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RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT MONDIAL DES TÉLÉCOMMUNICATIONS 1996/97
Le commerce des télécommunications
Rapport analytique

VUE GÉNÉRALE

Qu'est-ce que le commerce des télécommunications? Pourquoi occupe-t-il une place importante? Quels sont les avantages qu'il procure? La troisième édition du Rapport sur le développement des télécommunications de l'UIT dans le monde répond à ces trois questions. Ce document, arrivé à point nommé, coïncide avec la fin des négociations menées par le Groupe de négociation sur les télécommunications de base de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En inscrivant les télécommunications de base dans le cadre de son Accord général sur le commerce des services (AGCS), l'OMC étend le champ d'application de l'AGCS à la quasi-totalité du secteur des services de télécommunication, évalué à 600 milliards de dollars des Etats-Unis1. Le commerce des services de télécommunication internationaux se faisait traditionnellement dans le cadre d'accords bilatéraux entre pays. L'accord de l'OMC sur les télécommunications jette les bases d'un cadre multilatéral favorisant la libéralisation du commerce, l'ouverture des marchés et la concurrence. Ce rapport, qui décrit le passage des télécommunications d'un système international à un système de concurrence mondiale, rassemble des données inédites qui permettent d'évaluer le commerce transfrontière des télécommunications, à plus de 100 milliards de dollars en 1996 (voir la Figure 1).

Qu'est-ce que le commerce des télécommunications?

Le commerce des télécommunications peut être défini comme toute vente transfrontière d'équipements ou de services de télécommunication. Les importations et les exportations d'équipements de télécommunication s'inscrivent bien dans la définition classique du commerce, qui est d'acheter et de vendre. Les exportations mondiales d'équipements de télécommunication ont atteint 58 milliards de dollars en 1995, ce qui représente une augmentation de plus de 20 pour cent par rapport à l'année précédente, et une croissance qui a plus que doublé depuis 1990. Les exportations comptent désormais pour environ un tiers du marché total des équipements de télécommunication, et cette part ne fait qu'augmenter. Cet essor est dû en grande partie à l'augmentation de la demande de services de télécommunication, laquelle stimule la construction et la modernisation des réseaux.

Récemment encore, les débouchés des services de télécommunication étaient plus limités que ceux des équipements. Le commerce des services de télécommunication recouvre des transactions transfrontières, telles que les communications téléphoniques ou l'échange de courrier électronique d'un pays à un autre; il comprend également des investissements étrangers, tels que l'achat de sociétés téléphoniques par des investisseurs étrangers, ou la création de coentreprises par des partenaires locaux et étrangers pour établir de nouvelles sociétés de services de télécommunication. Mais qu'est-ce qui, exactement, est acheté ou vendu? On peut répondre à cette question en examinant les différentes modalités sur lesquelles se fonde le commerce des services: fourniture transfrontière, présence commerciale, consommation à l'étranger et mouvement de personnel.

Figure 1: Les télécommunications se mondialisent

Lignes d’évolution du commerce mondial des télécommunications 1990-95 et total des ventes dans le monde d’équipements et de services de télécommunication, 1990-2000

 

Note: Le graphique de gauche indique la valeur du marché des télécommunications faisant l’objet d’échanges internationaux.

Les exportations d’équipements de télécommunication correspondent aux catégories de produits: CTCI 764.1, 764.3, 764.81 et 764.91.

L’apurement des comptes s’entend des montants estimés réglés au titre du système des taxes de répartition pour solder les communications téléphoniques internationales.

Sous divers, on a évalué d’autres types d’échanges commerciaux concernant les télécommunications, tels que les investissements directs étrangers dans des sociétés privatisées, entreprises de téléphonie mobile, mécanismes B/T de construction-transfert, octroi de licences, prêts et aides, consultance en télécommunication, mobilité, etc.

Le graphique de droite indique la valeur totale du marché des télécommunications.

Source: Base de données des indicateurs des télécommunications mondiales de l’UIT, ONU.

Parmi ces quatre procédés de fourniture d'un service, l'approvisionnement transfrontière est, de loin, le plus important. Le total des appels téléphoniques internationaux est passé de moins de 4 milliards de minutes en 1975 à plus de 60 milliards en 1995, soit un taux de croissance de 15 pour cent par an. En 1995, les communications téléphoniques internationales ont produit 53 milliards de dollars de recettes, au titre des ventes au détail, ce qui correspond à 8,7 pour cent du marché mondial des services de télécommunication.

C'est la présence commerciale, grâce à l'investissement étranger, qui occupe la deuxième place dans le commerce des services de télécommunication. L'investissement étranger était jusqu'à présent limité par l'existence, dans la plupart des pays, d'un opérateur monopolistique public. Les choses sont en train de changer; depuis 1984, 44 opérateurs de télécommunications publiques (PTO) ont été privatisés pour un total de 159 milliards de dollars (Figure 2). Environ un tiers de cet investissement était extérieur au pays de l'opérateur privatisé. Les capitaux étrangers sont collectés soit par l'émission d'actions, soit, plus souvent, par la vente d'une part minoritaire d'un opérateur de télécommunications publiques à un partenaire stratégique. Indépendamment des privatisations, les investisseurs étrangers ont de plus en plus la possibilité d'établir des filiales à l'étranger ou de créer une coentreprise. Le marché des télécommunications mobiles est particulièrement porteur depuis que des pays ont accordé des licences à plusieurs opérateurs et introduit de nouveaux services.

Enfin, une part du commerce des services de télécommunication, modeste mais en augmentation, est constituée soit par le mouvement de clients soit par le mouvement de personnel hors du pays d'origine. Malgré la difficulté pour quantifier les informations disponibles, on peut affirmer que cette forme de commerce est d'ores et déjà importante et est en augmentation rapide, notamment dans le domaine du mobile et de la consultance en télécommunication.

Pourquoi le commerce des télécommunications occupe-t-il une place importante?

Le commerce des télécommunications est important pour deux raisons principales. Premièrement, parce que l'industrie des télécommunications constitue un secteur d'activité à part entière, dont la taille ne cesse de croître. En termes de capitalisation boursière, le secteur des télécommunications se classe au troisième rang mondial, derrière les soins de santé et la banque, tandis que les équipements de bureau et de télécommunication ont constitué le secteur d'exportation de marchandises dont la croissance a été la plus rapide en 1995. Deuxièmement, parce que les télécommunications jouent un rôle important pour d'autres industries. L'information, de même que l'équipement nécessaire pour y accéder, la traiter et la diffuser sous forme électronique, est devenue une ressource stratégique aussi importante que la terre, le travail et le capital. Ainsi, les télécommunications jouent un double rôle, en tant que produit et service faisant l'objet d'échanges, et en tant qu'agent favorisant les échanges commerciaux d'autres produits et services.

Figure 2: Exploitations de télécommunications publiques à vendre

Valeur des privatisations des EPT, par région entre 1984 et 1996, et par année entre 1990 et 1996

 

Note: Le graphique de gauche prend en compte toutes les EPT privatisées depuis 1984.

Source: Base de données de l’UIT sur la privatisation des télécom.

Les télécommunications, considérées d'abord comme un secteur d'activité économique, ont enregistré des ventes pour un montant total de 788 milliards de dollars en 1995, dont les trois quarts proviennent des services et un quart des équipements. Amorcé en 1992, le retournement de la conjoncture se poursuit et va s'accélérant; en 1995, les ventes des services de télécommunication ont crû de plus de 7 pour cent en termes réels et il ne devrait pas y avoir de ralentissement de la croissance, le secteur des télécommunications se développant à un rythme deux fois plus élevé que l'économie mondiale (Figure 3).

Il n'est pas difficile d'en expliquer les causes. En 1995, 45 millions de lignes ont été en effet ajoutées aux réseaux téléphoniques fixes dans le monde, contre 38 millions en 1994; de même, le secteur des télécommunications mobiles a poursuivi une croissance rapide en 1995, avec 33 millions de nouveaux abonnés dans le monde (19 millions en 1994). Si la tendance des cinq dernières années se poursuit, il est vraisemblable qu'en 1998 la valeur du secteur des télécommunications sera de mille milliards de dollars, et celle des téléphones mobiles et fixes d'environ un milliard de dollars.

Le secteur des télécommunications grandit vite, et il est également de plus en plus vigoureux: en 1995, la dépense moyenne par usager a atteint 905 dollars, en augmentation de pratiquement 100 dollars; l'accroissement de 5 pour cent du volume du trafic international ainsi généré - représentant 89 minutes par utilisateur et par an - contribue à son tour à stimuler le commerce mondial et le tourisme. En outre, le secteur des télécommunications est au coeur d'un domaine d'activité beaucoup plus vaste - information et communications, ou infocommunications - estimé à environ 1 370 milliards de dollars en 1995. La convergence des télécommunications avec l'informatique et de la radiodiffusion crée une nouvelle synergie, illustrée de manière éclatante par la croissance d'Internet, dont la taille continue de doubler chaque année. Au début de 1997, plus de 16 millions d'ordinateurs hôtes étaient raccordés à Internet, soit plus de 50 millions d'utilisateurs. L'importance d'Internet ne tient pas tant à son présent qu'à son avenir potentiel. Internet peut en effet être considéré comme le prototype de l'infrastructure mondiale de l'information, qui constituera le fondement du commerce électronique du XXIe siècle.

Figure 3: Lentement, mais sûrement

Marché de l’information et des télécommunications, par valeur en 1995, et évolution annuelle des ventes mondiales des services de télécommunication et du PIB, 1990-95

 

Note: Dans le graphique de droite, l’évolution annuelle est indiquée en prix constants.

Source: UIT, Observatoire européen des techniques de l’information, Fonds monétaire international.

Qui tire avantage de la libéralisation du commerce des télécommunications?

Quels sont donc les avantages de la libéralisation du commerce des télécommunications? Sur le plan économique, ils sont au moins au nombre de trois: des produits et des services nouveaux ou améliorés, une baisse des prix et un surcroît d'investissements. Une plus grande liberté des échanges devrait accroître la concurrence, faire baisser les prix pour la plupart des entreprises et pour de nombreux consommateurs et permettre aux premières comme aux seconds de choisir parmi différents prestataires de services.

Le meilleur exemple probablement nous vient du domaine où la concurrence est aujourd'hui la plus forte - les services téléphoniques internationaux. La croissance est plus marquée sur les marchés où la concurrence directe est autorisée que dans les pays qui maintiennent un monopole. Dans les pays développés, cette différence est certes importante du fait de la concurrence, le taux de croissance du trafic par abonné est passé de 5,6 pour cent à 9,3 pour cent par an depuis 1990; mais dans les nouveaux marchés, elle est encore plus nette: au cours de cette même période, le trafic international par abonné a crû, sur les marchés ouverts à la concurrence de 11,7 pour cent par an, contre à peine 5,2 pour cent sur les marchés monopolistiques. Ces chiffres indiquent que les avantages potentiels de la libéralisation du commerce pourraient en fait être plus importants pour les marchés naissants que pour les marchés développés.

Pourquoi? Ce phénomène s'explique en partie par la demande non satisfaite. Dans ces nouveaux marchés, on compte quelque 43 millions de personnes en listes d'attente et le délai moyen pour obtenir un raccordement téléphonique est supérieur à un an. Grâce à de nouveaux investissements, ces listes d'attente peuvent être fortement réduites, comme cela a été le cas pour les pays en développement qui ont privatisé leurs opérateurs de télécommunications publiques au début des années 90 (voir la Figure 4).

Quel peut être le prix à payer pour la libéralisation du commerce? Certains Etats craignent de ne plus pouvoir réguler les arrivées et l'accès à la propriété sur leur marché national. Le fait est qu'au niveau international, l'Etat n'a pratiquement plus le pouvoir de choisir les prestataires de services. Par exemple, les procédures d'appel alternatives, comme les services de rappel, se sont développées ces dernières années beaucoup plus rapidement que prévu. En conséquence, les marchés sont maintenant presque tous ouverts peu ou prou à la concurrence.

En s'engageant à ouvrir leur marché, les Etats ne font que s'incliner devant un état de fait. Il est ici nécessaire de réfléchir au nouveau rôle de l'Etat, qui est désormais moins un intervenant direct dans les télécommunications, qu'un organe chargé d'en établir la politique et la réglementation. Même si leur influence directe diminue peut-être fortement, les Etats auront davantage de tâches à accomplir dans des marchés ouverts à la concurrence qu'auparavant, lorsque les services de télécommunication étaient assurés par un monopole. Les acteurs existants ainsi que les nouveaux arrivants potentiels auront en effet besoin de savoir clairement quel type de réglementation sera appliqué aux questions d'interconnexion, de numérotage, de service universel et de politique tarifaire.

Vers l'établissement d'un cadre commercial multilatéral

Une logique nouvelle apparaît dans le commerce international des télécommunications. Le modèle ancien, que l'on pourrait définir grosso modo comme «inter-national», était fondé sur des relations bilatérales entre les pays: les opérateurs monopolistiques collaboraient à la fourniture des services de télécommunication internationaux; or, ce modèle se lézarde aujourd'hui, non que le système ne fonctionne pas, mais il ne colle plus maintenant à la réalité. L'apparition d'un nouveau modèle, fondé sur la concurrence mondiale, témoigne du fait que le commerce des services et des équipements de télécommunication s'effectue désormais dans un environnement multilatéral, où la majorité des relations commerciales entre acheteur et vendeur mettent à contribution de multiples intermédiaires. Nous passons d'un monde où prédominaient les relations bilatérales à un monde fait de relations multilatérales; le commerce se fait de moins en moins entre pays et de plus en plus entre compagnies et particuliers.

Quel sera l'effet des propositions relatives à l'ouverture des marchés approuvées par l'Organisation mondiale du commerce? Les accords passés sont importants à deux titres. Premièrement, les pays qui ont présenté des offres ou souscrit des engagements constituent une grande partie du marché mondial: les 69 Etats qui ont présenté des offres au titre des négociations sur les services de télécommunication de base (Genève, 15 février 1997) représentent en effet 94 pour cent environ du marché mondial des services de télécommunication (voir la Figure 5); en outre, les 28 pays qui ont signé la Déclaration ministérielle sur le commerce des produits et des technologies de l'information (Singapour, 13 décembre 1996) représentent 84 pour cent des exportations d'équipements de télécommunication dans le monde. Deuxièmement, ces accords ont été négociés dans le cadre d'un traité multilatéral et les offres et engagements sont contraignants pour les pays signataires, et irrévocables de facto.

Pour de nombreux utilisateurs de télécommunications, le nouveau système commercial multilatéral sera avantageux, sur le plan tant du choix que du prix; pour la majorité des exploitants, les effets seront également positifs: de nouveaux marchés seront créés, et les règles du jeu seront plus équitables. L'objectif est d'étendre le multilatéralisme pour que tous les pays progressent ensemble et que tous les exploitants en profitent et non pas uniquement les plus puissants; ce n'est qu'alors que tous les habitants de la planète pourront bénéficier des avantages de la concurrence mondiale.

Figure 4: Vers une suppression des délais d’attente

Liste et délais d’attente pour obtenir une ligne téléphonique auprès d’opérateurs privatisés en Argentine, au Chili et au Mexique, 1990-95

 

Note: L’Argentine, le Chili et le Mexique ont cédé des parts de leur opérateur national de télécommunications à des investisseurs stratégiques étrangers en 1990. Le graphique de droite résulte de la division du nombre de demandes en attente par le nombre de lignes principales ajoutées au cours d’une année.

Source: Base de données des indicateurs des télécommunications mondiales de l’UIT.

 

Figure 5: Comment parvenir à une masse critique

Parts de marché des pays ayant pris part aux négociations sur les télécommunications dans le cadre de l’OMC

 
Note: Le graphique de gauche montre la part du marché mondial correspondant aux économies qui ont pris des engagements dans le cadre des négociations sur les télécommunications de base de l’OMC. Celui de droite présente les mêmes statistiques pour les pays qui ont signé la Déclaration ministérielle sur les exportations des produits issus des techniques de l’information. Les chiffres en haut des colonnes illustrent comme suit la taille du marché en 1995: Cellulaire (abonnés), Recettes des télécommunications (ventes annuelles, en milliards de dollars), Lignes téléphoniques (nombre de lignes installées), Population (nombre d’habitants), PC (parc en service), Exportations/Importations de télécom. (ventes en milliards de dollars).

Source: Base de données des indicateurs des télécommunications mondiales de l’UIT, OMC.

 

Tableau 1: Principaux indicateurs du secteur des services de télécommunications mondiales

(millions de dollars)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996e

Recettes tirées des services de télécom.

377'200

404'600

447'100

470'200

511'500

601'500

670'000

Evolution annuelle en termes réels1

1.6%

2.9%

5.0%

5.0%

5.9%

7.0%

- Recettes tirées des services téléphoniques2

329'300

348'100

367'400

373'300

391'100

441'800

472'000

-- —en particulier de l’international3

42'600

46'800

50'800

52'200

54'100

62'800

69'000

- Recettes tirées des services mobiles

14'100

19'100

26'700

35'900

49'400

82'500

118'000

- Autres recettes4

33'800

37'400

53'000

61'000

71'000

77'200

80'000

Investissements 5

114'600

123'500

131'300

134'900

139'300

151'500

160'000

En millions
Nombre de lignes

519'383

545'140

573'621

605'909

647'470

692'955

745'000

Abonnés au service cellulaire mobile

11'194

16'180

23'210

34'182

55'352

88'339

135'000

Trafic téléphonique international

33'326

37'888

43'332

48'877

55'754

61'778

68'000

Note: Tous les chiffres sont donnés en millions de dollars courants, et convertis aux taux de change moyens annuels:

eEstimations préliminaires.

1Aux prix et aux taux de change en vigueur en 1995.

2Recettes tirées des taxes d’installation, d’abonnement et de communication pour un service téléphonique fixe.

3Selon le système comptable en vigueur (c’est-à-dire au détail, brut ou net).

4Comprennent les recettes tirées des circuits loués, des communications de données, du télex, du télégraphe et d’autres recettes liées aux télécommunications

5. Dépenses d’investissement en équipements de télécommunication; ce chiffe est sous-évalué du fait du nombre croissant de nouveaux acteurs arrivant sur le marché, qui ne figurent pas toujours dans les statistiques nationales.

Source: Base de données des indicateurs des télécommunications mondiales de l’UIT.