Les premières
des huit tables rondes multipartenaires ont été convoquées. Bien
qu'informelles, ces tables rondes n'en sont pas moins une partie essentielle de
la deuxième réunion du Comité de préparation en ce sens qu'elles constituent
une plate-forme pour un large échange de vues sur la société de l'information.
Les résultats en seront communiqués à la séance plénière de la deuxième réunion
du Comité de préparation. Les exposés présentés lors de ces tables rondes
peuvent être consultés ici
Accéder au
savoir, s'ouvrir à la diversité
M. Latif Ladid
(Forum IPv6) a ouvert les débats de la deuxième table ronde (Accès à la
connaissance, à la diversité culturelle et linguistique) par un bref
historique sur l'Internet, depuis sa création en tant que réseau de première
génération géré par une administration publique jusqu'au réseau que
nous connaissons aujourd'hui, réseau mondial de troisième génération
fonctionnant 24 heures sur 24. Il a fait observer qu'en l'espace de
quelques décennies, nous sommes passés du statut de "touristes" à
celui de "résidents" de l'Internet mais tout le monde n'a pas été
du voyage: en effet le taux de pénétration de l'Internet est de 54% et 28%
respectivement pour les Etats-Unis et le Japon alors qu'il n'est que de 3% pour
les pays les plus pauvres.
Le professeur
Niv Ahituv (Université de Tel-Aviv, Israël) a présenté le point de vue d'une ONG
en ce qui concerne l'accès et a posé la question cruciale de savoir qui
devrait réglementer le contenu et comment. Un filtrage peut sembler souhaitable
dans certains contextes mais dans d'autres cas le contrôle du contenu semble
aller à l'encontre des principes du droit de la liberté à l'information. Le
problème est donc de faire en sorte que les droits de l'individu soient protégés
tant par l'accès au savoir qui valorise l'individu que par le recours à une
protection juridique.
"La
diversité culturelle de l'humanité est aussi riche que la biodiversité"
a ajouté M. Abdul Waheed Khan, Directeur général adjoint pour la
communication et l'information à l'UNESCO, soulignant le rôle joué par
l'organisation dans la définition d'une approche "holistique" de
l'accès au savoir via les TIC. Il a mis l'accent en particulier sur le développement
de contenus locaux qui respectent les cultures et les patrimoines locaux et en
assurent la promotion. Parmi les problèmes soulevés, on peut citer le fait que
la création de contenu est concentrée dans les pays développés et que les
systèmes de propriété intellectuelle n'offrent pas une protection suffisante
aux fournisseurs de contenu local, dans des communautés dites marginales.
M. Michel
Peissik, Ambassadeur chargé du SMSI (France) a donné un exemple des
initiatives lancées par la France en matière culturelle. Il faut s'efforcer de
préserver et d'encourager la diversité culturelle pour éviter le risque d'une
"normalisation du contenu" en faveur des pays les plus développés
qui sont à l'heure actuelle les plus gros fabricants de contenu. Il émit l'idée
que pour les pays en développement, utiliser l'Internet pour préserver leur
culture pouvait aussi encourager le tourisme, source importante de recettes, en
incitant les touristes à venir visiter leurs richesses culturelles et, dans le
même temps, en informant les populations autochtones de leur propre patrimoine.
A propos des
problèmes rencontrés par les pays en développement, M. Francis Tusubira
de l'Université de Makarare (Ouganda) a déclaré: "Nous n'avons pas de
pain, comment pourrions-nous vouloir de la brioche!". Il a mis l'accent sur
les problèmes propres aux pays les moins avancés (PMA). Il a lancé un vibrant
appel aux pays développés pour qu'ils fassent baisser le coût élevé de
l'accès à l'Internet pour les pays insulaires d'Afrique et s'est adressé à
l'UIT pour qu'elle apporte une assistance dans le domaine réglementaire. Il a
ajouté que ces pays ont le devoir de partager, avec ceux qui en sont démunis,
les connaissances créées en abondance par la société de l'information.
Sécurité:
promouvoir la confiance et la coopération
A l'ouverture
de cette table ronde, M. Stuart Hotchkiss (Hewlett-Packard) a fait observer
que les idées sur les TIC et la sécurité ne manquent pas mais que la
difficulté est de les concrétiser. Par dessus tout, il importe de s'attacher
aux causes des problèmes liés à la sécurité des technologies de
l'information et pas uniquement aux symptômes. Il a ajouté que le proverbe
selon lequel "le bonheur des uns fait le malheur des autres"
s'applique aussi à la sécurité et qu'il faut en tenir compte dans les différentes
prises de position lors du Sommet.
Mme Lauren Hall
(Microsoft) a renforcé cette idée en soulignant la complexité de la sécurité
des réseaux. En effet, la diversité ne touche pas seulement les réseaux mais
aussi les utilisateurs et les dispositifs. Les solutions doivent donc refléter
cette complexité et être polyvalentes c'est‑à‑dire intégrer les
questions de confidentialité, de fiabilité et de confiance dans les
fournisseurs d'équipements et les prestataires de services.
M. Andrey
Korotkov, Premier Vice-Ministre, Ministère des communications et de
l'informatisation (Fédération de Russie) a brossé un tableau plus personnalisé.
Il a décrit l'Internet comme un véritable capharnaüm où l'on peut trouver,
en fouillant, des trésors mais aussi une multitude d'objets moins
recommandables. La quantité d'informations dont nous disposons n'est pas le
garant, à elle seule, de sa qualité ou de son utilité. Par ailleurs, la nécessité
d'une protection physique a été soulignée: un incendie, dans un bâtiment,
peut causer des dégâts irréparables à un réseau.
Le professeur
Urs Gattiker (Institut européen de recherche sur les virus informatiques -
EICAR) s'est intéressé au "maillon faible" de la chaîne sécuritaire,
à savoir les particuliers. "Il vaut mieux prévenir que guérir, cela coûte
moins cher" tel a été le message qu'il a fait passer. Avec l'expansion
croissante des réseaux hertziens, du large bande et des services au niveau
national, les particuliers sont de plus en plus présents sur le réseau mais
ils ne veulent pas payer le prix élevé de leur sécurité. Les pouvoirs
publics doivent faire le premier pas et inciter ou obliger les particuliers à
investir dans la sécurité, ceci dans l'intérêt de tous.
M. Eduardo
Gelbstein, ex-fonctionnaire des Nations Unies, a décrit le cyberespace comme un
territoire dont les contours ne sont pas fixés et qui comprend de nombreuses
zones encore inexplorées, notamment les "abysses" des sites web qui
ne peuvent pas être explorées par les moteurs de recherche, les réseaux privés
non IP et les nombreux "navires pirates" qui menacent véritablement
la sécurité. Naviguer dans le cyberespace est donc risqué et ce encore pour
quelque temps. A défaut d'un "droit maritime" du cyberespace, ce
manque de sécurité doit être contenu dans les limites actuelles et géré au
maximum avec les outils dont nous disposons déjà. Les Etats doivent agir dès
aujourd'hui, sur la base des conventions actuellement en vigueur, comme la
Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité, conclue en 2001 et
signée, à ce jour, par 33 pays.
Un certain
nombre de participants sont tombés d'accord sur le fait qu'il n'y aura jamais,
vraisemblablement, de panacée universelle, que ce soit au niveau législatif,
au niveau technologique ou au niveau de l'éducation. La solution passe donc par
la coopération, l'élaboration d'un climat de confiance, la définition de
cadres appropriés respectant la liberté d'expression ainsi que les différences
nationales et culturelles.
Infrastructure
et financement des TIC
Les débats
ont là porté essentiellement sur la recherche de moyens permettant de définir
des modèles nouveaux et novateurs susceptibles de régler le problème économique
de l'accès universel aux télécommunications en encourageant la mise en place
d'une infrastructure par un investissement durable.
M. Yang Zemin
Président de l'Académie chinoise de recherche sur les télécommunications a
mis l'accent sur les problèmes que pose la mise en place d'une infrastructure
en Chine et sur le modèle de financement associé. Il a souligné le fait que
la Chine occupe la première place pour ce qui est du taux de pénétration des
télécommunications car elle a ouvert son économie aux investissements étrangers.
Il a ajouté que la principale source de financement d'une société informatisée
devrait être le marché, fondé sur un environnement socio-économique fiable
pour les entreprises.
M. Yann
Brenner (Banque Interaméricaine de Développement - BID) a parlé du rôle
politique que joue la BID dans la mise en place des TIC en Amérique latine et
dans la région des Caraïbes. Il a salué le travail effectué par la Banque
pour faciliter l'accès de ses Etats Membres aux technologies et au savoir, pour
encourager les TIC en tant qu'instrument efficace de développement socio‑économique
et de consolidation de la démocratie tout en adaptant les modèles concernant
les TIC aux spécificités de chaque Etat Membre. "Nous nous efforçons de
faire de la BID une plate‑forme stratégique qui encourage le dialogue et
la réalisation d'un consensus entre les Etats Membres et de prendre une
position de leader dans le développement des TIC dans la région".
M. Touré,
Directeur du BDT, a parlé du rôle que l'UIT et, en particulier son Secteur du
développement, jouent avec d'autres partenaires pour régler certains des problèmes
que pose l'accès pour tous aux TIC, à un prix abordable. Il s'est dit
convaincu que l'un des principaux résultats de la session de Genève du SMSI
devrait être le renforcement des partenariats entre organisations
internationales, régionales et nationales. "Un modèle de partenariat est
une façon d'aller de l'avant dans le financement du développement des TIC et
de mettre à la disposition de tous un accès et des services universels, à un
prix abordable" a-t-il ajouté.
Amadou Top (Osiris)
a souligné qu'il était nécessaire de définir un cadre réglementaire
applicable à tous les pays pour lancer une politique fiable en matière
d'investissement dans la construction des infrastructures. Il a par ailleurs
rappelé l'idée lancée par le groupe de réflexion prospective du Président
du Sénégal visant à élargir le flux de l'accès entre pays développés et
pays en développement. "Nous devons créer une solidarité du numérique
selon laquelle les pays qui ont un large accès à l'Internet devraient
aider ceux qui sont moins favorisés. Ainsi, la fracture numérique, qui est une
question d'accès et non de technologie, disparaîtra."
Le dernier
orateur Pawel Stelmaszczyk (Intel Corporation) a proposé un modèle pour
encourager l'accès à la technologie. Il a fait observer que le coût de
construction de l'infrastructure freine la construction de nouveaux réseaux.
Les frais administratifs et les travaux de génie civil en représentent 84%. Il
a souligné que, dans la recherche d'une solution, les pouvoirs publics locaux
devraient inviter des tiers (pas des opérateurs) à construire eux‑mêmes
leurs réseaux. Il a ajouté: "il y a une dichotomie entre la technologie
et les coûts mais on devrait profiter d'une réduction des obstacles à la
concurrence dans les réseaux et les services et, par voie de conséquence, dans
le coût du capital".
Perspectives
de la société de l'information
Une série
d'exposés faits pendant la pause du déjeuner ont été consacrés à un
certain nombre d'aspects essentiels de l'ère de l'information. Le professeur
Robin Mansell (London School of Economics) a fait le premier exposé de ce type.
C'est elle qui, la première, a parlé de technologies de l'information et de la
communication (TIC). Elle a mis l'accent sur le véritable moteur de la société
de l'information, le savoir, les connaissances. On peut consulter son exposé
ainsi que d'autres informations sur cette manifestation à l'adresse www.itu.int/visions.
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