Procédures spatiales
Neo Edmund
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Le cadre réglementaire international
des réseaux par satellite sous la loupe
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John Lewis, Consultant,
gestion internationale du spectre, Added Value Applications
Limited |
Les utilisations novatrices des systèmes
de télécommunication par satellite ne cessent de se développer.
Un exemple récent est l'utilisation de satellites pour établir
des liaisons téléphoniques et de données à haut débit avec des
aéronefs, des navires et des trains à grande vitesse, permettant
aux voyageurs de communiquer à l'aide de leur propre téléphone
mobile.
L'investissement dans un réseau à
satellite étant de l'ordre de plusieurs centaines de millions de
dollars des Etats-Unis, les administrations membres de l'UIT et
les opérateurs de satellites ont mis au point une procédure
réglementaire par étapes qui, si elle est bien suivie, permet
d'avoir une grande certitude réglementaire que les brouillages
seront acceptables et la liaison par satellite fiable. Une
coordination de l'utilisation des fréquences pertinentes est
entreprise durant ces procédures, de même que le choix d'un
emplacement approprié pour le satellite sur l'orbite
géostationnaire.
Un peu d'histoire
Conformément aux premières règles
concernant l'utilisation du spectre des fréquences
radioélectriques, la gestion internationale des fréquences était
fondée sur la notion de souveraineté nationale. Les
administrations nationales réglementaient l'utilisation des
fréquences radioélectriques et l'accès aux services de
communication. Dans une grande partie du domaine des
radiocommunications de Terre (liaisons hertziennes, service
mobile terrestre, radiorepérage par satellite, etc.), les
administrations étaient (quasiment) maîtresses de leur gestion
nationale des fréquences, les problèmes de brouillages et de
coordination étant normalement limités à leur proche voisinage.
Les autorités nationales étaient donc réellement en mesure
d'assigner des fréquences à des utilisateurs, à certaines
exceptions près, notamment dans les bandes des ondes
décamétriques.
Ce système de gestion surtout national a
changé avec l'avènement des télécommunications par satellite. En
1957, le lancement du premier satellite artificiel, Spoutnik 1,
a marqué le début de l'ère spatiale. Le premier satellite
géostationnaire a été mis en orbite en 1963. Maintenant, avec
les systèmes hertziens et les câbles à fibres optiques (y
compris les câbles sous-marins), les satellites constituent les
principaux moyens de communication à grande distance. Afin de
relever des défis de l'ère spatiale, l'UIT a créé, en 1959, une
commission d'études pour étudier les radiocommunications
spatiales. Elle a également tenu une Conférence administrative
extraordinaire des radiocommunications en 1963 à Genève, pour
attribuer des fréquences aux différents services de
radiocommunications spatiales.
Ces services englobent des applications
dans lesquelles les stations terriennes communiquant avec le ou
les satellites sont fixes (service fixe par satellite), mobiles
— à bord de véhicules, de navires ou d'aéronefs (service mobile
par satellite) — ou sont destinés à la réception de
radiodiffusion par le grand public (service de radiodiffusion
par satellite). Les services de radiocommunication comprennent
également un certain nombre d'applications satellitaires plus
spécialisées comme le radiorepérage, les services scientifiques
(y compris l'exploration de la Terre et la météorologie), les
opérations spatiales et les liaisons entre satellites.
L'avènement de l'ère spatiale a
également conduit les Nations Unies à élaborer un certain nombre
de déclarations et de traités (le plus important étant le Traité
sur l'espace extra-atmosphérique de 1967) qui disposent que
l'espace extra atmosphérique (par opposition à l'espace aérien
qui relève de la souveraineté nationale) ne peut faire l'objet
d'appropriation nationale par proclamation ou par occupation
mais peut être exploré et utilisé librement par tous les Etats
par l'intermédiaire de leurs organismes gouvernementaux ou
entités non gouvernementales, conformément aux règlements
internationaux. Par conséquent, personne ne détient une position
orbitale mais tout un chacun peut utiliser cette ressource
commune à condition d'appliquer les réglementations et
procédures internationales. Autre élément important de ces
réglementations: les Etats conservent sous leur juridiction et
leur contrôle les objets qu'ils ont lancés dans l'espace
extra-atmosphérique et sont responsables des activités spatiales
entreprises par leurs ressortissants ou par leurs entreprises
privées (même si ces Etats n'exercent aucun contrôle direct ou
indirect sur ces activités). Les Etats sont donc obligés
d'établir des mécanismes de supervision et de contrôle des
réseaux spatiaux, notamment sous la forme de licences.
Le rôle de l'UIT
L'UIT est l'institution spécialisée des
Nations Unies responsable de la réglementation et de la gestion
internationale du spectre des fréquences radio-électriques et
des ressources orbitales. Pendant plus de 40 ans, de 1963 à
2007, de nombreuses conférences administratives mondiales des
radiocommunications de l'UIT (remplacées à partir de 1995 par
des conférences mondiales des radiocommunications) se sont
penchées sur la réglementation de l'utilisation des ressources
du spectre et de l'orbite par les stations des services de
radiocommunication spatiale. Les Etats Membres de l'UIT ont mis
en place un régime juridique codifié dans la Constitution et la
Convention de l'UIT, ainsi que dans le Règlement des
radiocommunications. Ces instruments définissent les grands
principes et contiennent également les dispositions
réglementaires particulières à appliquer dans les situations
suivantes:
- attributions des fréquences aux
différentes catégories de services de radiocommunication;
- droits et obligations des
administrations membres pour l'obtention de l'accès aux
ressources du spectre et de l'orbite;
- reconnaissance internationale de
ces droits par inscription des assignations de fréquence et
des positions orbitales utilisées ou qu'il est prévu
d'utiliser dans le Fichier de référence international des
fréquences de l’UIT.
Ces dispositions réglementaires reposent
sur les principes fondamentaux d'utilisation efficace des
ressources du spectre et de l'orbite et d'accès équitable à ces
ressources, principes qui sont consacrés dans le numéro 196 de
la Constitution de l'UIT (article 44), selon lequel
«Lors de
l'utilisation de bandes de fréquences pour les services de
radiocommunication, les Etats Membres doivent tenir compte du
fait que les fréquences radioélectriques et les orbites
associées, y compris l'orbite des satellites géostationnaires,
sont des ressources naturelles limitées qui doivent être
utilisées de manière rationnelle, efficace et économique,
conformément aux dispositions du Règlement des
radiocommunications, afin de permettre un accès équitable des
différents pays, ou groupes de pays, à ces orbites et à ces
fréquences, compte tenu des besoins spéciaux des pays en
développement et de la situation géographique de certains pays».
Les procédures
Coordination, planification, notification
et enregistrement
Lorsqu'elle a élaboré la réglementation
relative aux services spatiaux, l'UIT a d'emblée mis l'accent
sur l'utilisation efficace et rationnelle des ressources
orbite/spectre, notion qui s'est traduite dans les faits par
l'application du principe du «premier arrivé, premier servi». Le
principe de la «coordination avant utilisation» part de l'idée
que le droit d'utiliser une position orbitale s'acquiert par le
biais de négociations avec les administrations qui utilisent la
même portion de l'orbite. S'il est appliqué correctement (c'est
à dire, pour répondre aux besoins réels), ce principe est un
moyen de parvenir à une bonne gestion des ressources
spectre/orbite; il permet de remplir les parties inoccupées de
l'orbite au fur et à mesure des besoins et aboutit, en principe,
à une répartition homogène des stations spatiales sur l'orbite.
Dans les bandes de fréquences où ce principe s'applique, les
administrations des Etats Membres de l'UIT indiquent les
ressources orbite/spectre dont elles ont besoin pour satisfaire
leurs besoins réels. Il leur appartient ensuite d'attribuer les
fréquences et les positions orbitales, d'appliquer les
procédures appropriées du Règlement des radiocommunications
(coordination internationale et inscription) pour le segment
spatial et les stations terriennes de leurs réseaux (d'Etat,
publics et privés) et d'en assumer la responsabilité
réglementaire.
L'exploitation progressive des
ressources orbite/spectre finies et l'encombrement de l'orbite
des satellites géostationnaires qui allait sans doute en
résulter ont amené les Etats Membres de l'UIT à se pencher sur
la question de l'équité d'accès, d'où l'établissement (et
l'introduction dans le régime réglementaire de l'UIT) de plans
de fréquences et de positions orbitales, aux termes desquels une
certaine quantité de spectre est mise de côté en vue d'une
utilisation future par tous les pays, en particulier par ceux
qui ne sont pas encore en mesure d'utiliser ces ressources. Ces
plans, aux termes desquels chaque pays dispose d'une position
orbitale préalablement déterminée associée à la libre
utilisation, à tout moment, d'une certaine quantité de spectre,
ainsi que les procédures associées, garantissent à chaque pays
un accès équitable aux ressources spectre/orbite et par là-même
protègent ses droits fondamentaux. Ils régissent une part
considérable des fréquences qu'utilisent les services de
radiocommunication les plus «gourmands» en spectre, à savoir les
services fixe par satellite et de radiodiffusion par satellite.
L'application de ces principes d'accès
efficace et équitable passe par deux grands mécanismes:
- des procédures de coordination, qui
portent sur:
- les réseaux à satellite
géostationnaire (dans tous les services et dans toutes les
bandes de fréquences) et les réseaux à satellite non
géostationnaire dans certaines bandes de fréquences, qui
font l'objet d'une publication anticipée et d'une
coordination (procédures de l'Article 9 du Règlement des
radiocommunications);
- d'autres réseaux à satellite non
géostationnaire (tous les services correspondants et
certaines bandes de fréquences) pour lesquels seule la
publication anticipée (procédure de l'Article 9) est exigée
avant la notification.
- des procédures de planification a priori garantissant un accès équitable, qui
comprennent:
- le Plan d'allotissement pour le
service fixe par satellite dans une partie des bandes 4/6 et
10–11/12–13 GHz contenu dans l'Appendice 30B du Règlement
des radiocommunications;
- le Plan concernant le service de
radiodiffusion par satellite dans la bande 11,7–12,7 GHz
(Appendice 30 du Règlement des radiocommunications) et le
Plan des liaisons de connexion associé dans les bandes 14
GHz et 17 GHz (Appendice 30A du Règlement des
radiocommunications);
- des procédures d'application dans
les Plans des Appendices 30, 30A et 30B, pour tenir compte
des besoins modifiés non prévisibles au moment de
l'établissement du plan concerné.
L'application de ces procédures suppose
que l'administration soumette les renseignements pertinents au
Bureau des radiocommunications de l'UIT, pour examen et
publication dans la Circulaire internationale d'information sur
les fréquences (IFIC), publiée toutes les deux semaines et qui
contient la liste des administrations considérées comme
affectées par la soumission d'un système nouveau ou modifié.
Toutes les administrations peuvent ainsi être au courant de tous
les nouveaux systèmes à satellites proposés par l'intermédiaire
de ladite Circulaire et peuvent réagir en conséquence, procédant
à une coordination détaillée ou à des discussions en vue d'un
accord si nécessaire.
La coordination réussie des réseaux à
satellite et des stations terriennes, ainsi que les accords
visant à modifier une entrée dans un plan, conduisent à
l'application des procédures de notification de l'Article 11 du
Règlement des radiocommunications. Cela ouvre la voie à la
reconnaissance internationale des fréquences utilisées par ces
réseaux/stations et de leur inscription dans le Fichier
international d'enregistrement des fréquences.
Un aspect important du processus de
coordination et de notification, qui concerne la nécessité de ne
couvrir que l'utilisation réelle des ressources, est que
l'administration à sept ans à partir du début de la procédure
(soumission des renseignements au titre de la publication
anticipée) pour mettre en service le ou les satellites en
question. Si cette échéance administrative n'est pas respectée,
les soumissions pertinentes pour publication anticipée et
coordination deviennent caduques et l'administration concernée
perd sa priorité de traitement dans le processus réglementaire.
L'avenir
Au cours des 40 dernières années, le
cadre réglementaire de l'UIT s'est constamment adapté à
l'évolution des conditions et a atteint la souplesse nécessaire
pour répondre aux deux grands besoins, qui ne sont pas toujours
compatibles, d'efficacité et d'équité. Compte tenu des progrès
immenses des télécommunications, la demande de ressources de
spectre/orbite ne cesse d'augmenter pour la quasi totalité des
services de communications spatiales. Cela a donné lieu à des
mécanismes plus complexes visant à faciliter le partage de
fréquences et à des procédures réglementaires associées révisées
(souvent plus complexes également).
Le Règlement des radiocommunications est
constamment révisé. La prochaine Conférence mondiale des
radiocommunications, qui doit se tenir en 2011, pourrait décider
de nouvelles révisions des attributions de fréquences et des
procédures associées pour les services spatiaux, notamment du
fait que de nouvelles applications de radiocommunication
spatiale continueront d'apparaître.
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