Déclaration de politique générale
de
S. E. M. Nasr Hajji
Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre
chargé de la Poste et aux Technologies des
Télécommunications et de l’Information
Royaume du Maroc
Lundi, le 18 Mars 2002
«LE MAROC DANS LA SOCIETE DE L’INFORMATION ET DU SAVOIR»
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Le monde connaît une révolution : nous passons d’une
société industrielle à une société post-industrielle. Cette dernière prend
aujourd’hui la forme d’une société de l’information, de l’immatériel
et du savoir.
Les prévisions et les projections des analystes ou des
« visionnaires », il y a seulement une vingtaine d’années, sont
devenues la réalité d’aujourd’hui. L’évolution effective a largement
confirmé et même dépassé ces prévisions.
Nous le vérifions chaque jour un peu plus ; cette
nouvelle société est nettement marquée par le développement de
caractéristiques fondamentales scientifiques et techniques d’une part et son
évolution institutionnelle d’autre part.
L’aspect technique le plus marquant dans la tendance vers
cette nouvelle société est la convergence. La révolution numérique, en cours,
qui consiste à transformer un message de toute nature (texte, voix, données,
son, images fixes ou animées) en un signal numérique, fait que ces divers
messages ne diffèrent plus que par leur débit. La communication dispose alors
d’une langue universelle. Cette convergence technique implique et induit
forcément une convergence dans les technologies, dans les méthodes de travail
et, en fin de compte, une internationalisation des perspectives économiques.
Le mouvement d’internationalisation de l’économie
moderne a certainement été impulsé par la création d’organismes
économiques au niveau international issus des accords de Bretton-Woods en 1944
(Banque Mondiale et Fonds Monétaire International ), et ensuite par la mise en
place de l’Accord du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) entré en
vigueur en 1948 ; cependant c’est le développement accéléré des
technologies de l’information et de la communication qui a permis de
construire le système nerveux de l’économie planétaire actuelle, marquée
par :
-
L’émergence des réseaux mondiaux de production et
-
d’information
-
L’essor sans précédent des marchés et des flux
financiers.
-
La généralisation du libre échange
-
La délocalisation des services.
Dans la société de communication qui se construit, la
ressource fondamentale des services et des activités immatérielles devient l’information
sous ses diverses composantes : production, traitement, transmission et
diffusion. Cette société annonce l’ère du savoir lequel devient la source
de la force économique et de la richesse des individus et des nations.
Le poids intrinsèque des activités directement liées à la
communication et à l’information atteint, dans les pays à revenu élevé,
10% du PIB. Dans ces mêmes pays, le poids des composantes scientifique et
technologique (recherche et développement, formation et ingénierie) atteint
15% du PIB. Ainsi, les activités directement liées au savoir, à l’information
et à la communication totalisent jusqu’à 25% du PIB dans les pays avancés.
Dans ces conditions, nous allons véritablement vers une société du savoir, de
l’information et de l’immatériel.
La généralisation des technologies de l’information et de
la communication a porté l’émergence de la nouvelle économie, s’inscrivant
dans le cycle long de croissance vers la société de l’information.
Malheureusement le poids intrinsèque des activités liées
aux TIC reste très inégalement réparti selon les pays et même à l’intérieur
d’un même pays. Ainsi, si nous considérons qu’Internet est sans aucun
doute le réseau porteur de la nouvelle économie, il y a lieu de constater qu’un
large fossé numérique risque de se creuser entre pays développés et pays en
voie de développement ; le pourcentage d’internautes varie de 20 à 70%
pour les premiers alors qu’il reste inférieur à 2% pour les seconds. Comme
les TIC représentent maintenant le vecteur majeur d’expansion de l’économie
mondiale, Il faut craindre que la fracture numérique ne se transforme en de
graves fractures sociales et économiques, entre les pays et même à l’intérieur
des pays, qu’ils soient développés ou en développement.
La révolution post-industrielle actuelle nous fait passer d’un
monde à un autre avec une mutation fondamentale dans les domaines de la
technosphère, de l’infosphère, de la sociosphère et de la sphère du
pouvoir. La révolution en cours est beaucoup plus rapide que la révolution
industrielle et la maturation vers la nouvelle société prendra à peine
quelques générations. Elle transforme profondément les structures
économiques, sociales, culturelles et politiques. Elle induit des mutations
essentielles dans les rapports à la connaissance et à la culture. En somme,
elle affecte les relations de pouvoir.
Plus concrètement la société post-industrielle prend
aujourd’hui la forme de la société de l’information, de l’immatériel et
du savoir.
Toutes ces mutations se déroulent dans un environnement où
l’extension de l’économie de marché à l’échelle planétaire et le
développement des réseaux mondiaux de production et d’information induisent
un prodigieux accroissement des échanges, montrant par là que la
mondialisation est une phase qualitativement nouvelle du processus d’internationalisation.
Dans ces conditions, la libéralisation des services est
devenue un enjeu central comme l’attestent les négociations de l’Uruguay
Round et les accords conclus par la suite dans le cadre de l’OMC. Ces accords,
signés à Genève le 15 février 1997, ont abouti à l’ouverture totale à la
concurrence des marchés des services de télécommunications. Ils marquent la
fin progressive des monopoles sur les services de télécommunications: Tout
exploitant de services de télécommunications devrait pouvoir proposer
librement ses services dans les pays autres que son pays d’origine.
Depuis Janvier 1998, les marchés des télécommunications de
la plupart des pays de l’Union européenne sont entièrement ouverts à la
concurrence ; En Asie et en Amérique latine, la fin du monopole est
généralement prévue entre 2000 et 2002.
Ces profondes mutations dans le secteur des
télécommunications ont favorisé l’émergence de nouveaux acteurs dans ce
domaine et multiplié leur nombre. A titre d’exemple, il y a actuellement plus
de 450 opérateurs GSM à travers le monde.
Dans ce contexte, l’Union Internationale des
Télécommunications, créée en 1865 à Paris, sous un environnement
caractérisé par la gestion étatique des télécommunications, se trouve dans
l’extrême obligation d’évoluer pour s’adapter à ce nouvel environnement
sous la forme d’une Organisation internationale de la société de l’information
du 21ème siècle.
Le Maroc, pour sa part, a appréhendé ces bouleversements
depuis de nombreuses années, puisque dès le début des années quatre vingts l’Office
National des Postes et Télécommunications était créé avec une large
autonomie dans la gestion du secteur des télécommunications. Par la suite,
dans le cadre de la déréglementation et de la libéralisation des
télécommunications, le Maroc, par la loi 24-96 votée par le parlement
marocain le 29 juin 1997 et promulguée le 7 Août 1997, a ouvert la voie à la
libéralisation des télécommunications.
Ce processus a été mis en œuvre, avec la mise en
application de la loi en 1998, avec un objectif de libéralisation totale à la
fin de 2002. La première étape dans la libéralisation des
télécommunications a été franchie avec l’arrivée d’un deuxième
opérateur Méditel (Telefonica, Portugal Telecom et un groupement bancaire
marocain) en téléphonie mobile en 2000.
Il en a résulté une extraordinaire expansion. Le nombre d’abonnés
au téléphone mobile est passé de moins 250.000 en fin 1999 à près de
5.000.000 en février 2002 répartis en 78% pour IAM (opérateur historique) et
22% pour l’opérateur Méditel. Ce qui correspond, pour l’année 2001 et
pour les deux opérateurs réunis à une multiplication par 15 environ du parc
des mobiles !
Avec la volonté clairement affirmée des plus Hautes
Autorités de l’Etat, le Maroc élabore et met en œuvre la«Stratégie
Nationale d’insertion du Maroc dans la société de l’information et du
savoir » , E-Maroc.
Afin de garantir le succès d’une telle stratégie,
nous avons privilégié une approche globale et intégrée dans les domaines des
télécommunications, de l’informatique de l’audiovisuel, du multimédia et
de la communication dans son ensemble. De cette manière, nous utilisons
pleinement et de façon optimale la convergence des technologies de l’information,
leurs synergies et leurs complémentarités dans une vision stratégique.
Les premiers jalons de cette stratégie ont été posés lors
du symposium « E-Maroc », organisé à Rabat les 4 et 5 Avril 2001.
Dans la mise en œuvre de cette stratégie, trois dates
constituent des échéances fondamentales 2002, 2005, 2010.
-
En fin 2002, le Maroc a à mettre en place toutes les
politiques et tous les éléments et mécanismes fondamentaux d’environnement
et opérationnels nécessaires pour la mise en œuvre à grande vitesse de
la stratégie E-Maroc et l’accélération de l’expansion.
-
En 2005, et comme étape intermédiaire, le Maroc s’est
fixé comme objectif d’atteindre les standards des pays émergents dans le
domaine des TIC.
-
En 2010, le Maroc doit s’intégrer pleinement dans l’espace
européen et dans la mondialisation pour une insertion harmonieuse et
compétitive ; en conséquence, les standards du Maroc doivent tendre
vers ceux des TIC dans l’espace européen.
Les cinq axes fondamentaux de « E-Maroc » sont :
-
La généralisation des TIC,
-
Le déploiement rapide des technologies de l’information,
-
L’accélération de la libéralisation et de la
concurrence,
-
La redéfinition du rôle de l’Etat,
-
La mise en place de moyens de la stratégie E-Maroc.
Au Maroc, les exemples d’expansion extraordinaire des
téléphones portables et les paraboles de réception TV par satellites rendent
tout à faits crédibles les objectifs visés pour les étapes de 2005 et 2010.
En effet, les Marocains sont friands de nouvelles technologies dès que les
coûts deviennent raisonnables.
La compétitivité et la loi 24-96 sur les
télécommunications ont eu comme résultat, en quelques années, de faire
passer le nombre de paraboles de quelques dizaines de milliers à 3 millions et
les téléphones portables de 250.000 à presque 5 millions en 2002. On peut
raisonnablement espérer que le même déclic, avec des mesures appropriées,
novatrices et audacieuses fera passer le nombre d’internautes de 300.000
actuellement à 3 millions en 2005 et à 10 millions en 2010.
Il faut ajouter, enfin, que l’expansion extraordinaire du
téléphone portable au Maroc, en un laps de temps très court, s’est faite
avec la couverture de la majeure partie du pays avec des coûts pour l’usager
en constante baisse.
Cette expérience, dans son cadre institutionnel, est
considérée, à juste titre, comme une référence dans les pays arabes et
africains.
C’est dans ce contexte de profondes mutations
technologiques, que le Maroc s’honore d’accueillir la Conférence de
Plénipotentiaires de l’UIT. Après Kyoto en 1994 et Minneapolis en 1998, c’est
au tour de l’Afrique, par l’invitation du Maroc à organiser cette
importante manifestation à Marrakech, du 23 Septembre au 18 octobre 2002.
Les préparatifs sont marqués par les visites au Maroc et à
Marrakech de nombreuses délégations. En particulier, et pour marquer le vif
intérêt que porte le Maroc à l’Union Internationale des
Télécommunications, il faut rappeler, ici, la visite au Maroc en octobre 2000
de Monsieur Yoshio UTSUMI, Secrétaire général de l’UIT et l’audience que
lui a accordé Sa Majesté le Roi Mohamed VI.
Toutes les dispositions et les mesures sont prises pour le
plein succès de l’organisation la Conférence de Plénipotentiaires. Les
préparatifs vont bon train à Marrakech pour recevoir les Délégués et les
invités, dans les meilleures conditions possibles. Cette ville légendaire est
devenue un haut lieu de rencontres mondiales, en accueillant entre autres, la
Réunion ministérielle qui a remplacé le GATT par l’Organisation Mondiale du
Commerce en 1994 et tout récemment la réunion en novembre 2002 de la COP7, sur
les changements climatiques.
Afin d’associer pleinement le secteur privé à cet
évènement de portée mondiale et de créer les opportunités pour enrichir et
élargir les débats à certains problèmes de l’heure qui sortent du cadre
restreint de PP-02, le Maroc se propose d’organiser une exposition et un forum
en parallèle avec PP-02.
L’exposition constituera une vitrine pour faire connaître
les derniers équipements et les dernières tendances des technologies qui
confirment les mutations vers la société de l’information. Elle sera
organisée de manière à être le lieu privilégié pour nouer des relations de
travail et d’affaires entre les principaux acteurs mondiaux, utilisateurs et
industriels, dans le domaine des TIC.
Le forum constituera, pour sa part, une tribune qui permettra
de sortir du cadre de l’ordre du jour déjà fixé de la PP-02, pour discuter
des sujets brûlants de l’heure comme la société de l’information et la
fracture numérique. Dans le but d’enrichir les débats et les propositions,
de grands leaders mondiaux du secteur, tant économiques que politiques ainsi
que d’éminents penseurs seront invités à prendre part aux travaux du forum.
Les débats et les travaux du forum, en présence et avec la
participation des acteurs mondiaux les plus concernés par ces thèmes
prioritaires, devraient aboutir à une « Déclaration du forum de
Marrakech ». Les travaux du forum et la déclaration finale constitueront
une source d’inspiration et donneront d’importantes pistes de réflexion
pour la préparation des activités du « Sommet Mondial sur la société
de l’information » qui se tiendra en deux parties, en Suisse en 2003 et
en Tunisie en 2005.
Les pays arabes sont honorés que l’un des leurs, le Maroc,
soit le premier à accueillir les travaux de la conférence de
plénipotentiaires de l’UIT.
Cet événement va se dérouler dans un contexte de profondes
mutations technologiques, qui exige que l’UIT fasse des efforts d’adaptation
à cet environnement.
Nous le constatons chaque jour un peu plus : les grandes
mutations en cours ne sont pas seulement dues à la nouveauté des technologies,
elles sont essentiellement dues au fait que la conjugaison et l’impact de
technologies nouvelles ont fini par façonner une société de l’information
et du savoir qui tranche de plus en plus nettement avec la société
industrielle.
Dans ce contexte, nous pensons que l’UIT ne peut rester en
marge de ces bouleversements, au risque de se voir limitée à un rôle
secondaire.
Aussi, les objectifs de l’Union devraient-ils être de deux
sortes :
-
La capitalisation sur les acquis et les points forts de l’UIT
et
-
l’ouverture de nouvelles perspectives en vue de
permettre à tous les habitants de la planète de bénéficier des TIC par
une approche globale à la société de l’information et de l’économie.
-
La prise d’initiatives nouvelles pour permettre à l’UIT
de jouer un rôle de premier plan dans la société de l’information. Pour
ce faire, l’UIT devrait montrer une grande capacité d’adaptation et de
flexibilité. L’élargissement de ses activités devrait constituer un
projet d’avenir commun et un enjeu majeur de partenariat entre le secteur
public et le secteur privé, et cette association d’intérêts et de
compétences préservera et renforcera le rôle de l’Union.
Le Maroc participe, dans le cadre de la Ligue Arabe, à la
préparation de propositions à la Conférence de Marrakech pour donner à l’Union
les moyens de s’adapter à son environnement.
Dans le cadre de l’évolution de la société de l’information,
le Maroc présente à cette Conférence une demande pour initier un projet
pilote relatif à l’extension et au développement du contenu d’un réseau
national qui sera , à notre avis, le premier maillon d’intégration à la
société de l’information.
Enfin le Maroc, pays hôte de la PP-02 et terre
traditionnelle de dialogue, reste ouvert à toutes les suggestions et étudie
avec un esprit constructif, toutes les propositions.
La Conférence de Plénipotentiaires de Marrakech 2002 est la
première du 21e siècle ou, plus symbolique encore, du 3ème millénaire.
Elle arrive au bon moment pour prendre des décisions finales
sur les questions importantes restées pendantes depuis Minneapolis 1998 ou
Kyoto 1994. Elle sera la grande opportunité pour l’UIT de prendre les
résolutions pertinentes qui lui permettront d’être l’organisation
technique mondiale de référence, dans la société de l’information et du
savoir.
Elle vient à temps pour permettre aux pays arabes et au
continent africain de passer directement du stade de développement à un
développement durable par une participation active à la société de l’information
et du savoir.
Le Maroc reste entièrement mobilisé et ne s’épargnera
aucun effort, en concertation et avec la participation de toutes les parties
intéressées, pour assurer le succès de la Conférence de Plénipotentiaires
de l’UIT de Marrakech.
Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite la bienvenue au Maroc.
|