de l'information commencent à prendre forme. Aujourd'hui plus que jamais, il nous faut tous décider de l'endroit où elles nous mèneront.

Le message que je vous livrerai est simple: aujourd'hui, à l'aube d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire, nous avons la possibilité sans précédent d'utiliser le puissant potentiel des nouvelles techniques pour faire triompher nos valeurs les plus anciennes et celles auxquelles nous tenons le plus. Nous avons la possibilité d'étendre la connaissance et la prospérité aux ghettos de nos villes, aux barrios, aux favelas, aux colonias et aux villages de nos campagnes les plus reculées; la possibilité d'apporter le savoir et la communication du XXIe siècle en des lieux qui n'ont même pas encore le téléphone; la possibilité de partager les techniques médicales spécialisées là où le nombre des médecins généralistes est à peine suffisant; la possibilité de consolider la démocratie et la liberté en les plaçant "en ligne", là où il est beaucoup plus difficile de les réprimer ou de les bafouer. Aujourd'hui, nous sommes plus connectés que jamais auparavant. Alors, servons-nous de ces nouveaux outils et de ces nouvelles techniques pour mettre à profit cette interdépendance en vue d'édifier une communauté mondiale plus forte et de faire de nos valeurs communes une réalité.

Aujourd'hui, je voudrais vous lancer cinq grands défis qu'il faut relever. A eux tous, ils constituent une déclaration d'interdépendance, à l'ère du numérique, qui peut créer un monde meilleur pour tous.

Premièrement, nous devons améliorer l'accès à la technologie pour que dans les dix ans qui viennent chacun sur cette planète puisse disposer de services de téléphone et de transmission de données sans avoir à parcourir des kilomètres.

A la minute où je vous parle, 65% des ménages dans le monde n'ont pas le téléphone. La moitié de la population de notre planète n'a même jamais utilisé un téléphone. L'Islande possède plus de sites Internet que l'ensemble de l'Afrique. Aujourd'hui, je lance un défi aux entreprises pour qu'elles créent un plan mondial prévoyant que d'ici à la fin de la prochaine décennie chacun se trouve à une heure de marche au plus d'un téléphone ou d'un système de transmission de données. Ce plan devra prévoir aussi les moyens de stimuler la demande et faire appel aux entreprises locales. Il devra permettre l'accès au téléenseignement et à la télémédecine et assurer une formation pratique. Nous savons que cela est réalisable et nous devons le réaliser.

Deuxièmement, nous devons surmonter les obstacles linguistiques qui nous handicapent et mettre au point des techniques de traduction numérique en temps réel permettant à tous les habitants de la planète de converser.

Imaginez un instant que vous puissiez décrocher un téléphone, appeler un correspondant n'importe où et avoir vos paroles traduites instantanément, ce qui vous permet de tenir une conversation sans vous heurter à l'obstacle linguistique. Imaginez que la traduction qui vous parvient en ce moment par le biais de vos écouteurs puisse être acheminée instantanément par conduit numérique. Je vois arriver le jour où les habitants du monde entier tiendront une conversation purement numérique et où un système de traduction universel réduira à néant les obstacles linguistiques auxquels nous nous heurtons si souvent dans un monde qui vit à l'ère de l'information.

Imaginez également un monde où votre ordinateur n'aurait plus de clavier, où vous pourriez tout simplement lui parler et voir chaque mot parfaitement traduit et dactylographié. Imaginez les économies qui pourraient ainsi être réalisées et le renforcement de la coopération internationale qui s'en suivrait. Imaginez enfin un monde sans solution de continuité entre le B.A-BA de l'enseignement élémentaire et le B.A-BA de l'informatique, où quiconque peut parler serait capable de faire fonctionner un ordinateur commandé à la voix et d'accéder à l'information mondiale.

Je veux aujourd'hui lancer un défi aux chercheurs du monde entier et leur demander, à partir de ces découvertes, d'élaborer de nouvelles techniques qui permettent à toute l'humanité de communiquer, qui facilitent la coopération internationale et qui encouragent les gens à se sentir partie intégrante de la communauté mondiale sans pour autant perdre leur héritage culturel et linguistique.

Troisièmement, nous devons créer un "réseau de connaissances universel" qui rassemble tous ceux qui travaillent à améliorer la situation de l'enseignement, des soins de santé, des ressources agricoles et du développement durable et à garantir la sécurité publique.

Pensez à ce qui se passerait si le dossier d'un enfant malade dans une région rurale de Mongolie pouvait être envoyé par visioconférence à l'Hôpital pédiatrique de Sydney. Un minicapteur, de la taille d'une "souris", pourrait envoyer des radios ou des images IRM en Australie. Un échantillon sanguin pourrait être placé sur une diapositive et être scanné pour dépister une anémie drépanocytaire. Un spécialiste éminent pourrait prescrire un traitement et tout serait prêt à l'arrivée de l'enfant. D'ici quelques années, cette technologie pourra être à notre portée.

Nous devrions pouvoir imaginer des méthodes permettant de regrouper les informations qui nous entourent en fonction des besoins.

Imaginez ce qui se passerait si chaque paysan africain pouvait avoir accès à un programme météorologique local qui lui donne les informations dont il a besoin pour planter et assurer la rotation de ses cultures. En cas de catastrophe naturelle, nous savons que donner l'alerte ne serait-ce qu'une heure à l'avance peut contribuer à sauver des milliers de vies.

Certaines des compagnies les plus "visionnaires" utilisent les nouvelles techniques de "gestion des connaissances" dont l'objet est de mettre en commun les meilleures pratiques et d'exploiter les connaissances acquises. Je demande aujourd'hui à l'ensemble des enseignants d'utiliser ces techniques pour relier entre eux les hommes de terrain, les experts et les organisations à but non lucratif qui s'efforcent de satisfaire nos besoins socio-économiques les plus criants.

C'est ainsi que cinq milliards d'êtres humains n'ont pas accès à l'enseignement secondaire et supérieur. Si nous pouvons créer un "réseau de connaissances" qui mette le téléenseignement à la portée de tous le nombre de personnes qui auront accès à l'enseignement supérieur et à la formation continue sera multiplié par quatre.

Quatrièmement, nous devons utiliser les techniques de communication pour garantir la libre circulation des idées et encourager la démocratie et la liberté d'expression.

Il y a quatre ans à Buenos Aires, j'avais dit que la GII serait un facteur de démocratie et que, grâce à elle, les gens participeraient davantage à la prise de décisions puisqu'ils disposeraient des informations dont ils ont besoin pour s'exprimer librement.

L'autonomie part de l'hypothèse que chaque citoyen devrait être en mesure de maîtriser son propre destin. Ce concept était en vigueur en Europe il y a plus de cinq cents ans, mais il n'est devenu réalité qu'à partir du moment où l'imprimerie a contribué à diffuser largement auprès d'un public informé et engagé une grande quantité d'informations civiques. De manière analogue, je pense que la GII peut être le support d'une nouvelle prise de conscience civique suffisamment générale pour renforcer la capacité d'autonomie partout dans le monde. Le défi qui se pose en permanence à nous tous, organisations gouvernementales et organisations non gouvernementales, consiste, non pas à dire aux autres pays ce qu'ils doivent faire ou quelles valeurs ils doivent s'efforcer de respecter, mais plutôt à donner aux gens la possibilité de prendre conscience des choix qui s'offrent à eux et d'agir en conséquence. Nous devons poursuivre dans cette voie et veiller à ce que la GII encourage la libre circulation des idées et la démocratie dans le monde entier.

Cinquièmement, nous devons mettre à profit les techniques de communication pour renforcer le potentiel économique de toutes les familles et communautés du globe.

Partout dans le monde, chacun devrait avoir la possibilité de réussir s'il est prêt à travailler pour y parvenir.

 Dans un village agricole isolé de la région de Chincheros, au Pérou, la vie a davantage changé au cours des deux dernières années que dans les cinquante années précédentes. En 1996, un fournisseur de services Internet a relié au Net 50 familles paysannes. Les autorités villageoises ont constitué un partenariat en ligne avec une société internationale d'exportation qui s'est organisée pour que les légumes cultivés sur place soient expédiés et vendus à New York. Le revenu du village est désormais de 1 500 dollars par mois, contre environ 300 dollars avant l'apparition du courrier électronique.

Dans le monde entier, la micro-entreprise, qui démarre souvent grâce à un prêt initial atteignant quelquefois à peine 50 dollars, permet à des millions de gens de s'affranchir de la pauvreté. On compte aujourd'hui plus de 500 millions de micro-entrepreneurs comme ces paysans péruviens qui arrivent à vivoter en vendant leurs produits et leurs services sur place. Il existe d'innombrables micro-entrepreneurs dont la qualité de vie et le revenu seraient spectaculairement améliorés d'un jour à l'autre si tous avaient accès aux mêmes équipements.

Je demande instamment aujourd'hui à l'ensemble des organisations à but non lucratif de collaborer avec les organisations d'aide au développement afin de créer davantage d'opportunités en ce sens. Ces réseaux seront créateurs d'emplois et permettront aux micro-entrepreneurs de se passer d'intermédiaires et de conserver une plus grande partie de leurs bénéfices.

Selon certains, le commerce électronique dans le monde sera à l'origine de plus de 300 milliards de dollars de recettes par an d'ici quelques années. D'ici à 2010, le nombre de personnes capables de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles parce qu'elles peuvent avoir accès aux marchés mondiaux grâce à Internet sera multiplié par trois. Le réseau donnera également aux consommateurs accès à une vaste gamme de nouveaux biens et de nouveaux services.

Je souhaite aujourd'hui annoncer deux nouvelles mesures que notre gouvernement va prendre pour améliorer les perspectives des micro-entrepreneurs du monde entier et leur donner davantage de responsabilités. En premier lieu, je suis heureux d'annoncer que notre "Peace Corps" s'est engagé à réserver aux technologies et aux communications une place de plus en plus importante - stratégique - dans les activités de ses volontaires.

Avant que ces derniers ne partent sur le terrain, le "Peace Corps" s'assurera qu'ils ont les compétences voulues pour enseigner aux gens l'utilisation des technologies afin qu'ils puissent s'informer, améliorer leur formation et contribuer davantage au développement économique. Dans la mesure du possible, le Peace Corps s'efforcera également d'étendre l'accès aux télécommunications dans les communautés auxquelles il vient en aide.

En deuxième lieu, je suis fier d'annoncer que USAID va promouvoir un nouveau projet visant à faciliter l'accès à Internet et au commerce électronique pour le développement dans huit pays. Ce projet ira de pair avec des réformes législatives et réglementaires en faveur de la libéralisation et de l'accès universel, en vue de stimuler la création de nouvelles entreprises par le biais du commerce électronique et de démontrer les applications de la technologie dans l'exercice de la démocratie et de l'autorité ainsi que dans la croissance économique, l'environnement, l'enseignement et les services médicaux. Ce projet se fonde sur l'initiative Leland, qui consacre une aide de 15 millions de dollars à 21 pays africains pour qu'ils puissent se connecter à Internet.

Ces cinq défis, qui peuvent renforcer la communauté mondiale à l'aube du XXIe siècle constituent notre Déclaration d'interdépendance, à l'ère du numérique.

 Avant de conclure, je voudrais rappeler qu'il nous faut impérativement collaborer pour résoudre le problème informatique du passage à l'an 2000 qui risque de retarder considérablement les progrès des télécommunications internationales si nous tous, organismes privés et organismes publics, ne lançons pas une offensive tous azimuts pour gagner la bataille. Peut-être avons-nous aujourd'hui des centaines de millions d'ordinateurs et d'équipements qui sont littéralement incapables de lire le chiffre "2000". Autrement dit, lorsque l'horloge sonnera les douze coups de minuit à l'aube du 1er janvier 2000, toutes sortes de dysfonctionnements risquent de se produire dans toutes sortes d'activités (contrôle du trafic aérien, réseaux d'alimentation en eau, moniteurs cardiaques et centrales nucléaires, etc.).

Les Etats-Unis ont entrepris de faire tout ce qui était en leur possible pour résoudre ce problème. La Maison Blanche a lancé une initiative au plus haut niveau à laquelle elle accorde une priorité très élevée pour faire en sorte que nos instances nationales soient prêtes à faire face à la situation. Mais, en cette époque d'interdépendance mondiale, relever ce défi est une responsabilité partagée.

C'est pourquoi je m'adresse à chaque entreprise et à chaque pays qui profite du commerce international et des télécommunications mondiales: vous qui bénéficiez des avantages de cette ère de l'information et de la mondialisation, vous êtes tenus de contribuer à assumer cette lourde responsabilité.

Si le problème du passage à l'an 2000 n'est pas résolu en temps voulu, les conséquences seront graves pour tous nos pays. Un seul maillon faible dans le système et nous serons tous affaiblis. A cet égard, je me félicite des travaux effectués par notre Federal Communication Commission et par l'UIT - mais il reste encore beaucoup à faire. Relevons ensemble le défi du passage à l'an 2000 pour pouvoir aborder le XXIe siècle avec confiance, sans problème informatique. Nos ambassadeurs sont prêts à collaborer avec vous et à fournir toute l'assistance technique dont vous avez besoin. Ensemble nous devons résoudre ce problème.

Tout au long de ce millénaire, l'histoire de l'humanité a été un conte merveilleux où se sont mêlés la découverte et l'imagination mais aussi le courage, le courage d'innover, de croire et d'imaginer et de suivre, résolument, la voie qui s'ouvre à nous.

Aujourd'hui, cette voie de la découverte est une autoroute de lumière et de vitesse qui permet de relier la plus grande métropole au plus petit village qui existe sur terre. Alors que le monde était naguère limité par les frontières et la géographie, les seules frontières aujourd'hui sont celles de notre imagination. Plus qu'à n'importe quel autre moment de notre histoire, la perspective de nouvelles découvertes et de nouvelles technologies permet de raviver et de renforcer nos valeurs les plus anciennes et les plus chères.

A l'aube d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire, retrouvons cette même capacité d'émerveillement, ce même esprit d'aventure et ce même courage pour que se concrétisent les valeurs auxquelles l'homme, à travers des siècles d'expérience, a toujours aspiré: mettre un terme à la souffrance, éradiquer la maladie, promouvoir la liberté, éduquer nos enfants et offrir le meilleur à nos familles et nos pays.

Il n'y a pas une minute à perdre, car nos enfants et le monde attendent.n

Produit par le Service presse et information publique de l'UIT

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