17 mai 2001 - Journée mondiale des télécommunications
L'Internet: enjeux, opportunités et perspectives

  
 
 
INTERNET ET L'ENSEIGNEMENT: des classes virtuelles pour tous?

Une école composée en tout et pour tout d'une seule salle de classe poussiéreuse à l'orée d'un village. Un enseignant débordé s'efforce de discipliner une classe d'enfants turbulents. Des élèves partagent des manuels scolaires en nombre toujours insuffisant et rangés dans des pupitres en mauvais état. Certains enfants sont épuisés après avoir marché des kilomètres pour venir à l'école et leur estomac gronde de faim. D'autres disparaissent pendant des semaines pour aider leurs parents aux récoltes de fin d'année. D'autres encore ne reviennent jamais parce qu'ils n'ont pas d'argent pour payer les uniformes et les fournitures scolaires. Telle est, dans les pays en développement, la situation quotidienne de nombreux jeunes qui cherchent à avoir accès à l'instruction, bien précieux entre tous.

Alors que, pour créer des richesses, l'économie mondiale compte plus que jamais sur l'intelligence et l'innovation plutôt que sur les matières premières et le travail manuel, le fait de bénéficier d'un enseignement de qualité est devenu le critère qui permet de distinguer entre ceux qui réussiront et ceux qui risquent de se trouver distancés. Alors que les pays en développement s'efforcent d'utiliser au mieux leurs maigres ressources budgétaires et que pour certains Etats, les dépenses d'éducation sont loin d'être prioritaires, il semblerait que tout joue contre eux. Or, selon les estimations de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), il faudra au cours des trente prochaines années éduquer plus d'élèves que jamais auparavant.

Les chiffres dont on dispose pour 1995 font apparaître les effets dommageables de l'indifférence dont souffrent les pauvres en matière d'éducation. Tandis que 70% des enfants de pays à faible revenu étaient scolarisés dans l'enseignement primaire, ce chiffre n'était que de 17% pour l'enseignement secondaire. Par comparaison, les élèves des pays industrialisés étaient scolarisés à presque 100% dans l'enseignement primaire et dans l'enseignement secondaire. Cette érosion se poursuit dans l'enseignement supérieur, dans lequel étaient inscrits seulement 6% d'étudiants des pays à faible revenu, contre 57% de ceux des pays industrialisés. Le résultat est que des générations entières ne peuvent bénéficier d'un enseignement en salle de classe et sont condamnées à la pauvreté si l'enseignement traditionnel est le seul moyen qui leur est offert pour assimiler connaissances et techniques.

Entre autres méthodes, les pouvoirs publics se sont efforcés de mettre l'enseignement à la portée du plus grand nombre, au coût le plus bas possible, par le biais de l'enseignement à distance. Pour ceux qui habitent trop loin des écoles ou des universités, qui sont trop occupés à aider chez eux pour fréquenter l'école régulièrement, ou trop pauvres pour s'acquitter des frais de scolarité, le téléenseignement offre une solution de rechange intéressante.

Avec l'essor de l'Internet, le téléenseignement s'est radicalement transformé. Autrefois, il relevait essentiellement d'une expérience solitaire: l'élève était seul face à une pile de matériel didactique qui lui était envoyé par courrier et communiquait sporadiquement et dans un cadre structuré avec un enseignant inaccessible. Dans ce monde, non seulement l'élève devait surmonter bien des difficultés pour dialoguer avec son enseignant, mais encore un laps de temps assez long s'écoulait entre le moment où il posait sa question et où il recevait une réponse. Par ailleurs, le dialogue n'était possible qu'entre chaque élève et son enseignant, sans moyen de communiquer avec d'autres élèves.

Par comparaison, l'Internet accueille des salles de classe virtuelles dans lesquelles l'interactivité et le partage des ressources et des informations sont absolument essentiels. Cela ne signifie pas qu'il n'existait pas de classes virtuelles avant l'essor de l'Internet. Pendant des années, plusieurs établissements d'enseignement se sont efforcés de mettre en oeuvre des programmes d'enseignement à distance conçus pour des systèmes de téléconférence, mais le coût extrêmement élevé de ce service en a empêché la généralisation. Cette technologie était hors de portée de la plupart des pays en développement, dont seuls quelques-uns ont pu la mettre en oeuvre de façon limitée à l'intention de quelques privilégiés. En outre, la nécessité d'assurer une présence en temps réel rendait le système très rigide et mal adapté aux exigences d'un horaire d'enseignement souple.

Les responsables de l'enseignement de certains pays (par exemple, Canada, Etats-Unis, France, Allemagne et Italie) se sont déjà engagés à connecter la plupart ou la totalité de leurs écoles à l'Internet. Parmi les pays en développement, la République sudafricaine a lancé en 1997 son projet SchoolNet visant à mettre en commun le savoir-faire et les ressources pour nouer des partenariats dans des domaines tels que la connectivité Internet et l'élaboration des programmes, l'objectif étant la mise en place d'un réseau national d'enseignement. En 1999, SchoolNet s'est associé avec la fondation Telkom pour former plus de 2 000 enseignants dans 1 035 établissements de tout le pays. L'Université catholique du Chili a pour sa part lancé en 1992 le programme "Enlaces" dans le cadre duquel une demi-douzaine d'écoles situées dans des zones isolées à population indigène ont été connectées à 2 ordinateurs, dont chacun a été équipé de modems à 2 400 bit/s utilisant une technologie hertzienne.

Par le biais de son Bureau de développement des télécommunications et en partenariat avec l'UNESCO, l'Union internationale des télécommunications participe également à des projets d'enseignement à distance. L'un des objectifs de ces projets est de remédier à un problème fréquent dans les pays en développement, à savoir la lassitude des enseignants qui font le même travail depuis des années, voire des dizaines d'années, et chez qui on note une usure des compétences parce qu'ils ont été laissés seuls face à une situation difficile. Le téléenseignement et l'Internet offrent des occasions exceptionnelles d'améliorer la qualité de l'enseignement, et donc de permettre une meilleure assimilation des connaissances. C'est ainsi que les statistiques du "Education Foundation Trust" montrent qu'en 1991, 40% des enseignants africains en République sudafricaine étaient sous-qualifiés. Heureusement, grâce à plusieurs mesures énergiques adoptées par le Gouvernement, et notamment à la mise en oeuvre de projets de téléenseignement réalisés en partenariat avec des organisations privées, la situation s'est beaucoup améliorée et le nombre d'enseignants sous-qualifiés n'était plus que de 25% en 1999, alors que le nombre global d'enseignants avait augmenté de 7% depuis 1991. Deux de ces projets, qu'il est prévu de réaliser en Inde et au Maroc, seront centrés sur le recyclage d'enseignants du primaire pour qu'ils se familiarisent avec les nouvelles pratiques et méthodes pédagogiques. Ces projets pilotes déboucheront sur la création, dans ces deux pays, de quinze à vingt centres d'apprentissage dans des classes qui pourront accueillir jusqu'à une quarantaine d'élèves-enseignants. Chacun de ces centres d'apprentissage sera relié au centre de formation principal où sera installé le studio et d'où enseigneront les instructeurs, au moyen d'une liaison à microstations.

Au Maroc, chaque centre d'apprentissage sera équipé d'un écran et d'un terminal téléphonique simplifié. Les élèves-enseignants pourront ainsi voir et suivre les cours des instructeurs et saisir des informations sur clavier, se présenter ou répondre aux questions. En Inde, le projet sera plus évolué puisqu'il sera créé une installation complète de visioconférence utilisant une liaison à microstations avec un débit de transmission de 2 Mbit/s en sortie et de 384 kbit/s en retour, ce qui permettra une plus grande interactivité en temps réel entre les instructeurs et les élèves-enseignants.

Dans une première étape, les deux projets recourront à la technologie des microstations et n'utiliseront guère les fonctions Internet. Cette décision est fondée sur des considérations économiques. Lorsque le nombre de centres d'apprentissage est inférieur à cinquante, la méthode la plus rentable consiste à limiter certaines des fonctions offertes par l'Internet (par exemple grâce à l'utilisation collective d'un seul ordinateur personnel par centre, sans possibilité de navigation, etc.). Ainsi que l'explique Petko Kantchev, de l'UIT, "Vu le très faible nombre de centres participant au projet, offrir toutes les fonctions Internet serait d'un coût prohibitif et découragerait la généralisation de techniques de téléenseignement utilisant l'Internet. L'installation d'un tel centre revient très cher si toutes les fonctions Internet sont activées. Il importe en priorité de faire la preuve des avantages de ces applications pour créer la demande, après quoi on pourra augmenter le nombre de fonctions offertes".

Normalement, une fois que les projets auront été élargis pour concerner entre 100 et 150 centres d'apprentissage, il sera temps de passer à des réseaux à microstations fondés sur le protocole Internet. Ainsi que l'explique Petko Kantchev, "Quand le nombre de centres d'apprentissage dépasse la centaine, le coût de l'investissement par centre décroît et compense, et de loin, les investissements nécessaires pour chaque centre. Une fois ce seuil atteint, avec les économies d'échelle, il devient financièrement intéressant d'utiliser un système à microstations fondé sur le protocole Internet, en plus d'activer la totalité des fonctions Internet et de favoriser la croissance rapide du nombre de centres d'apprentissage. On peut même envisager, pour un faible coût marginal, l'ouverture de cybercafés que pourra utiliser la population des régions mal desservies".

Pour les deux projets en Inde et au Maroc, des centaines, voire des milliers, de centres d'apprentissage doivent entrer en service après la phase pilote de deux ans.

Ces projets coûtent cher - environ 50 000 dollars EU pour chaque centre d'apprentissage et entre 800 000 et 900 000 dollars EU pour chaque centre principal, y compris l'installation du studio et les systèmes de gestion informatique. Toutefois, ce coût apparaît comme raisonnable par comparaison avec l'autre solution qui est de faire venir des milliers, sinon des centaines de milliers, d'enseignants vers les capitales régionales ou nationales afin de les recycler, ou de laisser l'enseignement continuer à stagner. Dans le cas du Maroc, la plus grande partie du coût des projets pilotes sera couverte par un prêt consenti par la Banque mondiale en faveur du développement. En Inde, l'essentiel du coût sera pris en charge par le Département de l'éducation élémentaire, le Ministère du développement des ressources humaines et le Département des télécommunications. Pour sa part, l'UNESCO est chargée de la supervision de tous les aspects des deux projets pilotes relatifs à l'éducation. L'UIT a contribué à hauteur de 250 000 dollars pour aider au décollage des programmes de chaque projet pilote. Le projet est déjà en cours de mise en oeuvre en Inde tandis qu'une équipe technique de l'UIT aide actuellement le Maroc à concevoir et mettre en application l'architecture du système.

Peut-être est-ce au niveau de l'enseignement supérieur que l'Internet peut être le plus efficace. L'obtention d'un diplôme universitaire grâce au téléenseignement est déjà une pratique consacrée, l'exemple le plus connu étant sans doute celui de la Open University du Royaume-Uni qui compte plus de 200 000 étudiants. Au Mexique, le Institute of Technology and Higher Studies (ITESM) de Monterrey a créé une université virtuelle qui a commencé à offrir des cours par satellite en 1997 et qui s'oriente maintenant vers l'enseignement sur l'Internet. En Thaïlande, la Sukhothai Thammathirat Open University a mis en place un programme virtuel d'enseignement à distance sur l'Internet. Les activités entreprises dans le cadre du projet d'université virtuelle africaine, auquel participent deux douzaines d'universités dans toute l'Afrique et qui offrait un téléenseignement via le réseau INTELSAT, se déroulent maintenant pour la plupart dans le cyberespace.

L'UIT contribue à ces activités par le biais de son projet d'Université mondiale des télécommunications/d'Institut mondial de formation aux télécommunications (GTU/GTTI). L'accent est mis sur la formation d'ingénieurs et de gestionnaires du secteur des télécommunications afin d'aider les pays en développement à relever les défis des nouvelles technologies et de l'ouverture des marchés à la concurrence. Les cours d'essai offerts jusqu'à maintenant dans le cadre de son Centre de formation virtuel ont surtout porté sur l'accès hertzien, la réglementation des télécommunications, la gestion du spectre et la formation professionnelle par l'Internet. L'UIT espère commencer dans un proche avenir à offrir des programmes agréés à long terme et à s'assurer l'appui des secteurs public et privé afin de permettre au projet GTU/GTTI de devenir une institution indépendante et autosuffisante.

L'enseignement via l'Internet doit encore faire face dans de nombreux pays en développement à des obstacles de taille, le premier d'entre eux étant la médiocrité des infrastructures intérieures de télécommunication et le coût prohibitif des tarifs téléphoniques et des tarifs d'accès à l'Internet. Les pédagogues ont également pour tâche de concevoir et de fournir des matériels pédagogiques qui peuvent être adaptés à l'Internet. Les contenus pédagogiques aujourd'hui disponibles en ligne sont pour la plupart conçus en Europe ou en Amérique du Nord et ne conviennent donc pas nécessairement à des étudiants d'autres régions du monde. Toutefois, comme en témoigne le fait que de nombreuses universités réorientent actuellement leurs programmes existants d'enseignement à distance vers l'Internet, le réseau est un vecteur incomparable d'élargissement des perspectives en matière d'enseignement. Pour peu qu'il bénéficie de l'appui sans faille des secteurs public et privé, l'enseignement sur l'Internet peut contribuer à lutter contre l'une des plus grandes menaces auxquelles les pays en développement doivent faire face aujourd'hui, c'est-à-dire celle du désintérêt pour l'éducation.

Pour des informations complémentaires, voir A quoi tient donc la spécificité de l'Internet et Internet for Development: Challenges to the network, 1999 (disponible en anglais uniquement)


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