17 mai 2001 - Journée mondiale des télécommunications
L'Internet: enjeux, opportunités et perspectives

  
 
 
L'INTERNET ET LA SANTÉ: y a-t-il un médecin à bord?

Imaginez: dans une ville pauvre en milieu rural, un enfant, qui joue au football au bord d'une route très fréquentée, court pour rattraper le ballon sur la chaussée et se fait renverser par une voiture. Affolés, les parents emmènent l'enfant inconscient au centre médical le plus proche pour qu'il y soit soigné d'urgence. Le jeune médecin, passionné, mais encore inexpérimenté puisqu'il vient de terminer ses études, lui fait une radiographie crânienne afin de déterminer l'étendue de ses blessures. L'état du patient est stationnaire, mais le médecin se trouve néanmoins devant un difficile dilemme: le soigner sur place d'après son diagnostic ou l'envoyer à l'hôpital de la capitale mieux équipé, au prix d'un voyage long, pénible et périlleux peut-être. Une décision dont les conséquences pourraient être mortelles.

Imaginez maintenant un autre dénouement. Le petit blessé est amené chez le médecin local qui fait une radiographie crânienne. Au lieu toutefois d'établir un diagnostic, il transmet par Internet la radio à l'hôpital de la capitale afin que des confrères plus expérimentés que lui puissent se prononcer. Grâce à un équipement de téléradiologie peu onéreux, la radiographie est envoyée sous forme numérique et est suffisamment claire pour que les spécialistes puissent déterminer la gravité de la blessure, lesquels peuvent ensuite conseiller le médecin sur le traitement à dispenser. L'enfant, traité avec succès, retournera bientôt chez lui et continuera à jouer au football avec ses amis, à bonne distance de la grand route.

Est-ce là une vision futuriste? Non! Un simple regard sur la réalité de pays tels que le Mozambique permet de constater que la "télémédecine" a une réelle incidence sur les traitements médicaux et sur l'information relative à la santé dans les pays en développement. La télémédecine est un néologisme qui désigne la prestation de services médicaux et de soins de santé via des systèmes de télécommunication, tels que l'Internet, par liaison de Terre, hertzienne ou satellitaire. On considère que le Mozambique est peut-être une des illustrations les plus probantes de l'application concrète de la télémédecine. En coopération avec l'Union internationale des télécommunications, par l'intermédiaire de son Bureau de développement des télécommunications (BDT), les pouvoirs publics du Mozambique ont mis en place sur une distance de 1 000 km une liaison de télémédecine entre les hôpitaux centraux de Maputo, la capitale, et Beira, la deuxième ville du pays. Grâce à cette liaison, les praticiens de ces hôpitaux peuvent échanger des messages au sujet de résultats d'analyses, et des traitements ainsi que des radiographies.

De la sorte, les médecins de Beira peuvent soumettre des cas à leurs confrères de l'hôpital central de Maputo pour un premier avis ou pour une confirmation de diagnostic et transmettre des dossiers médicaux à des spécialistes de la capitale qui sont ainsi à même de déterminer si des patients gravement atteints peuvent être soignés sur place ou doivent être envoyés à Maputo. Ce projet revêtait une importance particulière étant donné qu'il n'y avait pas de radiologue à l'hôpital de Beira lorsque la liaison de télémédecine a été mise en place. "Ils traitaient approximativement 10 000 radiographies par an" a indiqué Leonid Androuchko, professeur à Genève dans le domaine des télécommunications, qui avait dirigé auparavant un programme de l'UIT consacré à la télémédecine. "Lorsque les cas étaient simples, il était facile d'interpréter les images sur place, mais pour des cas plus complexes, il fallait s'adresser aux médecins de la capitale. Une procédure non seulement frustrante mais aussi très onéreuse."

Pour les pays en développement, la réalisation de ce type de projet est généralement peu coûteuse. Selon M. Androuchko, la liaison entre Maputo et Beira est revenue approximativement à 50 000 dollars EU, la numérisation des images radiographiques étant ce qui a coûté le plus cher. Le gouvernement du Mozambique est très satisfait des résultats obtenus, à tel point que le premier ministre a écrit une lettre à l'UIT pour lui demander d'aider le pays à établir de nouvelles liaisons de télémédecine avec un hôpital de Nampula, la troisième ville du pays, le financement étant partiellement assuré par les pouvoirs publics.

Un projet analogue est en cours de réalisation au Sénégal, où une liaison de télémédecine sera mise en place entre le principal hôpital du pays, à Dakar Fann, et des hôpitaux régionaux situés à Saint-Louis, à Djourbel et au-delà. La liaison permettra aux praticiens non seulement de transmettre des images et des informations médicales, mais aussi d'avoir des échanges de vues approfondis sur certains cas grâce à la visioconférence. Comme au Mozambique, cette liaison de télémédecine est particulièrement importante dans le domaine de l'interprétation des radiographies, étant donné qu'aucun des hôpitaux régionaux qui en bénéficieront ne compte de radiologue parmi ses médecins.

Des avis qui comptent

L'Institut de radiologie diagnostique de Tbilisi (Géorgie) assure un certain nombre de prestations médicales perfectionnées fondées sur des techniques modernes. Pour certains cas complexes cependant, il arrive que les praticiens de l'Institut souhaitent se concerter avec leurs homologues d'autres centres médicaux en Géorgie et à l'étranger. La liaison de télécommunication qui relie l'Institut à d'autres centres médicaux leur permet non seulement d'obtenir un deuxième avis rapidement et efficacement, mais aussi d'avoir plus facilement accès à des informations médicales dans le pays ou à l'étranger.

C'est en septembre 1998 que le premier dossier médical incluant une radiographie a été transmis en Suisse par Internet pour un deuxième avis. Les spécialistes du Centre d'imagerie diagnostique de Lausanne l'ont examiné et, 48 heures plus tard, l'Institut de radiologie de Géorgie recevait leur avis et des recommandations thérapeutiques. En septembre et octobre 1998, plus de 10 dossiers médicaux provenant de Géorgie ont été ainsi étudiés par des spécialistes de haut niveau en Suisse et, d'un côté de la liaison comme de l'autre, plusieurs cas ont été jugés très intéressants d'un point de vue professionnel.

D'autres projets de télémédecine ont été mis en oeuvre avec le concours de l'UIT, notamment au Bhoutan, en Géorgie, à Malte, en Ouganda et en Ukraine. Dans le cas de la Géorgie, il s'agit d'un projet relativement simple qui porte sur des systèmes transtéléphoniques de surveillance d'électrocardiogrammes (ECG). Ce procédé consiste simplement à faire tenir à un patient souffrant d'une maladie cardiovasculaire un petit boîtier contenant un dispositif ECG qui transmet des données au cardiologue d'un hôpital. Grâce à cette surveillance à distance, les cardiologues peuvent suivre leurs patients après leur séjour à l'hôpital sans leur imposer des visites de contrôle fréquentes, d'où un gain de temps et d'argent pour ces derniers.

M. Petko Kantchev, coordonnateur des projets de télémédecine de l'UIT, estime que la télémédecine présente le double avantage de permettre l'intégration des zones rurales dans l'infrastructure médicale du pays moyennant un coût relativement faible, et de mieux tirer parti des ressources intellectuelles au niveau national. "En général dans les pays en développement, les intellectuels et les spécialistes les plus compétents se concentrent dans la capitale" fait observer M. Kantchev. "Or cette élite, souvent très restreinte, possède un savoir et une expérience d'une importance considérable car adaptés à la réalité de leur pays. Les spécialistes connaissent en effet mieux les pathologies qui peuvent être traitées sur place que des praticiens que l'on pourrait consulter au Canada, en Russie, en Allemagne ou aux Etats-Unis d'Amérique."

Les maladies cutanées sont un exemple d'affections fréquentes dans les pays en développement et dont le traitement peut être facilité par la télémédecine. Un projet, actuellement à l'étude en Ethiopie, consisterait à transmettre par Internet, des images numériques et vidéo de patients vivant dans des zones rurales et souffrant de telles maladies à des médecins de la capitale qui, après s'être concertés, enverraient en retour des conseils thérapeutiques. Maintenant que les caméras numériques se généralisent, la réalisation du projet est devenue plus facile. Selon M. Kantchev, "il y a dans ces pays un grand nombre de maladies de la peau que le personnel médical des zones rurales ne sait pas traiter".

S'il existe un domaine dans lequel l'Internet peut réellement faire une différence, c'est bien celui de l'aide à la recherche médicale et la formation des professionnels de la santé. Après tout, l'Internet était, jusqu'à récemment encore, un réseau purement conçu pour des universitaires ou chercheurs - cela reste le cas dans les pays en développement.

La possibilité d'accéder à un nombre quasi illimité de spécialistes et de sources d'informations dans le domaine médical, et ce à l'échelle mondiale, offre aux étudiants en médecine et à d'autres professionnels de la santé des possibilités d'apprentissage exceptionnelles. Si les atouts du téléenseignement sont bien connus, l'Internet et ses fonctions de communication uniques offrent en revanche un moyen d'accès révolutionnaire aux services d'enseignement du monde entier. Dans le domaine de la médecine - comme dans d'autres disciplines d'ailleurs - le téléenseignement se heurtait aux problèmes qui vont de pair avec toute formation à distance: échanges limités avec les enseignants et inexistants avec les autres étudiants, temps de réaction lent, sentiment d'isolement et manque de motivation à continuer et, donc, taux d'abandon élevé. Sans compter que, dans le cas de l'enseignement de la médecine, le partage des images et l'explication des procédures pratiques posaient de nombreux problèmes.

Grâce à l'Internet, la plupart de ces difficultés ont disparu. Même si la connexion à l'Internet est lente, l'enseignement peut désormais être une expérience totalement nouvelle.

L'Internet fait aussi la différence car il permet de diffuser facilement, rapidement et presque gratuitement du matériel didactique de grande qualité, destiné à aider le personnel sanitaire travaillant sur le terrain au niveau de la communauté. Le lancement de Tools for Life Kit (la trousse d'instruments pour la santé) en est une illustration: ce programme polyvalent de communication sur la santé, qui se compose d'Activity Cards (cartes d'activité) et d'Information Cards (cartes d'information), a pour objet d'améliorer les compétences du personnel sanitaire en matière de formation et de conseils. Les cartes d'activité peuvent aider à intéresser les communautés à des problèmes de santé qui les concernent, tels que la maternité sans risques, la nutrition et la santé de l'enfant, les procédés antidiarrhéiques, la prévention des maladies courantes et la santé génésique. La "Trousse d'instruments" a été mise sur le web, le but étant de recueillir des observations pour l'améliorer. Grâce au cadre ouvert, propice à la coopération qu'est l'Internet, le site web "Tools for Life" a attiré, dans les trois premiers mois de la période d'essai préliminaire, plus de 5 000 visiteurs de 29 pays qui ont été nombreux à faire des observations et des contributions précieuses pour la conception de ce matériel didactique.

Les partisans de la télémédecine ont rapidement constaté que ce n'est pas une panacée face aux maux qui accablent le système médical d'un pays. D'ailleurs, un certain nombre de projets de télémédecine lancés à la fin des années 60 et au début des années 70 ont échoué pour diverses raisons - réglementations sanitaires inadéquates, coût élevé des équipements, pénurie de personnel technique, médical et administratif convenablement formé et, dans le cas de la téléradiologie, qualité médiocre des images. "Pour que cela fonctionne, il vous faut une ligne téléphonique de bonne qualité, une connexion RNIS fiable ou une liaison VSAT (microstation)" fait observer M. Kantchev. "Vous devez aussi pouvoir compter sur une bonne direction au niveau local afin de garantir une mise en oeuvre et un suivi appropriés." Un grand nombre de pays en développement créent, à l'échelle nationale, des comités ou des groupes spéciaux auxquels participent des représentants des secteurs de la santé et des télécommunications. Ces organes jouent un rôle très important car ils obtiennent l'appui de toutes les parties prenantes du pays et élaborent des projets de télémédecine viables.

La plupart des projets de télémédecine font appel à plusieurs moyens de transmission. Par exemple, les interventions chirurgicales à distance qui requièrent une extrême précision ou l'accès en ligne à des images médicales très complexes, pour les scanners du cerveau par exemple, imposent l'utilisation de liaisons de télécommunication à large bande et à haut débit. Cela dit, l'Internet grand public offre très souvent un vaste éventail de possibilités. Il fournit en effet un accès rapide à des données médicales et à des compétences spécialisées dans ce domaine, à l'échelle nationale, régionale ou mondiale, mettant ainsi les soins médicaux à la portée de patients qui sans cela en auraient été privés. C'est pourquoi l'Internet est de plus en plus utilisé pour consulter en ligne des médecins, où qu'ils soient dans le monde, soit sur des symptômes répertoriés, soit sur des données physiologiques réelles y compris les signes vitaux d'un patient. Par leur qualité croissante, les outils de visioconférence et de transmission du son sur l'Internet représentent eux aussi une ressource précieuse pour les consultations et les diagnostics en direct et en ligne.

La baisse constante des coûts de télécommunication et des techniques de l'information ainsi que les progrès gigantesques accomplis dans le domaine de l'imagerie et de la compression numériques ont suscité un regain d'enthousiasme pour la télémédecine, notamment dans les pays en développement. C'est d'ailleurs dans ces pays que l'atout maître de la télémédecine - permettre à des régions et à des zones, où les praticiens sont peu nombreux sur le terrain, d'accéder à des compétences médicales spécialisées - a le plus de chances d'être mis à profit. Pour des Etats aux prises avec des budgets de santé restreints, une pénurie de médecins et d'autres professionnels de la santé, des hôpitaux dispersés en zone rurale et une mauvaise infrastructure de transport, la télémédecine peut être un moyen utile de surmonter certains de ces problèmes et de répondre aux besoins de la population en matière de santé.

Pour des informations complémentaires, voir A quoi tient donc la spécificité de l'Internet et Internet for Development: Challenges to the network, 1999 (disponible en anglais uniquement)


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