Journée mondiale des télécommunications 1998

May 4, 1998


Une renaissance africaine?


En dépit de la confusion qui règne dans l'ex Zaïre (l'actuelle République démocratique du Congo) du Président Mobutu Sese Seko, un homme d'affaires local, Miko Rwayitare, a créé l'une des entreprises les plus florissantes du continent. En effet, après des débuts modestes à Kinshasa à la fin des années 80, sa société de téléphonie mobile Telecel s'est rapidement étendue aux grandes villes du pays et est présente aujourd'hui dans d'autres pays comme la Côte d'Ivoire (où elle est devenue le premier opérateur de téléphonie mobile), Madagascar et la Zambie.

Les marchés de la téléphonie mobile, de l'informatique et des services Internet sont en plein essor sur tout le continent. Rares sont les capitales qui ne sont pas en mesure d'offrir au moins un service téléphonique mobile et des prestataires de services Internet opèrent désormais presque partout.

"Malgré l'ampleur de la tâche qui l'attend, le continent africain connaît une véritable renaissance". Ces propos tenus par le président Clinton à la fin de son récent voyage officiel dans six pays africains illustrent à merveille l'évolution du secteur des télécommunications africain. Tous les pays dans lesquels M. Clinton s'est rendu ont créé des conditions propices à la concurrence et attiré de nouveaux investisseurs, ce qui témoigne de la volonté de plus en plus manifeste de l'Afrique de s'engager sur la voie du changement, comme l'a souligné le Président.

Le Sénégal vient par exemple d'installer un réseau numérique à fibres optiques qui desservira 100 000 nouveaux abonnés et a octroyé des licences à des opérateurs privés, en vue de la mise sur pied de 5 000 télécentres offrant des services de télécopie ou Internet dans toutes les grandes villes. Le Gouvernement sénégalais espère ainsi faire en sorte qu'aucun citoyen ne se trouve à plus d'une heure de marche d'un téléphone.

Avec une densité téléphonique moyenne inférieure à 2 lignes pour 100 habitants, l'Afrique restera sans doute à la traîne par rapport à d'autres régions du monde encore pendant quelque temps, mais le vent du changement souffle déjà sur le continent. Des marchés qui stagnaient depuis longtemps offrent aujourd'hui un potentiel de croissance rapide et il existe à présent des technologies qui peuvent être adaptées aux conditions propres à l'Afrique ainsi qu'aux difficultés qu'elle rencontre.

La plupart des pays africains optent aujourd'hui, quoiqu'un peu tardivement, pour des activités entièrement commerciales. Par ailleurs, certains gouvernements ont commencé à se défaire d'un grand nombre des participations qu'ils détenaient dans leurs réseaux, au profit d'exploitants internationaux, et presque tous accordent des licences à des opérateurs privés.

Au niveau national, l'Ouganda vient d'octroyer une licence à un consortium dirigé par la société sudafricaine MTN (Mobile Telephone Networks), qui s'est engagée à investir près de 100 millions de dollars en deux ans en tant que deuxième opérateur du réseau.

Même les plus petits pays peuvent tirer parti de la baisse des coûts des technologies. Pour Jean Marchal, consultant indépendant en télécommunications français, "De très petits groupes peuvent devenir des opérateurs de télécommunication avec très peu de capitaux".

Les nouvelles technologies arrivent à point nommé pour les africains qui n'ont jamais eu le téléphone. La technologie des lignes d'abonné hertziennes, moins onéreuse et plus rapide à mettre en oeuvre que les téléphones cellulaires mobiles et n'exigeant pas de lignes fixes, est particulièrement bien adaptée à l'Afrique. "Les lignes d'abonné hertziennes ont plusieurs avantages non négligeables: développement rapide, frais d'installation et de maintenance peu élevés, infrastructure d'abonné initiale bon marché et délais de remboursement plus courts", souligne Dirk Bout, analyste en télécommunications de l'entreprise de recherche Dataquest.

Des services aussi novateurs que les publiphones utilisant des techniques de communication cellulaires sont particulièrement intéressants pour les opérateurs de télécommunication, nouveaux ou déjà établis. En 1997, la Société sudafricaine MTN a mis en place plusieurs milliers de ces publiphones, à l'aide d'un système hertzien conçu par la société finlandaise Nokia, dans des townships et villages qui n'avaient jamais eu accès auparavant à des postes téléphoniques publics.

Ce système de publiphones à cartes plutôt qu'à pièces peut également être utilisé à bord de véhicules et sur des sites provisoirement aménagés en vue de manifestations sportives, de spectacles ou d'expositions.

La société indépendante WorldTel, créée par l'Union internationale des télécommunications (UIT), cherche à réunir 500 millions de dollars pour mettre les avantages de la technologie des lignes d'abonné hertziennes au service de groupes de pays, de manière à réduire le plus possible les frais d'installation. Pour le Président de WorldTel, Sam Pitroda, "Le moment est venu d'ouvrir la voie et d'aller de l'avant. Même si nous n'investissons dans un premier temps que dans 6, 8 ou 10 pays, c'est déjà un bon début. L'Afrique ne peut se développer sans secteur des télécommunications".

Si les télécommunications sont essentielles au développement, l'Afrique est plus que jamais prête à tirer parti des dernières avancées techniques dans ce domaine. Selon Michael Minges, analyste de l'UIT, les privatisations récentes et l'essor des services cellulaires et d'Internet montrent que "le continent africain est de plus en plus convaincu qu'un secteur des télécommunications libéralisé attirera l'investissement privé et accélérera la mise en place d'infrastructures et de services qui lui font cruellement défaut".

Richard Synge