Inauguration du Fonds mondial
de solidarité numérique
Genève en devient le siège
«Agissons ensemble, localement
et globalement, pour que l’opportunité numérique que nous offre
la transition vers la société de
l’information favorise une société
plus juste, plus équitable et plus
solidaire» (Charte du Fonds mondial de solidarité numérique).
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Laurent Guiraud/Tribune de Genève |
Le 14 mars 2005, le Fonds mondial
de solidarité numérique a été inauguré à Genève en présence de plusieurs chefs d’Etat, ministres, maires
et d’autres personnalités venues
du monde entier pour assister à la
cérémonie. La mission de ce nouveau Fonds est de promouvoir et de
financer des projets de développement qui permettent aux personnes
et aux pays marginalisés de participer
à la société de l’information. Le Fonds
mondial de solidarité numérique qui
repose sur des engagements volontaires formulés par les parties prenantes vient compléter les mécanismes
de financement existants.
«De nombreuses idées ne dépassent jamais le stade de la planification et ne sont donc même jamais
essayées. Tel n’est pas le cas du Fonds
mondial de solidarité numérique», a
fait observer Yoshio Utsumi, Secrétaire général de l’UIT et Secrétaire
général du Sommet mondial sur la
société de l’information (SMSI). «Qui
ne risque rien, n’a rien», a-t-il déclaré.
«Je suis fier que l’UIT, grâce à tout
le travail accompli dans le cadre du
processus SMSI, ait pu préparer le
terreau fertile sur lequel cette graine
poussera et grandira», a-t-il ajouté.
Dans un message présenté par
Sergei Ordzhonikidze, Directeur
général de l’Office des Nations
Unies à Genève, au nom du Secrétaire général des Nations Unies Kofi
Annan, ce dernier a fait valoir que:
«Le Fonds mondial de solidarité
numérique doit être vu comme la
manifestation concrète des efforts
réalisés pour atteindre les Objectifs
de développement du Millénaire
et mettre en place un mécanisme
novateur de financement du développement, tel que souhaité par le
Consensus de Monterrey. Le Fonds
peut aider à exploiter le potentiel
des TIC et renforcer les capacités
des personnes pauvres et marginalisées. Le Fonds est basé sur l’esprit
du partenariat, facteur essentiel de sa
réussite. Il s’appuie sur les aspirations exprimées par le terrain et reconnaît
le rôle clé des autorités locales. Le
Fonds contribuera à forger des liens
étroits et productifs avec le secteur
privé».
La fracture numérique:
un problème sans pareil qui
appelle une réponse et une
solution particulières
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Laurent Guiraud/Tribune de Genève
Michel Barnier, le Président Abdoulaye Wade,
Micheline Calmy-Rey et
Christian Ferrazino |
Le Président Olusegun Obasanjo
du Nigéria a inauguré le Fonds en
sa qualité de Président de l’Union
africaine lors d’une cérémonie qu’il
a présidée avec Guy-Olivier Segond
(Suisse), Président du Fonds mondial
de solidarité numérique. Le Président Obasanjo a lancé un appel
pour qu’un effort collectif soit fait
afin de supprimer les obstacles qui
ôtent tous moyens aux communautés et aux nations pauvres. Il s’agit
notamment de maîtriser les prix
prohibitifs des technologies et des
produits technologiques et d’élargir
l’accès à la formation. Le Président
Obasanjo déplore l’existence de la
fracture numérique: «Il est inacceptable que le monde développé,
qui n’a que 15% de la population
mondiale, contrôle plus de 75%
des utilisateurs de l’Internet. Malgré
les efforts des gouvernements des
pays en développement, la plupart
des écoliers n’ont jamais eu accès à
des machines à écrire manuelles et
encore moins à une infrastructure
TIC moderne pourtant désormais
essentielle au développement et à
l’apprentissage».
Micheline Calmy-Rey, Conseillère
fédérale chargée du Département des
affaires étrangères de la Confédération
suisse, a aussi condamné l’existence
de ce fossé inquiétant. Elle a souligné
que plus de 80% de la population
mondiale n’avait pas accès à la technologie de l’information et a ajouté
que la fracture numérique ne sépare
pas seulement les pays pauvres des
pays riches mais sépare également
dans le monde développé les villes
des villages, les hommes des femmes
et les jeunes des aînés. Mme Calmy-Rey a insisté sur l’intérêt qu’il y a de
donner aux femmes, qui constituent
la majorité de la population mondiale,
leur place véritable dans une société
de l’information à prédominance
masculine.
Le Président Abdoulaye Wade
du Sénégal, père fondateur du
Fonds mondial de solidarité numérique, a indiqué qu’en Afrique il y
a en moyenne un ordinateur pour
5000 habitants. Il s’est félicité de
la création du Fonds, mesure qu’il
estime décisive pour stimuler le
développement des TIC dans le
monde en développement. Selon
lui, transparence et efficacité seront
les maîtres mots si l’on veut assurer
le bon fonctionnement du Fonds.
Margarita Cedeño de Fernández,
Première Dame de la République
dominicaine, a réaffirmé l’appui de
son pays au Fonds en soulignant les
efforts déployés par les Etats pour
réduire la fracture numérique. Le
Bureau de la Première Dame a
été chargé d’un certain nombre de
projets dans ce pays des Caraïbes
de 8,6 millions d’habitants, dont plus
de trois millions n’ont pas accès aux
technologies et se trouvent exclus
du processus de développement et
des bienfaits potentiels que pourrait offrir la mondialisation. «Nous
avons mis au point un plan détaillé
très ambitieux pour installer 135
centres technologiques communautaires dans tous le pays, un dans
chaque municipalité, afin que les
communautés extrêmement pauvres aient la possibilité de participer
au processus de développement»,
a déclaré la Première Dame. Elle
a proposé à la réflexion de tous
les pensées de l’auteur français
bien connu Victor Hugo qui disait:
«Le futur a plusieurs noms. Pour le
faible, c’est impossible. Pour celui qui
hésite, c’est l’inconnu. Pour celui qui
réussit, l’opportunité».
D’autres orateurs ont pris la parole
à la cérémonie: Abdelaziz Bouteflika,
Président de la République algérienne
démocratique et populaire; Teodoro
Obiang Nguema Mbasogo, Président de la République de Guinée
équatoriale, Michel Barnier, Ministre
des affaires étrangères de la République française, Mohamed Benaïssa,
Ministre des affaires étrangères et de
la coopération du Royaume du Maroc,
Christian Ferrazino, Conseiller administratif de la Ville de Genève et
porte-parole du Fonds mondial de solidarité
numérique, Gérard Collomb, Sénateur-Maire de Lyon, Représentant
de «Gouvernements Locaux et Cités
Unies (GCLU)» et Pierre Muller, Maire
de la Ville de Genève.
Nouvelles contributions au
Fonds
Le Président Obasanjo a fait un
don de 500 000 euros et a promis
un appui administratif et technique
aux projets du Fonds. Le Président
Bouteflika a annoncé une contribution
de 500 000 USD en ajoutant que son pays participait au Fonds mondial de
solidarité numérique en tant que
membre fondateur. M. Benaïssa,
représentant sa Majesté le Roi
Mohammed VI du Maroc, a annoncé
que ce dernier avait décidé que le
Royaume deviendrait un membre fondateur du Fonds et a fait une
promesse de don de 300 000 euros.
M. Barnier a réitéré l’appui du gouvernement français à cette juste et brillante
idée de solidarité et a fait un don de
300 000 euros au nom de la France.
Le Président Nguema Mbasogo de
Guinée équatoriale a annoncé une
contribution de 300 000 euros.
Une idée qui arrive
à maturité
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DSF
President
Olusegun Obasanjo avec Guy-Olivier Segond |
Lorsque l’idée d’un Fonds mondial
de solidarité numérique volontaire
a vu le jour, elle a suscité beaucoup
de controverse. Les partisans du
Fonds y voyaient, s’il était créé,
une nouvelle manière d’aider les
pays technologiquement défavorisés à améliorer ou à bâtir une
infrastructure dans le but de réduire
l’écart numérique qui existe entre
les pays développés et les pays en
développement. Les sceptiques ont
exprimé leurs doutes. Finalement
l’absence de consensus a amené le
Sommet, dans sa phase de Genève,
à demander au Secrétaire général
de l’Organisation des Nations
Unies de créer un groupe d’action chargé d’étudier les mécanismes de
financement existants et nouveaux,
y compris le Fonds mondial de solidarité numérique volontaire dont la
création était proposée et de faire
rapport au Sommet à sa deuxième
phase à Tunis en novembre 2005.
Toutefois, les instigateurs du projet de
Fonds mondial de solidarité numérique ne pouvaient admettre que cette
idée soit repoussée jusqu’à Tunis en
2005. Ils ne pouvaient se contenter de
simples déclarations d’intention. «J’ai
vu beaucoup de monde se lancer
dans de longues discussions sur l’idée
d’un nouveau Fonds de développement des TIC», a rappelé M. Utsumi,
Secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications: «On
a même créé un groupe d’action
pour se renseigner sur les fonds
existants. Mais, pendant ce temps-là,
les organisateurs du Fonds mondial
de solidarité numérique avaient déjà
pris des mesures concrètes. En fait, les
actes l’ont emporté sur les mots», a-t-il
dit aux participants.
En effet, le dernier jour du SMSI
(12 décembre 2003), les maires de
Genève et de la ville française de
Lyon, le Président de la province de
Turin (Italie) et le Président Wade du
Sénégal ont constitué un Comité et
créé le Fonds mondial de solidarité
numérique. La Ville de Genève a fait
don de 395 000 USD au Fonds envisagé et Lyon de 368 000, le Sénégal
apportant 500 000 USD, ce qui portait le total à plus d’un million d’euros.
A ce moment-là, l’idée de la création
du Fonds avait déjà reçu l’appui d’un
certain nombre de municipalités et
de pouvoirs régionaux au Sommet
mondial des Villes et des Pouvoirs
locaux sur la Société de l’information
(Lyon, 4 et 5 décembre 2003).
C’est le Président Wade qui a le
premier proposé le concept de «solidarité numérique» à la réunion du
Comité de préparation du SMSI en
février 2003 en sa qualité de coordonnateur du volet TIC du Nouveau
partenariat pour le développement
de l’Afrique (NEPAD).
Un hommage particulier a été
rendu au Président Wade pour s’être
fait le champion de la cause du Sud
dans le cadre de la nouvelle société
de l’information. Aux yeux de nombreux participants à la cérémonie
inaugurale, il avait été le pilier de la
recherche de mécanismes financiers
spéciaux devant permettre aux pays
en développement, particulièrement
ceux à faible revenu, de s’intégrer
dans la société de l’information.
Le Principe de Genève
Le Fonds mondial de solidarité
numérique repose sur l’engagement
volontaire des autorités publiques
et des entités privées qui décident
de mettre en œuvre un nouveau
mécanisme de financement du
développement baptisé le «Principe
de Genève». Il s’agit d’une contribution de 1% sur les marchés publics
relatifs aux technologies de l’information. Le 1er janvier 2005, la Ville de
Genève a adopté (et applique déjà)
le Principe de Genève selon lequel
les pouvoirs publics s’engagent à
inclure «une clause sur la solidarité
numérique» dans tous leurs appels
d’offres d’achat d’équipements et
de services TIC. Cette clause exige
de l’entreprise adjudicataire qu’elle
verse au Fonds mondial de solidarité
numérique 1% du montant total de
la transaction, payé sur sa marge.
Cette contribution de 1% donne le
droit d’utiliser le label «Fonds mondial de solidarité numérique».
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