Discours de Dr Hamadoun I. Touré, Secrétaire général de l'UIT

Salvan, Patrimoine des Télécommunications
Salvan, Suisse
26 septembre 2008

C’est pour moi un grand plaisir d’être ici avec vous et de célébrer un événement historique qui a eu pour cadre, il y a plus de cent ans, ce lieu magnifique. C’est en effet ici qu’à l’été 1895, Guglielmo Marconi, alors âgé d’à peine 21 ans, a réalisé l’une de ses expériences fondamentales qui ont contribué à en faire l’un des piliers de l’histoire des communications.

 

Avec l’aide d’un jeune garçon de la région, il a réussi à transmettre des signaux utilisant les ondes radio sur des distances de plus en plus grandes, jusqu’à atteindre la distance, remarquable, de 1.5 km.


Nul doute que Guglielmo Marconi était un homme d’exception. Non seulement parce qu’ il travaillait pendant ses congés, mais avant tout parce qu’il était animé de la plus haute et de la plus noble des ambitions: réaliser l’impossible.


Aujourd’hui, les communications sans fil sont chose courante et je doute fort qu’il y ait ne serait-ce qu’une personne dans cet auguste auditoire qui n’ait un téléphone mobile dans sa poche ou dans son sac. Mais à l’époque, la transmission de messages radio semblait relever de la pure magie.


D’ailleurs, l’effroi et l’émerveillement qu’a dû ressentir le jeune Valaisan Maurice Gay-Balmaz, qui assistait Marconi dans cette expérience, peuvent être résumés par la formule employée par Arthur C. Clarke dans sa troisième loi : «Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie».


Notre dette est grande vis-à-vis de Marconi et de son travail. Les communications et la radiodiffusion d’aujourd’hui sont le fruit de son œuvre de pionnier. Sans lui, nous ne pourrions bénéficier des services de communication que nous tenons pour acquis.

 

Bien que l’identité du premier inventeur de la radio et les débuts de la transmission sans fil de données utilisant la totalité du spectre des fréquences radioélectriques soient sujets à controverse, je ne m’attarderai pas sur ces considérations. Nous le savons bien, chaque inventeur ou chercheur, d’une manière ou d’une autre, tire parti des travaux et des idées de ses prédécesseurs.


A cet égard, nous savons que plusieurs des principes sur lesquels se fondait l’expérience de Marconi n’étaient pas nouveaux; en effet, plusieurs scientifiques avaient entrepris d’étudier les techniques de la télégraphie sans fil quelque temps avant que Marconi réalise ses essais, mais personne n’était parvenu à mettre au point une application commerciale de la transmission par radio. Seul Marconi a pensé à faire la synthèse de toutes ces idées et, à partir de là, à créer un émetteur et un récepteur qui fonctionnaient.


Marconi a su commercialiser un système de radiocommunication fonctionnel. Il a démontré comment utiliser la radio pour les communications sans fil, et c’est grâce à lui que les navires ont ensuite pu être dotés de moyens de communication sans fil permettant de sauver des vies, que le premier service de radio transatlantique a pu être établi et que les premières stations du service britannique de radiocommunication en ondes courtes ont pu être installées. Marconi d’ailleurs a été l’un des membres fondateurs du Conseil d’administration de la British Broadcasting Corporation ou BBC.


De même, et on le sait moins, les deux opérateurs radio à bord du Titanic étaient des employés de la Marconi International Marine Communication Company. Ainsi, si des rescapés ont pu survivre à ce naufrage, c’est grâce à la transmission sans fil de signaux radioélectriques, rendue possible par les travaux de Marconi.


Pour ses inventions dans le domaine de la radio sans fil, Marconi a reçu en 1909 le Prix Nobel de physique, conjointement avec Karl Ferdinand Braun, «pour leur contribution au développement de la télégraphie sans fil».


Il est indéniable que les premières liaisons TSF réalisées par Marconi l’ont été dans sa «Mère Patrie», l’Italie et, plus particulièrement à Pontecchio, dans sa chère Villa Griffone, auxquels je souhaite ici rendre un vibrant hommage. Je nourris d’ailleurs l’espoir de pouvoir me rendre dans la belle province de Bologne en 2009, année hautement symbolique du centenaire de la remise de cette insigne distinction qu’est le prix Nobel, afin d’y honorer, au nom de l’Union et de la communauté des télécommunications, la mémoire et le génie de cet illustre Italien.

 

Compte tenu de ses découvertes, Guglielmo Marconi est, à juste titre, considéré comme le père de la télégraphie sans fil. et, à cet égard, il nous faut louer le rôle capital joué par ce beau village de Salvan, où il a pu poursuivre et approfondir ses travaux, dans un cadre propice à la détente, à la concentration et à la recherche d’idées non seulement nouvelles mais novatrices.


Marconi n’avait toutefois pas pour seule ambition de surmonter les obstacles présentés par la transmission d’impulsions électriques de part et d’autre de l’Atlantique. Il espérait aussi, à l’aide du télégraphe, contribuer à vaincre la distance et à rendre le monde plus pacifique.


Au delà de certains malentendus et de quelques querelles d’historiens qui ont pu surgir et que l’Union contribuera, je l’espère, à dissiper par le biais d’une étroite collaboration avec la communauté des historiens des télécommunications, l’UIT entend au travers de Salvan et de la place qu’elle occupe dans le patrimoine des télécommunications, honorer la mémoire de ce géni universel qu’était Guglielmo Marconi. C’est grâce à lui que, depuis plus d’un siècle, nous pouvons utiliser les communications sans fil et c’est pourquoi l’UIT, et l’humanité dans son ensemble, doivent beaucoup aux travaux effectués en ce lieu par ce grand scientifique. Je vous remercie de votre attention.