Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Vous êtes réunis ici à Genève pour la dernière fois afin de préparer le Sommet
de Tunis. Cette réunion est importante. C'est en quelque sorte la répétition
générale avant la grande représentation. On dit parfois que les répétitions
générales ratées sont le gage d'une première réussie ! Même si c'est parfois le
cas, j'espère que la PrepCom 3, ici à Genève, sera couronnée d’un succès. Un
succès qui contribuera, je le souhaite, à l'heureux aboutissement du processus à
Tunis, mi-novembre.
Parce que le sommet n’est pas un spectacle, il est un dialogue, un échange, où
l’écoute est indispensable comme dans tout processus politique qui veut répondre
aux défis de notre temps, en l’occurrence ceux de la société qui est désormais
la nôtre : la société de l'information.
Le sommet n’est pas un spectacle, il est un événement politique, le premier à
avoir rassemblé tous les Etats de la planète autour du thème des technologies de
l’information et de la communication (TIC). Certains y ont vu du temps perdu, de
l’argent gaspillé. Ils ont peut-être oublié qu’avant la réalisation d’une
politique, il y a la rencontre et le débat.
Avant le sommet de l’information, il y avait eu des conférences bien sûr, mais
elles traitaient plutôt de questions techniques.
Jamais on n'avait débattu, à l'échelle planétaire, des avantages que les
technologies dites TIC pouvaient apporter à l'humanité, par exemple dans la
lutte contre la pauvreté et la faim, dans le domaine de la santé ou dans
l'édification d'un Etat plus transparent et plus démocratique.
Jamais auparavant on n'avait examiné pour quelles raisons la moitié de
l'humanité ne dispose toujours pas d'un téléphone, sans parler d'un accès à
internet ; ni pour quelles raisons cette fracture numérique creuse encore le
fossé existant entre les riches et les pauvres. Vous étiez sans doute nombreux à
avoir reconnu ses problèmes, à les avoir thématisés. Mais à quoi bon prêcher
dans le désert ? Ici, au sommet, les mots sont tombés dans une terre fertile et
ils développeront des effets.
Jamais non plus le sujet d'internet n'avait été abordé à cette échelle. Même si
ce moyen de communication imprègne profondément notre vie – dans les pays
industrialisés, mais aussi, de manière croissante, dans les pays en voie de
développement.
Avec la naissance du sommet – l’idée a germé il y a sept ans au sein de l’Union
internationale des télécommunications – le monde s’est penché sur ces questions.
Et le travail a véritablement commencé en 2001, deux ans avant le Sommet de
Genève. La déclaration de principe et le plan d'action adoptés au Sommet de
Genève en décembre 2003 en ont été les premiers temps forts.
Le temps de la démocratie
Rappelez-vous, il y a eu des nuits qui n’en finissaient plus, des petits matins
blêmes; vous faisiez un pas en avant, puis reculiez d’autant, il y avait de
l’espoir et de la déception. Au début, chacun s’agrippait à sa position,
refusant tout compromis.
C’est que nous touchions des questions politiques essentielles : nous voulions
la liberté d’expression pour tous, nous voulions combler la fracture dite
numérique, celle qui sépare le monde en deux, nous voulions par exemple que
chaque hôpital, même dans une région reculée, puisse profiter du savoir des
spécialistes les plus pointus et pratiquer des opérations à distance.
Le Sommet de Genève en 2003 l'a clairement démontré. Dans cette forme de
politique, un président ou un ministre ne peut pas trancher, aucun gouvernement
ne peut imposer sa volonté; les solutions sont recherchées de manière
démocratique, selon le principe de la subsidiarité : à chaque Etat membre
d’appliquer les principes décidés au sommet.
A Genève, en 2003, nous avons fini par dire oui, nous nous sommes mis d’accord
sur un plan d’action à réaliser jusqu’en 2015. Nous avons décidé que:
-
tous les villages, tous les hôpitaux, toutes les
bibliothèques, toutes les universités et les écoles devraient être connectés
aux TIC,
-
la population du monde entier ait accès à la télévision et à
la radio,
-
chaque citoyen puisse, librement, chercher des informations
et exprimer son opinion, dans les médias traditionnels aussi,
-
enfin, que chacun puisse chercher et créer des informations
dans sa propre langue.
Internet et le rôle de l’Etat
Bientôt, nous allons nous retrouver de l’autre côté de la Méditerranée, à Tunis.
Un des thèmes centraux y sera celui de la gouvernance d’internet, et notamment
le rôle de l’Etat. Parce que la toile offre le meilleur et le pire. Internet
peut sauver des vies en améliorant l’information préventive des populations lors
de catastrophes naturelles. La toile et la téléphonie sont des infrastructures
comme le rail et la route. Une société équitable vise à ce que chacun dispose de
ces infrastructures qui permettent aux citoyens de communiquer et de
s’entraider. C’est une condition vers une société plus juste.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication contribuent à
une société plus solidaire et plus sûre, mais il faut veiller à ce qu’elles
n’entravent pas la liberté du citoyen.
Nous le savons tous, entre sécurité et liberté, la pesée d’intérêts débouche sur
des dilemmes quotidiens : faut-il évacuer de force des régions dévastées par des
inondations comme La Nouvelle-Orléans? Faut-il interdire les comportements qui
mettent en danger la santé des citoyens? Jusqu’où aller?
Transposés dans le monde des technologies de l’information, les dilemmes
demeurent. L’Etat doit pouvoir interdire des sites pédophiles ou des réseaux
terroristes, il doit protéger le citoyen contre le Spam et contre les escrocs
qui tentent de vider ses comptes bancaires, mais il doit aussi garantir la
liberté d’expression des citoyens, leur accès libre aux informations. L’Etat ne
doit pas se servir de la lutte contre le cybercrime et le terrorisme comme
prétexte pour censurer les citoyens qui expriment des critiques vis-à-vis de
leur gouvernement. En revanche, la gestion technique et commerciale d’internet
au quotidien, doit rester entre les mains du secteur privé, pour que le réseau
continue de se développer avec dynamisme.
Cette discussion promet d’être vive à Tunis.
Aussi, je vous souhaite, pour cette dernière répétition générale, pour cette
dernière – et probablement difficile – conférence préparatoire, beaucoup de
patience et d'indulgence, et une grande résistance à la frustration.
Je me réjouis d'ores et déjà d'apprécier dans deux mois à Tunis le résultat du
travail que vous aurez accompli ici à Genève. Le processus sera parvenu,
espérons-le, à un stade permettant d'affirmer que des progrès ont déjà été
réalisés au cours des deux dernières années.
Je me réjouis surtout de voir ce processus du sommet de l’information se
poursuivre après Tunis, se réaliser peu à peu, se transformer en actions. Le
sommet sera vraiment réussi le jour où tous les hommes et les femmes de notre
planète bénéficieront, dans leur vie de tous les jours, partout dans le monde,
des avantages des technologies de l’information. Alors seulement, notre société
de l'information sera devenue réellement une société de la connaissance pour
tous. Et cela, ce sera une grande première.
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