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Karl Ferdinand Braun (1850–1918) a inventé le tube à rayonnement cathodique et
obtenu avec Marconi le prix Nobel pour les travaux réalisés sur la télégraphie sans
fil |
Télégraphie et télévision
Deux inventions, un pionnier
Si les choses avaient évolué différemment, c’est un «télescope électrique»
qui trônerait peut-être dans notre salon. Telle était en effet l’une des appellations
retenues, voilà cent ans, pour ce qui est devenu le récepteur de télévision. Mais
qui a donc utilisé le terme «télévision» pour la première fois, et en quelle année?
C’était la question posée dans cette colonne, le mois dernier, et voici la réponse:
le terme apparaît pour la première fois en 1900, dans le compte rendu* (en français)
d’une conférence donnée par le physicien russe Constantin Perskyi, à l’occasion
du premier Congrès international d’électricité, organisé parallèlement à l’Exposition
universelle de Paris.
A Paris, Perskyi, professeur d’électricité à l’Ecole d’artillerie de Saint-Petersbourg,
fait simplement le point des progrès réalisés par ceux qui rêvent d’un système permettant
de voir des images à distance. Le débat organisé au Palais de l’électricité porte
essentiellement sur des questions de physique théorique, et non pas sur la faisabilité
technique de la future télévision. Mais des progrès décisifs sur la voie de la réalisation
pratique ont déjà été accomplis, et l’un des éléments les plus importants en la
matière, le tube à rayonnement cathodique, existe déjà.
L’étrange lucarne
Au milieu du XIXe siècle, on sait qu’en faisant passer
un courant électrique intense d’un conducteur à un autre dans une ampoule de verre
scellée, on obtient une lueur que l’on peut dévier en déplaçant un aimant à proximité
et que, lorsque l’on réalise un vide partiel dans l’ampoule, une tache fluorescente
apparaît sur le verre. Cet ancêtre du tube au néon est spectaculaire à contempler,
mais, au cours des années 1870, le physicien britannique William Crookes, qui étudie
le comportement des champs électriques en présence de gaz rares, a l’idée d’en faire
un instrument scientifique fort utile — le fameux tube de Crookes. En 1876,
le physicien allemand Eugen Goldstein décide d’appeler «rayonnement cathodique»
le rayonnement créant cette fluorescence.
Ce n’est que vingt ans plus tard, en 1897, que J. J. Thomson, de l’Université
de Cambridge, découvre à l’aide du tube de Crookes les fameuses particules subatomiques
dénommées électrons, démontrant que le rayonnement cathodique est en fait un flux
de «corpuscules d’électricité négative». Cette même année, Karl Ferdinand Braun
invente le «tube cathodique» qui, à l’inverse des premiers tubes à vide, permet
par application d’une tension alternative d’orienter le flux de particules focalisé
avec précision et d’obtenir ainsi des contours définis à l’extrémité fluorescente
du dispositif. L’oscilloscope, ancêtre du tube à rayonnement cathodique des écrans
de nos téléviseurs et de nos ordinateurs, est né.
Schéma d’un tube à rayonnement cathodique
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Source: Theresa Knott |
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Transmission de messages à distance
Thomson obtient le prix Nobel de physique pour ses travaux en 1906 — et c’est
également en 1906 que l’UIT publie la première édition de son Règlement des radiocommunications,
appelé à régir un domaine dans lequel Braun est aussi passé maître. En 1909 d’ailleurs,
il se partage avec Guglielmo Marconi le prix Nobel de physique récompensant les
deux inventeurs pour leur contribution ou développement de la radio. En ajoutant
au système de télégraphie sans fil initialement mis au point par Marconi, un circuit
d’oscillation fermé, Braun a résolu l’effet d’«amortissement» qui était l’une des
faiblesses du système de Marconi et, avec cette amélioration décisive, la portée
du télégraphe, décuplée, peut désormais atteindre 100 kilomètres. Par ailleurs,
l’utilisation d’antennes à faisceau incliné permet de focaliser les transmissions,
de sorte que la confidentialité des messages transmis par radio est mieux préservée
— élément extrêmement important pour les entreprises, par exemple.
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Deutsches Museum |
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Tube à rayonnement cathodique dit «Tube de Braun» (1906) |
Ces progrès sont publiquement reconnus par le Secrétaire de l’Académie royale
suédoise, Hans Hildebrand, dans le discours prononcé à l’occasion de la remise du
prix Nobel à Karl Ferdinand Braun. Félicitant Braun pour ses travaux «inspirés»,
Hildebrand déclare à cette occasion que les efforts du physicien allemand ont été
décisifs dans l’invention de la télégraphie à grande distance, «cette magnifique
invention des temps modernes».
Peu après le début de la première guerre mondiale, Braun se rend à New York pour
une affaire de brevet portée en justice. Alors que les Etats-Unis s’engagent dans
le conflit, il ne peut pas retourner en Allemagne. Il s’éteint à New York en avril
1918, à l’âge de 67 ans. Son invention, le tube cathodique, sera l’élément fondamental
des télévisions jusqu’à une époque très récente. Aujourd’hui, le tube cathodique
est en passe d’être rapidement remplacé par les écrans plats, à plasma ou à cristaux
liquides. Mais le terme «télévision», forgé il y un peu plus d’un siècle, fait aujourd’hui
partie du vocabulaire universel, tout comme la technologie de la télévision est
omniprésente dans notre vie de tous les jours.
* «Télévision au moyen de l’électricité»
Exposition universelle internationale
de 1900,
Congrès international de l’électricité (Paris, 18–25 août 1900). |
Question pour le mois prochain
Quel est l’ingénieur célèbre qui a inventé non seulement le premier système
d’enregistrement vidéo, mais encore la chaussette à traitement anti-humidité? |
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