STOP PRESS
La longue session du PrepCom-3 s’est finalement achevée aux alentours de 23
heures 25, un texte final étant approuvé par tous les délégués juste avant le
début officiel du Sommet de Tunis. L’accord crucial sur la gouvernance de
l’Internet a été trouvé vers 22 heures 10. Le texte final de ce qui deviendra le
chapitre 3 du document final du Sommet contient des avancées dans plusieurs
domaines, à savoir la création d’un nouveau Forum, à l’invitation du Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies, la reconnaissance du fait que tous
les gouvernements ont un rôle égal et une responsabilité égale, le lancement
d’un nouveau processus de coopération accrue entre toutes les organisations
compétentes et un échéancier pour suivre et surveiller les progrès qui seront
réalisés. Le texte approuvé à Genève est dorénavant assorti de nouveaux
paragraphes sur la cybercriminalité et la cybersécurité.
La société de l’information à l’horizon 2015
Organisé par l’UIT à la veille de la tenue de la cérémonie d’ouverture de la
seconde phase du SMSI, le Panel de haut niveau sur la société de
l’information à l’horizon 2015 : Comment préparer le
terrain a débattu des futurs défis de la société de l’information ainsi que
des solutions novatrices et des politiques concrètes qui permettront de réduire
la fracture numérique.
Le Secrétaire général de l’UIT, Yoshio Utsumi, a fait observer dans ses
remarques liminaires que les pays tant développés qu’en développement sont
confrontés à des défis nouveaux dans un monde caractérisé par la rapidité du
changement et la convergence accrue des technologies, avant d’ajouter que tout
doit être mis en œuvre pour que les avantages des TIC bénéficient à tous les
habitants de la planète. De son côté S.E. Alhaji Aliu Mahama, Vice-Président du
Ghana, a fait valoir que «des partenaires de développement mondiaux sont
indispensables à la promotion de la société de l’information dans nos différents
pays ».
La discussion a ensuite porté sur les trois grands sujets suivants : la
dynamique de l’innovation, les tendances en matière de politique et de
réglementation des TIC et le financement de la réduction de la fracture
numérique aux niveaux national et international. Les participants ont relevé les
grands changements intervenus ces dix dernières années, observé l’ancrage sur le
long terme de la technologie mobile notamment dans les pays en développement,
souligné la nécessité de réglementations neutres et constaté l’existence de
convergences à plusieurs niveaux (réseaux, dispositifs, services et mêmes
industries) avant de conclure à l’obligation impérieuse de prendre en
considération, au-delà de l’infrastructure de base, les applications qui
militent en faveur de contenus interactifs à la demande, en d’autres termes
d’une véritable démocratisation de l’information. Compte tenu de l’essor des
communications IP (téléphonie Internet) les participants ont observé que les
données vocales ne sont pas différentes des autres services de données et que
des accords d’interconnexion doivent être conclus entre opérateurs de service,
ou créateurs de logiciel pour reprendre les termes de Skype, pour
stimuler le développement des marchés.
Si l’innovation technologique a sa propre dynamique il n’en va pas de même
des mécanismes financiers, des cadres réglementaires et des modèles d’activités
qui eux réclament une attention soutenue, surtout si les dispositions doivent
être en phase avec le progrès. Les participants ont dressé l’inventaire des
conditions à remplir (libéralisation, indépendance des autorités de
réglementaton, conformité normative …) pour ce faire, et souligné la nécessité
de partenariats forts entre la société civile, le privé et le secteur public.
Pour conclure ils ont souhaité que les pays s’engagent à ouvrir aux zones non
desservies l’accès au large bande, à garantir des services bon marché et
l’élaboration de contenus locaux, et à œuvrer en faveur d’une participation
véritablement mondiale aux mécanismes de gouvernance.
Protéger les enfants de toute exploitation cybernétique
Organisé conjointement par l’ECPAT (End Child Prostitution, Child Pornography
and Trafficking of Children for Sexual Purposes) et l’UNICEF, le panel consacré
au SMSI et à la protection des enfants de toute exploitation sexuelle par
l’emploi des technologies de l’information et de la communication (TIC) a été
axé sur la présentation d’un nouveau rapport de l’ECPAT sur la "Violence
contre les enfants dans le cyberespace".
Ce panel vient à point nommé, la seconde phase du SMSI ayant permis
l’ouverture d’un débat sur les importants problèmes sociaux que posent les TIC
et leur utilisation, notamment en ce qui concerne les groupes marginalisés parmi
lesquels les enfants sont les plus vulnérables. Les droits des enfants devraient
être reflétés dans la déclaration finale de la phase de Tunis. En effet
l’exploitation sexuelle des enfants (par exemple la pornographie et le traffic)
constitue l’un des domaines où la cybercriminalité progresse le plus vite: selon
des chiffres du FBI les montants en jeu sont compris entre 3 et 20 milliards de
dollars EU.
Le rapport dénonce par ailleurs les nouvelles voies par lesquelles les
enfants peuvent être victimes d’abus, en particulier l’internet mobile, les
messageries, les chats, les jeux de rôle ou encore les interactions
multi-parties, sans parler des webcams. Dans le monde virtuel que constitue le
cyberespace, ces abus sont malheureusement bien réels et peuvent conduire à des
dépressions, des traumatismes physiques, une perte de l’estime de soi,
l’épuisement ou autres comportements agressifs. Les menaces qui planent sur les
enfants du cyberespace exigent une plus grande coopération entre toutes les
parties prenantes, d’autant que le progrès technologique est sans cesse plus
rapide et a au moins une bataille d’avance.
Le SMSI aura permis d’examiner les incidences qu’ont les technologies
nouvelles sur les droits des enfants. L’ECPAT, l’UNICEF et leurs partenaires
s’efforcent de sensibiliser toutes les parties prenantes à la nécessité
d’incorporer les droits fondamentaux des enfants dans l’architecture de base de
la société de l’information et en particulier demandent la création d’un
organisme mondial qui serait chargé de surveiller les droits des enfants qui
doivent être protégés dans un monde dominé par les TIC.
Des indicateurs pour mieux décider
En un peu moins de dix-huit mois le Partenariat pour mesurer les TIC en
faveur du développement a réussi à établir un ensemble d’indicateurs d’une
importance déterminante: en effet, "ces données serviront à la prise de
décisions capitales et permettront d’éviter les doubles emplois et le gaspillage
de ressources limitées" selon ce qu’a déclaré M. Touré, directeur du BDT (UIT),
sur le thème "Mesurer la société de l’information".
Les indicateurs en question donnent la mesure de l’infrastructure des TIC et
de leur accès, de l’utilisation des TIC par les particuliers, les ménages et les
entreprises et d’une façon plus générale du secteur des TIC et du commerce des
produits connexes. Pour la première fois les autorités politiques et autres
décideurs auront à leur disposition un ensemble d’étalons comparables et
approuvés à l’échelle mondiale.
"Le travail du Partenariat est intimement lié aux programmes et objectifs de
développement," a fait valoir M. Ocampo, Vice-Secrétaire général des Nations
Unies pour les affaires économiques et sociales, car "sans données il est
difficile de décider comment répartir des ressources." Avant d’ajouter "Il nous
faut mieux mesurer l’incidence des TIC sur le développement, car bien qu’il soit
évident que les TIC aident à améliorer la fourniture de services tels que les
soins de santé et l’enseignement nos connaissances restent très, trop limitées."
En écho le Secrétaire exécutif de l’ECLAC, M. Machinea, a fait valoir que
"l’Afrique, l’Amérique latine, le Moyen Orient et l’Asie s’efforcent encore de
réunir des statistiques exactes", les données actuelles donnant trop souvent une
idée imprécise de la situation réelle, ajoutant que "il faudrait d’autres
indicateurs harmonisés à l’échelle internationale … pour pouvoir mesurer
l’apport des TIC du point de vue des pays en développement." Radhika Lal du PNUD
en a aussi souligné la nécessité en indiquant qu’en privilégieant l’utilisation
d’indicateurs de l’offre uniquement on risque de ne pas percevoir le besoin de
ressources.
Mme G. Feraud, Chef de l’Unité TIC et e-business de la CNUCED a précisé que
les indicateurs ont été établis en tenant compte du type de données pouvant être
collectées par tous pays et utilisées à des fins de comparaisons, et sont basés
sur un questionnaire envoyé à 179 pays. Ils seront revus en fonction des besoins
des utilisateurs, des services public et privé en particulier, et seront mieux
catégorisés dans l’avenir. "Ce n’est que le début d’un long et fort utile
travail" a-t-elle conclu.
Pour de plus amples informations, consulter
http://measuring-ict.unctad.org.
Les TIC au secours du développement socio-économique de l’Afrique
Organisée en marge du SMSI par Oracle, la réflexion sur le thème de
L’économie de l’information et le développement africain: mobiliser les TIC en
faveur du développement de l’ Afrique a porté en particulier sur la question
du renforcement des capacités d’utilisation des TIC en Afrique. Vice-Président
de Global Public Policy à Oracle, M. Alhadeff a fait observer que la création de
compétences est une activité à laquelle doivent coopérer au niveau national
toutes les parties prenantes, i.e. le secteur privé, les services officiels, les
communautés bénéficiaires, les milieux universitaires et la société civile; les
pays peuvent ainsi appréhender et cerner avec plus de précision les besoins des
populations et mieux tirer parti des ressources limitées disponibles.
Information et savoir étant des atouts majeurs, les intervenants ont insisté
sur la nécessité de partager connaissances et pratiques pour promouvoir le
développement. Les TIC constituent d’efficaces canaux de diffusion à destination
des communautés qui grâce à l’utilisation des langues nationales et de
ressources locales, comme la radio, pourraient facilement accéder aux
informations qui leur sont destinées. Ainsi, Oracle a, en coopération avec le
Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), lancé plusieurs
initiatives en faveur d’un renforcement des capacités d’utilisation des TIC en
Afrique, le but étant d’aider de jeunes africains à avoir accès au système
éducatif au moyen des TIC.
L’apport des communications par satellite à la société de l’information
Organisé conjointement par le Global VSAT Forum et le programme européen
MOSSA, le panel en question vise à faire progresser le dialogue entre le public
et le secteur privé sur la réduction de la fracture numérique par l’utilisation
de systèmes à satellite large bande. La réflexion a porté sur les principaux
moyens d’accès aux TIC par satellite, en particulier l’utilisation de l’orbite
géostationnaire (GEO) et les technologies hybrides panachant systèmes de Terre
et à satellite, moyens mentionnés dans le Plan d’action de Genève. Au terme
d’une discussion fournie où tous les aspects techniques, commerciaux et
politiques ont été abordés, les participants ont recommandé l’établissement de
partenariats Satellites pour des applications et des services TIC, en vue de
déployments en particulier dans les zones mal desservies. A cette fin, la
normalisation, l’une des principales activités de l’UIT, sera essentielle à la
mise au point de solutions propres à un interfonctionnement des réseaux,
services et terminaux; elle permettra en outre de réaliser des économies
d’échelle qui favoriseront une baisse des coûts et par conséquent des prix.
Les participants ont souligné en conclusion la nécessité d’une étroite
concertation pour que les communications par satellite soient combinées
efficacement à des solutions de Terre, telles que la WiMax ou la technologie 3G,
sinon le coût du satellite risque d’être bien souvent prohibitif. Ils se sont
déclarés favorables à l’établissement d’un cadre réglementaire propice à la mise
en oeuvre de solutions hybrides satellite-systèmes de Terre et à la coopération
entre les différents fournisseurs de services et opérateurs de réseaux.
Pour un cyberespace multilingue
Organisée par ACALAN et la Commission e-Afrique du NEPAD sous les auspices de
l’Union africaine, la table ronde Pour un cyberespace multilingue avec la
participation de tous dans la société de l’information et des savoirs partagés
a mis l’accent sur un véritable multilinguisme cybernétique, condition
sine qua non à la participation effective de tous à la société de
l’information, les intervenants présentant non seulement les mesures prises ici
et là pour réduire la fracture linguistique, mais aussi les conditions à remplir
et les problèmes à résoudre pour que l’objectif soit atteint.
Pour certains participants, l’aspect technique semble primer: il faudrait
concevoir des systèmes d’exploitation et des outils de recherche en ligne en
langues locales et promouvoir l’élaboration de contenus locaux pour que le
cyberespace soit véritablement accessible au plus grand nombre. D’autres ont
souligné l’importance des langues locales en ligne, c’est-à-dire d’un
Internet multilingue, pour le débat démocratique et pour la participation
plus généralement à la vie des nations.
Le WEMF et la fracture numérique
Le World Electronic Media Forum (WEMF), Forum mondial des médias
électroniques regroupant des radiodiffuseurs et des décideurs du monde entier, a
procédé à l’examen critique du rôle des médias électroniques à l’ère du
numérique et abordé les problèmes économiques, éthiques et politiques auxquels
sont confrontées les chaînes tant publiques que privées.
M. S. Tharoor, Vice-Secrétaire général des Nations Unies pour les
Communications et l’information publique, a mis en exergue la fracture au niveau
du contenu et les problèmes touchant à la liberté d’expression, en faisant
observer que l’Internet compte de plus en plus d’utilisateurs, certes, mais que
cela ne signifie pas grand chose si l’essentiel des informations qu’on y trouve
est dans une langue qu’on ne comprend pas, ou si on n’y trouve pas les questions
vitales qui intéressent la société dans laquelle on vit. Sur la question de la
liberté de la presse, il a observé que l’Internet, réseau libre de tout
passeport, pose un dilemme à tous les gouvernants qui s’efforcent de créer les
conditions légales et juridiques propres à y garantir la liberté d’expression
sans pour autant toucher à d’autres droits légitimes.
Si pour M. R. Rabinovitch, P.D.G. de Radio-Canada, le contenu doit contribuer
à la culture, à la responsabilité sociale et donc en dernière analyse à la
démocratie, pour M. I. Rensburg, Président de South African Broadcasting,
l’indépendance des radiodiffuseurs doit être renforcée. Quant à M. G.
Chenevière, Président de CMRTV, il a préconisé l’établissement d’un véritable
code de conduite.
En conclusion, les participants ont débattu du rôle des médias dans la
réalisation des objectifs de développement du Millénaire. M. J. M. Ocampo,
Vice-Secrétaire général des Nations Unies pour les affaires économiques et
sociales, a attribué la fracture numérique à l’existence bien souvent de
disparités au niveau du traitement linguistique et du contenu, tandis que le
Directeur de l’Agence suisse de développement a critiqué les médias des pays
développés qui passent trop souvent sous silence ces tueurs de développement que
sont les conflits, le SIDA ou encore les inégalités économiques.
Panel ISOC Francophonie
Organisé à l’initiative d’ISOC Francophonie Québec, ce panel se donnait pour
objectif notamment de relancer la dynamique de la Francophonie dans le cadre de
la société de l’information tout en adoptant une approche commune qui ne néglige
pas l’identité des différents membres. Le panel a procédé a un bref rappel
historique de l’initiative ISOC Francophonie, qui est née de l’idée de
contribuer au développement d’une stratégie normative du multilinguisme, de
rassembler et de faire collaborer l’ensemble des pays francophones au
développement des TIC.
La rencontre fondatrice a eu lieu en juin 2002 à Montréal et a permis
d’adopter un Plan d’action suivant quatre axes: gouvernance de l’Internet,
coopération sectorielle, promotion et développement du contenu francophone sur
l’Internet et développement de technologies appropriées dans les pays
francophones. Les participants ont constaté que les attentes sont très fortes et
qu’il est vital de créer une véritable dynamique francophone à travers l’apport
d’organismes extérieurs et la promotion de l’Internet dans le monde francophone
en vue de contribuer à réduire la fracture numérique dans le monde entier. Parmi
les projets il a été question de créer un Groupe de travail qui sera chargé de
lancer cette dynamique moyennant la promotion d’un Internet francophone et de
promouvoir la recherche de nouveaux partenaires, en particulier parmi les
collectivités locales.
PrepCom-3
Le Sous-comité B a poursuivi son examen du document politique du SMSI,
«l’engagement de Tunis », dont les quatre cinquièmes ont déjà été arrêtés. Les
participants se sont mis d’accord sur le rôle que peuvent jouer les Etats dans
l’édification de la société de l’information (para. 18). Par contre ils se sont
divisés sur le libellé proposé pour le paragraphe 4 (liberté d’opinion et
d’expression) qui, tout en réaffirmant le texte de la Déclaration de principes
adoptée à Genève, en étendrait la portée en consacrant notamment la liberté de
la presse. Plusieurs participants ont fait observer que le texte proposé rouvre
un débat conclu après de longues et âpres discussions à Genève, tandis que
d’autres ont fait valoir que la liberté de la presse est essentielle à tout
progrès. La séance a été suspendue pour permettre au groupe de rédaction
d’élaborer une solution de compromis.
TIC et droits humains des femmes
Si les TIC sont généralement tenues pour neutres, le débat sur les TIC et
les droits humains des femmes a permis de faire le bilan de leurs
incidences, tant positives que négatives.
Dans la première catégorie on relèvera particulièrement la part des TIC dans
l’autonomisation et l’affirmation des femmes, tandis que dans la seconde on
rangera l’exploitation sexuelle, le harcèlement sur l’Internet et l’intrusion
dans la sphère privée. Le débat a montré que les TIC peuvent faire l’objet
d’utilisations diamétralement opposées, d’un côté pour promouvoir les droits
humains des femmes, mais de l’autre pour abuser ces mêmes droits.
Les participants ont considéré comme indispensable en conséquence de faire
évoluer les mentalités et la législation, en incorporant les TIC en particulier
dans les politiques nationales et dans les programmes de développement, et en
donnant aux femmes la possibilité de se former pour qu’elles puissent donner
toute l’étendue de leur potentiel. Ils ont souligné l’urgence de définir une
stratégie des genres immédiatement après la phase de Tunis du SMSI, et proposé
en outre d’élaborer sans tarder un code déonthologique, « d’éthique » sur
l’utilisation des TIC et d’en promouvoir la diffusion dans le monde entier.
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