Le module 1 est consacré à la terminologie utilisée pour ce cours. Elle décrit les circonstances susceptibles d'amener à faire appel à des télécommunications d'urgence, ainsi que les rôles incombant aux partenaires qui interviennent dans les différentes phases des opérations d'urgence.
Les dictionnaires définissent l'urgence comme une situation ou un événement grave qui surgit à l'improviste et appelle une intervention immédiate – autrement dit: une situation qui "urge". Les interventions en réponse aux urgences les plus courantes reposent sur l'expérience et la planification préalable. Les individus acquièrent de l'expérience et les sociétés ont mis au point, et, très souvent, institutionnalisé des mécanismes de planification préalable et d'intervention. La première réaction de quiconque se trouve confronté à une situation d'urgence consistera toujours à:
FAIRE USAGE DE CE QUI EST DISPONIBLE
On aura besoin d'aide lorsque les ressources disponibles sur place au moment d'une situation d'urgence ne suffisent pas à faire face à cette situation. "Crier à l'aide" est l'étape suivante – une forme élémentaire de communication d'urgence. A ce stade, faire usage de ce qui est disponible peut simplement signifier crier fort.
Etant donné la portée limitée de la voix humaine et pour revenir de l'aspect télécommunication à l'intervention d'urgence en général, il est évident que
LA PREMIÈRE INTERVENTION EST TOUJOURS LOCALE
Ceci fait ressortir une des grandes raisons d'être de ce cours sur les télécommunications d'urgence: A tout moment, un membre quelconque d'une communauté peut être tenu d'apporter une aide grâce à n'importe quel moyen disponible. [exemple 1.1.a]
Si l'aide que la voix humaine peut mobiliser ne suffit pas ou si cette première manière de faire savoir que l'on a le besoin urgent d'une aide ne permet pas d'atteindre quelqu'un en mesure d'intervenir, nous en revenons au premier principe – mais pour ce faire, nous devons savoir ce qui est disponible et comment on peut l'utiliser. Là aussi nous venons de découvrir un principe:
PRÉPAREZ-VOUS
Lorsqu'on ne peut faire face à une situation d'urgence au moyen de ce qui est localement disponible ou si l'ampleur de cette situation est telle que les moyens locaux ne peuvent permettre d'y faire face, nous nous trouvons peut-être confrontés à une catastrophe. La Croix-Rouge américaine définit une catastrophe comme une situation qui cause des souffrances ou crée des besoins que les victimes ne peuvent alléger ou satisfaire sans assistance. Selon un dictionnaire, une catastrophe est un événement entraînant de grandes destructions et un grand désarroi; un désastre; un grand malheur. Selon son étymologie grecque, le mot signifie "bouleversement".
La définition d'une catastrophe est relative et, vue subjectivement, toute situation d'urgence peut avoir un effet "catastrophique" même sur une seule personne. Toutefois, dans l'examen que nous entreprenons, nous utiliserons la définition de la Croix-Rouge.
Une catastrophe exigera de mobiliser des ressources au-delà du voisinage immédiat ou des environs. Une intervention nationale, régionale voire mondiale visera à compléter les ressources de la communauté. Communiquer ce que sont les besoins exigera alors d'utiliser les technologies de la télécommunication. Indépendamment de l'ampleur d'un événement, le recours à ces technologies sera régi par les trois principes susmentionnés. En résumé:
SOYEZ PRÊTS À UTILISER CE QUI EST DISPONIBLE AU PLAN LOCAL
Pour répondre aux besoins qui auront été communiqués initialement, il faudra échanger davantage d'informations. Les télécommunications constituent l'outil indispensable et fournir les moyens pour assurer ces télécommunications fait partie de l'assistance. [exemple 1.1.b]
Le dictionnaire définit communication comme un échange de pensées, de messages ou d'information, par la parole, par des signaux, par l'écriture ou par le comportement. Dans un sens encore plus général, la communication est définie comme un "rapport interpersonnel".
Le dictionnaire définit la télécommunication comme étant la science et la technologie de la communication à distance grâce à la transmission électronique d'impulsions, notamment au moyen du télégraphe, du câble, du téléphone, de la radio ou de la télévision. La télécommunication est un des éléments de l'interaction sociale et elle dépend de la disponibilité de moyens technologiques.
S'agissant des télécommunications dans des situations d'urgence, nous devons donc nous concentrer sur leurs aspects pratiques et techniques tout en gardant à l'esprit leur rôle et leur interaction sociale.
LES TÉLÉCOMMUNICATIONS CONSTITUENT LA
LOGISTIQUE
DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS
Dans ce cours, nous étudions les outils disponibles pour apporter l'information appropriée aux personnes appropriées au moment approprié. Dans une situation d'urgence, "le moment approprié" est toujours "maintenant". La définition des "personnes appropriées" appellera un examen plus approfondi dans les chapitres suivants. Trouver une définition complète de ce qu'est "l'information appropriée" dépasserait de loin la portée de ce cours. Néanmoins, la quantité comme la qualité de l'information à communiquer par la télécommunication sera dans les situations d'urgence une question prioritaire au moment de réfléchir aux divers outils et réseaux à utiliser. [exemple 1.2]
Les télécommunications font partie de ce que l'on appelle les TIC à savoir les technologies de l'information et de la communication. Nous ne nous intéresserons au "I" (de TIC) que dans la mesure où cela nous aiderait à comprendre le rôle du "T". Les ordinateurs et leurs périphériques sont les outils de "gestion de l'information"; ils permettent de traiter les données transmises par les réseaux de télécommunication.
On a dit que toutes les catastrophes étaient des catastrophes causées par l'homme. Il y a quelque chose de vrai dans cette opinion sarcastique car les catastrophes sont le produit du risque et de la vulnérabilité.
CATASTROPHE = RISQUE x VULNÉRABILITÉ
Si l'un de ces facteurs à la valeur zéro, il n'y aura pas de catastrophe. Seul l'impact d'un événement aux conséquences potentiellement catastrophiques sur une cible vulnérable telle qu'une société et son infrastructure provoque une catastrophe. Lorsqu'il n'y a pas de cible vulnérable, les risques n'entraînent pas de catastrophe. [illustration 1.1]
Les forces qui créent les risques à l'origine de catastrophes naturelles échappent de loin à l'influence de l'homme. Seule l'élimination ou tout au moins la réduction de la vulnérabilité nous permettra d'influer sur le résultat du calcul.
Toutefois, les risques découlent également de l'activité humaine et peuvent provoquer ce que l'on appelle des catastrophes causées par l'homme. C'est la technologie, mais également la société elle‑même, qui créent ce genre de risque aux conséquences potentiellement catastrophiques. Réduire ou éliminer complètement ces risques sont dans le pouvoir de ceux qui au départ les créent par leur activité. Cette possibilité reste cependant limitée: les risques technologiques découlent de l'absence de connaissances ou de la négligence dans l'application de ces connaissances. Les catastrophes causées par l'homme, au sens strict de l'expression, résultent de l'évolution de la société. Dans l'un et l'autre cas, les valeurs attribuées à la prévention d'un risque détermineront la capacité de ramener la valeur du facteur "risque" à zéro.
Les deux facteurs, risque et vulnérabilité, devront donc être pris en compte au moment d'étudier les situations d'urgence faisant suite à une catastrophe, les différentes phases et les rôles des différents acteurs en cause.
Toute catastrophe commence par la création d'un risque et la création d'une cible potentiellement vulnérable. Lorsque la prévention est possible, elle doit commencer le plus tôt possible. La science et la technologie, y compris les TIC, apportent un nombre croissant de moyens pour identifier les risques existants et leurs suites potentiellement critiques. Parmi les TIC, les télécommunications sont de la plus grande utilité pour observer et détecter les événements qui se produisent loin d'un emplacement potentiellement vulnérable et pour assurer de manière continue la télédétection nécessaire, souvent à l'aide de satellites.
La première mesure à prendre en vue de la prévention et de la planification préalable consiste à assurer recherche, observation et suivi. La deuxième consiste à évaluer les résultats. La troisième à appliquer les connaissances acquises au cours des étapes 1 et 2: la sensibilisation et, chaque fois que possible, des alertes précoces ajoutent une nouvelle dimension [exemple 1.4.a]
PARVENIR JUSQU'AUX PERSONNES VULNÉRABLES
C'est à ce stade que, comme nous le verrons plus loin, la technologie de la télécommunication devient plus qu'un outil parmi tant d'autres dans l'arsenal de la gestion des catastrophes – elle devient sa composante principale.
Au moment de l'impact d'une catastrophe, la communication passe de la diffusion des informations au nombre normalement très important des personnes vulnérables à alerter à l'information de ceux dont on attend une assistance. En même temps, l'impact même d'un événement peut radicalement réduire les moyens de communication disponibles sur le moment. Là encore notre premier principe s'appliquer de nouveau: faire usage de ce qui est disponible.
La mobilisation des ressources pour faire face aux situations d'urgence et aux catastrophes inclut la mobilisation des moyens de télécommunication. Toute intervention ne sera réalisée à temps mais également ne sera appropriée que si un échange d'informations en temps réel se produit entre le lieu de l'événement et le quartier général des prestataires d'assistance dont beaucoup disposent de leurs propres réseaux spécialisés de communication.
Ce n'est que récemment que les nouvelles technologies ont donné aux télécommunications une nouvelle importance en matière de secours en cas de catastrophe:
EN MATIÈRE DE SECOURS LES TÉLÉCOMMUNICATIONS SONT UN PRODUIT DE BASE
De plus en plus, les télécommunications sont considérées comme allant de soi, comme un produit de base ou un élément de confort de la vie de tous les jours. Etre empêché de pouvoir communiquer à tout moment – et, depuis l'apparition des communications mobiles personnelles, également à partir de n'importe quel endroit – est ressenti de la même manière que la perte d'un autre bien ou d'un autre avantage. Outre leur rôle d'instrument pour les prestataires de secours, les télécommunications représentent bel et bien un besoin pour la population touchée et leur absence ont une incidence grave sur la société. La fourniture de services de télécommunication est, très souvent, un besoin comparable à l'apport de secours traditionnels tels que les vivres et le logement et nous en parlerons dans ce qui suit. [exemple 1.4.b]
Lorsqu'on fait face à une situation d'urgence, il est impératif de ne pas penser qu'aux besoins initiaux. Une catastrophe est toujours également une perturbation du processus continu de développement. Dans toute la mesure du possible, les secours apportés pour faire face à une situation doivent également contribuer à favoriser le développement sans toutefois introduire des éléments qui ne soient pas viables au-delà de la phase d'intervention d'urgence. [illustration 1.2] [illustration 1.3]
Dans le cas des télécommunications cela signifie que dans toute la mesure du possible l'assistance extérieure doit utiliser des systèmes susceptibles d'être maintenus qui soient fondés sur des technologies qui pourront être mises à disposition de partenaires locaux ultérieurement. Ces réseaux pourront alors contribuer utilement au développement général en plus du rôle qui leur revient à savoir renforcer la planification préalable et la capacité d'intervention en cas de catastrophe. Dans la recherche des technologies susceptibles d'être utilisées, nous devront prendre en compte les possibilités qu'elles offrent mais également leurs limitations.
A toutes les étapes, les activités de développement doivent tenir compte non seulement des risques et des aspects vulnérables qui existent déjà mais également de la possibilité qu'elles mêmes aggravent l'un ou l'autre de ces facteurs et renforcent donc le risque de catastrophe. D'autre part, ces activités doivent prévoir des mesures qui empêchent les catastrophes ou tout au moins améliorent la planification préalable permettant de faire face aux situations d'urgence. [exemple 1.5]
Pour ce qui est des télécommunications, l'Union internationale des télécommunications (UIT) recommande que dans tout projet de développement des télécommunications soit dûment prévu que les systèmes pourront éventuellement être utilisés dans des situations d'urgence. Nous reviendrons sur cette importante recommandation lorsque, dans un module ultérieur de ce cours, nous étudierons le cadre réglementaire des télécommunications d'urgence.
Lorsqu'une situation d'urgence se transforme en catastrophe, une large gamme d'institutions et d'organisations participent au secours. Ces partenaires qui partagent un but commun – soulager des souffrances humaines – ont en revanche leur propre structure et leur propre culture interne, de sorte que la coordination est une tâche primordiale mais malaisée. La coordination dépend des télécommunications. [exemple 1.6.a]
Dans la phase de prévention et de planification préalable les observateurs et les analystes fournissent les informations aux décideurs. Dans cette phase, toutes les tâches ont un caractère continu. Pour l'échange d'informations, on utilise essentiellement des liaisons de communication permanentes, fournies soit par des services publics soit par des réseaux privés spécialisés. La fiabilité est une considération essentielle; la sécurité peut également être une préoccupation.
Dans la phase d'alerte, la rapidité de diffusion d'informations fiables est la préoccupation qui l'emporte sur toutes les autres. Les décideurs – normalement les autorités publiques responsables du lancement des opérations – ont besoin d'atteindre les réseaux en place et les médias.
La diffusion des informations ne se limite cependant pas aux liaisons directes entre les pouvoirs publics et chaque citoyen: pour atteindre le plus grand nombre possible de personnes, il faut que les premiers à recevoir l'information la retransmettent. Les mécanismes qui permettent un tel système pyramidal dépendent des structures sociales. Il incombe donc à chacun de donner l'alerte à son tour, toujours selon le principe qui veut que l'on utilise ce qui est disponible.
Alerter les handicapés, ceux qui ne peuvent pas recevoir le signal d'alerte ou le comprendre est une question qui mérite une attention particulière lorsqu'on met au point un système d'alerte. Il en va de même pour ceux qui ne peuvent réagir sans une aide complémentaire. [exemple 1.6.b]
Il faut donc savoir ce dont on dispose. Dans l'un des modules ultérieurs, nous étudierons l'effet multiplicateur potentiel qu'ont divers moyens de communications.
Dans la phase de l'impact d'une catastrophe, c'est-à-dire au sens le plus large lorsque se produit une situation d'urgence, le flux de l'information change de sens. L'"appel au secours", la demande d'aide, ira des victimes aux personnes dont elles attendent une aide.
Au niveau local, la demande d'aide s'adresse aux services de secours institutionnels. Dans le cas de catastrophes majeures, cette demande va aux fournisseurs d'aide nationaux, régionaux voire même internationaux. Dans tous les cas, les voies normalement empruntées pour l'échange d'informations risquent d'être déjà perturbées par l'événement lui-même: l'impact physique de cet événement a peut‑être détruit les éléments essentiels de l'infrastructure de télécommunication en place et de toute façon les réseaux publics ne seront pas à même d'acheminer le volume de trafic soudainement accru. Les fournisseurs institutionnels de services d'urgence entretiennent leurs propres réseaux non publics qui n'interviendront que lorsque les chargés des secours parviendront sur le lieu de la catastrophe.
Les secours internationaux sont généralement mobilisés par l'intermédiaire de réseaux publics mondiaux. La surcharge de ces systèmes risque de gêner l'apport des informations nécessaires pour fournir une aide appropriée. Le réseau de radiodiffusion à l'abri de toute surcharge qu'entretiennent les médias n'apporte qu'une partie des informations dont les intervenants internationaux ont besoin. Pour obtenir des informations spécialisées, il leur faut avoir accès à des liaisons de communication invulnérables aux catastrophes sont parfois maintenus pour servir de sauvegarde. De même que pour les services locaux d'urgence, les intervenants internationaux ne pourront utiliser la plupart de leurs propres liaisons de télécommunications que lorsqu'ils atteindront le lieu de la catastrophe et auront achevé la mise en place du matériel nécessaire ou bien l'extension de l'infrastructure de leur réseau déjà en place.
Dans la phase des secours, l'évaluation d'une situation qui change souvent rapidement et la coordination de l'aide requièrent un échange continu d'informations selon deux axes: verticalement entre les organismes de secours sur place et leurs quartiers généraux, et horizontalement à deux niveaux entre les différentes équipes sur le terrain et entre les quartiers généraux au niveau national et international.
Finalement, dans la phase de remise en état, et encore plus lors du passage de la phase des secours et celle du développement, il y a lieu de tenir compte d'un facteur supplémentaire: la durabilité. Les outils utilisés pour une intervention rapide ne conviennent pas nécessairement à une utilisation locale à long terme. Pendant la phase d'urgence de l'intervention, il faut établir les télécommunications littéralement "à tout prix" mais pour devenir un élément du développement durable, les télécommunications doivent être d'un prix abordable.
Dans les modules suivants de ce cours, nous étudierons les possibilités offertes ainsi que les limitations imposées par les différents moyens de télécommunication utilisés dans toutes les phases depuis la surveillance et l'alerte jusqu'à l'intervention et la remise en état. Nous étudierons ce que les technologies peuvent offrir, nous étudierons les limites qu'imposent les lois physiques qui régissent les réseaux électroniques et nous étudierons également les restrictions qu'impose l'environnement administratif et réglementaire des télécommunications.
Dans le cadre des situations d'urgence et plus particulièrement en cas de catastrophe, la différence qui existe entre les professionnels et les volontaires n'est pas une différence de qualifications. Le fait que le moment et le lieu d'une catastrophe sont presque toujours imprévisibles empêche la mise en place d'un système d'intervention institutionnalisé permanent doté d'un nombre suffisant de professionnels à plein temps pour répondre à toutes les éventualités. La différence entre les professionnels et les volontaires relève donc d'un problème de permanence et non de qualifications.
En tout état de cause, les besoins créés par une catastrophe peuvent très bien dépasser les capacités mêmes des services d'urgence institutionnels les mieux préparés. On aura besoin de personnes acceptant de quitter leur activité et leur environnement normaux pour venir épauler dans leur travail les professionnels chargés des secours. Pour s'acquitter d'un tel travail volontaire, les intéressés ont besoin d'une préparation qu'ils acquièrent grâce à une formation.
Par ailleurs, une approche coordonnée est essentiel au succès des interventions lors de situations d'urgence et en cas de catastrophe. Contribuer à des secours implique de s'intégrer dans un mécanisme souvent très complexe. Connaître les idées des partenaires avec lesquels vous allez collaborer est une condition préalable à tout travail de volontaire. La communication est à la base de la coopération et de la coordination et nous étudierons donc dans les modules suivants le rôle des télécommunications dans le travail de tous les partenaires qu'il s'agisse d'intervenants institutionnels à "plein temps" ou de partenaires volontaires spontanés.