Reportage N° 3

SYSTEMES SUPER LEO: POIDS LOURDS DES SMS

Cet article est le troisième d'une série de cinq articles consacrés aux nouveaux Systèmes mobiles mondiaux de communications personnelles par satellite (GMPCS). Il a été rédigé de façon à coïncider avec le prochain Forum mondial des politiques de télécommunication organisé par l'UIT à Genève du 21 au 23 octobre.

Cet article rappelle quelques éléments sur les nouveaux systèmes super LEO proposés, qui promettent à leurs utilisateurs des communications vocales et même multimédias en mode ubiquitaire: en tout lieu et à tout moment.


GMPCS – Systèmes mobiles mondiaux de communications personnelles par satellite: on pourrait croire que ce terme est bien enraciné dans le savant domaine des télécommunications. En réalité, il intéresse au plus haut point ceux d'entre nous qui ont simplement besoin de communiquer avec leurs semblables sans forcément savoir où ceux-ci se trouvent – en bref ceux d'entre nous qui utilisent des téléphones mobiles.

Pourquoi? Parce que le terme de systèmes GMPCS est la façon savante de parler de services de télécommunication – y compris la voix en temps réel – dont on a tiré les plans et qui seront bientôt – et pour la première fois – mis à la disposition du monde entier. Ces nouveaux services seront fournis par une constellation de nouveaux satellites très évolués, qui orbiteront autour du globe pour recueillir et redistribuer des communications en les faisant passer d'un côté à l'autre du globe.

Ces systèmes offriront ce qu'il y aura de mieux en téléphonie mobile: un petit téléphone de poche qui vous permettra de vous relier à tout moment à toute personne se trouvant à tout endroit de la Terre. Par ailleurs, votre téléphone pourra également assurer la radiomessagerie, le transfert de données et la télécopie. Le coût des communications, et parfois du combiné proprement dit, sera élevé au début. Mais l'histoire a démontré que, lorsque le marché de la téléphonie mobile conventionnelle voit le volume de trafic augmenter à cause d'utilisateurs toujours plus nombreux, cela aboutit rapidement à des réductions massives du prix des équipements comme des émissions. Tout donne à penser que le même processus s'appliquera à la téléphonie mobile par satellite.

D'où viendront donc ces nouveaux services? Et quand? Si tout se passe selon les prévisions, les services GMPCS seront offerts initialement par au moins quatre grands concurrents: Globalstar, ICO, Iridium et Odyssey. Ces quatre Grands sont actuellement en train de concevoir leurs systèmes ou d'y mettre la dernière main. Ils font des manoeuvres de couloir pour susciter l'intérêt d'investisseurs, de partenaires et de clients. Par exemple, Iridium a récemment obtenu un succès financier majeur en s'assurant, auprès d'un groupe de 62 banques, d'une nouvelle ligne de crédit de l'ordre de 750 millions USD; tandis qu'ICO annonçait, à la fin de l'an passé, que la société Hughes Space and Communications International investirait 94 millions USD dans le système ICO. Les autres acteurs formuleront l'espoir d'accords similaires pour faciliter le déploiement rapide de leurs systèmes.

Aucun de ces opérateurs n'emploiera les satellites de communication conventionnels que l'on utilise depuis près de 30 ans. Ils repartiront au contraire de zéro pour construire de nouveaux systèmes qui feront appel à un type de technologie différent. Les satellites de télécommunication que l'on utilise aujourd'hui sont des engins corpulents qui occupent l'orbite dite "géostationnaire" au-dessus de la surface de la Terre. En d'autres termes, ils se déplacent à la même vitesse que la Terre de telle sorte que, pour un observateur situé sur notre globe, ils paraissent immobiles. De tels satellites sont en mesure de desservir de vastes régions parce que, d'une distance de 36 000 km par rapport à la surface de la Terre, ils peuvent constamment "voir" un grand secteur de la planète. L'ouverture du faisceau de communications d'un satellite définit son "empreinte", qui recouvre en général plusieurs pays différents.

Aucun satellite géostationnaire ne peut cependant "voir" l'ensemble du monde à un moment donné. De manière à faire tourner les signaux autour du globe, le satellite doit communiquer directement avec un autre satellite, soit par une liaison intersatellite soit par le biais d'une station terrienne.

Le retard provoqué par un acheminement aussi complexe des signaux est l'une des raisons qui ont donné naissance à une nouvelle génération de systèmes à satellites. Lorsqu'il prend en charge le trafic vocal, un système à satellites géostationnaires doit faire appel à toute une gamme de techniques sophistiquées, comme l'annulation d'écho, afin de compenser les effets sur la conversation du retard de propagation aux deux extrémités de la communication. Une limitation beaucoup plus grave de ces systèmes est toutefois qu'ils doivent employer des émetteurs et des récepteurs très puissants, à cause de la distance entre le satellite et l'utilisateur. Actuellement, cette limitation par la puissance fait qu'aucun système géostationnaire ne peut assurer de communications personnelles au moyen des petits combinés portatifs du genre de ceux que nous pouvons utiliser avec les systèmes cellulaires. Un autre problème posé par la présente génération de satellites est qu'ils ne sont pas toujours en mesure d'offrir des services fiables aux latitudes élevées. Étant donné qu'ils orbitent au-dessus de l'équateur, l'angle de leur faisceau à l'extrême nord et à l'extrême sud de la planète est tel qu'il peut être facilement affaibli par les accidents topographiques sinon par de grands immeubles.

L'ensemble de ces considérations montre que les satellites de télécommunication traditionnels ne sont pas appropriés à la fourniture de services mondiaux de téléphonie personnelle mobile. Mais des travaux sont en cours dans le domaine des satellites géostationnaires afin de résoudre les problèmes techniques qui font obstacle à une diminution du volume des combinés. Les ingénieurs sont en train de revoir la conception de ces systèmes afin de déployer des structures d'antenne très grandes et très complexes, qui augmenteraient la puissance disponible issue du satellite et qui réduiraient les besoins des combinés terminaux en termes de puissance. Les progrès techniques dans le domaine des satellites ont également abouti à de nouveaux types de systèmes, appelés super LEO, mini LEO et MEO, signifiant respectivement supersatellite sur orbite terrestre basse, minisatellite sur orbite terrestre basse et satellite sur orbite terrestre moyenne. Ces systèmes sont non géostationnaires, c'est-à-dire que, vus par un observateur au sol, les satellites paraissent se déplacer dans le ciel. Les nouvelles propositions de systèmes GMPCS prévoient d'utiliser ces nouveaux satellites pour fournir aux utilisateurs des services de téléphonie mobile, de transfert de données, de télécopie et même de multimédia à large bande.

L'avantage des systèmes LEO et MEO est que leur proximité de la surface de la Terre (entre 700 km et 1 500 km pour les systèmes LEO et 10 000 km pour les systèmes MEO) élimine la nécessité de faire appel à des émetteurs et récepteurs de grande puissance afin d'échanger des signaux entre le système et ses utilisateurs. Au contraire, ces systèmes peuvent fonctionner au moyen de petits combinés portatifs, de taille analogue à celle des téléphones analogiques mobiles du milieu des années 80, mais avec une antenne légèrement plus grande.

Certains des systèmes mini LEO sont déjà partiellement opérationnels et peuvent offrir aux consommateurs et aux entreprises, à un prix modeste, des services de transfert de données et de messagerie, comme le courrier électronique et la radiomessagerie. Mais ce sont les systèmes super LEO et MEO – les rois lions de la jungle des GMPCS – qui représentent le côté vraiment passionnant de la nouvelle technologie satellitaire car ce sont ces systèmes qui promettent d'acheminer à l'échelle mondiale, en temps réel, des signaux de téléphonie vocale. Pour offrir une couverture mondiale, les systèmes super LEO et MEO fonctionneront en constellation, c'est-à-dire sous la forme d'un réseau de satellites se déplaçant simultanément autour de la Terre, recueillant et redistribuant des communications téléphoniques entre utilisateurs, entre stations terriennes et même entre autres satellites.

La technologie requise pour exploiter des systèmes aussi complexes est encore en développement. Cela n'a pas empêché Globalstar, ICO, Iridium et Odyssey d'avoir déjà prélevé une part du marché, de promouvoir agressivement leurs systèmes et de conclure des partenariats stratégiques. À l'exception d'ICO, toutes ces compagnies ont leur siège aux États-Unis d'Amérique et proposent toutes un système de satellites super LEO. ICO, émanation d'INMARSAT établie au Royaume-Uni, est la seule compagnie à proposer un système à satellites MEO.

Synoptique des systèmes super LEO et MEO

Globalstar ICO Iridium Odyssey Teledesic

Estimation du coût du système (en millions USD)

2 200

chiffres non communiqués

3 400

3 000

9 000

Capitaux propres (USD)

1 400 millions

1 500 millions

2 650 millions

150 millions

chiffres non communiqués

Coût du combiné (USD)

750

chiffres non communiqués

2 500 à 3 000

700

pas de combiné utilisé

Taxe de communication (USD)**

environ 1,00/min

chiffres non communiqués

3,00/min dans le monde entier

< 1,00/min

à déterminer

Approbation par la FCC

oui

non

oui

oui

non

Durée de vie des satellites

7,5 ans

12 ans

5 ans

15 ans

10 ans

Accès des abonnés

CDMA

TDMA

FDMA/TDMA

CDMA

ATDMA/FDMA

** Bien que ces informations aient été fournies à titre indicatif, la plupart des comparaisons de tarif n'ont en fait pas de signification car la taxe indiquée par les opérateurs est fréquemment le "prix de gros" consenti à un autre opérateur et ne correspond par forcément au montant qui sera finalement imputé à un utilisateur.

Dans quelle mesure ces constellations de communications mondiales sont-elles réalistes? La réponse semble dépendre en grande partie de celui à qui on pose la question. Il est évident que tous les auteurs de propositions sont convaincus de leur capacité de concevoir, de construire et d'exploiter un service GMPCS dernier cri. En fait, beaucoup de ces systèmes en sont au stade des études depuis plusieurs années. Maints progrès ont été accomplis au sujet des diverses complications techniques soulevées par la gestion des communications entre deux objets mobiles – l'utilisateur au sol qui voudrait disposer d'une mobilité aussi totale que celle qu'il avait avec un téléphone cellulaire normal, et les satellites en orbite qui ont à remplir la tâche déjà complexe d'effectuer les transferts intercellulaires tout en étant eux-mêmes en mouvement. Il est certain qu'il reste quelques problèmes techniques à résoudre, mais les ingénieurs n'hésitent pas à penser qu'ils seront rapidement résolus une fois que les satellites seront en orbite et que des essais pourront être conduits. Compte tenu de l'ingéniosité des concepteurs actuels de matériels et de logiciels, il semblerait assez probable que la plupart des difficultés puissent être aplanies avant que les systèmes soient totalement opérationnels. Les tout premiers utilisateurs de ces nouveaux systèmes auraient mauvaise grâce à ne pas s'attendre à quelques incidents lorsque les dernières erreurs seront éliminées. Mais, tout bien considéré, tout permet de croire que les nouveaux systèmes mobiles à satellites (SMS), aussi complexes qu'ils soient, sont techniquement réalisables.

La plus grosse pierre d'achoppement pour les opérateurs de systèmes GMPCS se trouve sans doute ailleurs: dans le domaine de la réglementation internationale et des accords de concession. La complexité juridique de la négociation de concessions individuelles avec chaque pays d'exploitation ne saurait être sous-estimée. C'est la raison pour laquelle les Quatre Grands ont un tel intérêt pour les partenariats avec les opérateurs locaux. Les questions d'assignation de fréquences, de fonctionnement des combinés mobiles et, ce qui est plus important, d'interconnexion avec le réseau téléphonique public commuté ou avec d'autres réseaux cellulaires, ainsi que la question des exploitants de jonctions internodales, ne seront pas faciles à résoudre à la satisfaction des parties. Plus grave encore, il reste la délicate question des accords de liquidation, portant sur les compensations des dépenses engagées par les exploitants pour traiter les communications des uns et des autres sur le réseau téléphonique international. Il existe une procédure bien assimilée pour les réseaux de télécommunication d'aujourd'hui. Mais pourra-t-on appliquer les mêmes règles aux nouveaux systèmes mondiaux? L'étendue des questions à résoudre semble parfois presque insurmontable. L'année dernière, le représentant d'Iridium, s'exprimant lors du Forum TELECOM 95 de l'UIT, a donné un exemple frappant: s'il fallait accorder des licences internationales (transfrontalières) entre les pays Membres de l'UIT pour l'utilisation de combinés seulement, il faudrait conclure plus de 16 000 accords.

C'est pourquoi les gouvernements et l'industrie, en tant que membres de l'UIT, ont choisi de se rencontrer pour la première fois lors d'un Forum mondial des politiques de télécommunication. Il est certain que si des solutions mondiales peuvent être trouvées pour un grand nombre de ces questions, les chances de mettre en oeuvre les systèmes prévus en seront d'autant plus grandes. Le Forum qui se tient au siège de l'UIT, à Genève, réunit des représentants des administrations de télécommunication, des réglementeurs locaux et internationaux, des représentants des professions juridiques et, ce qui est sans doute le plus important, l'industrie des télécommunications proprement dite: exploitants, constructeurs d'équipements et opérateurs de systèmes GMPCS.

Les délégués à cette conférence arriveront à Genève avec l'espoir de dégager un large consensus sur la façon dont les aspects politiques, socio-économiques et réglementaires de ces systèmes devront être pris en charge. Un accord de principe sera également recherché sur les questions de normalisation et de fonctionnement des équipements. Un autre domaine qui préoccupera certainement de nombreux délégués sera le rôle de ces nouveaux systèmes dans les régions moins développées du monde.

La plupart des opérateurs ont en fait souligné les avantages potentiels de leurs systèmes pour les pays ayant des infrastructures de télécommunication déficientes. Ils ont fait valoir que les systèmes GMPCS, à l'instar des téléphones cellulaires, permettraient à ces nations de "rattraper" le monde développé sans passer par le (souvent trop) coûteux processus d'extension de leur réseau de lignes fixes. Bien que cela soit théoriquement vrai, certains ont fait observer que les opérateurs n'avançaient cet argument que pour cimenter des accords mondiaux. Et qu'en réalité le coût d'une communication dans un réseau GMPCS serait trop élevé pour la plupart des habitants du monde industrialisé, sans parler de ceux des pays en développement. Il reste à voir si les opérateurs se concentreront sur ce marché et si celui-ci peut vraiment représenter une source de revenus notable pour eux.

Le FMPT fera-t-il donc des étincelles? Probablement pas. L'essentiel de la bagarre a déjà eu lieu sur le marché. Il s'est surtout agi de conflits internes entre opérateurs rivaux sur les marchés des super et des mini LEO. Il y a eu quelques pertes et la plupart des opérateurs paraissent maintenant disposés à travailler ensemble plutôt que les uns contre les autres afin d'obtenir la mise en place d'un cadre permettant à leurs systèmes de fonctionner. À ce point du processus, la plupart ont trop à perdre pour risquer de gaspiller leurs ressources dans des combats avec des concurrents.

Ce qui est certain est que, si l'industrie peut créer les conditions favorables, ces systèmes – et leurs opérateurs – disparaîtront ou survivront grâce à leurs mérites propres. Il est sans doute prématuré de prédire les résultats, mais l'importance de la partie en jeu fera que tous les yeux resteront tournés vers le ciel.

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