L’accès communautaire et sa mesure — l’UIT joue un rôle de premier plan
L’accès aux technologies de l’information et de la
communication (TIC) revêt une importance cruciale, notamment pour les
participants au débat mondial qui s’interrogent sur la façon de faire
bénéficier tout un chacun des avantages de la société de l’information.
Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI),
dont la première phase a eu lieu à Genève en décembre 2003, a donné un nouvel
élan aux efforts internationaux visant à combler la fracture numérique. Le
SMSI a produit une Déclaration de principes et un Plan d’action qui
établissent que l’infrastructure des TIC est un préalable indispensable à
l’inclusion numérique; la Déclaration du Millénaire des Nations Unies
reconnaît elle aussi que les TIC sont un outil important dans la réalisation
des objectifs de développement du millénaire, mais la question qui se pose est
de savoir comment on peut prendre la juste mesure de l’accès aux TIC et à la
société de l’information.
UIT 0550002
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Jorge Alvarez Hoth, vice-ministre mexicain du
transport et des communications, s’adressant aux délégués à l’Atelier
mondial sur les indicateurs d’accès communautaire aux TIC à Mexico |
Il est indispensable de déterminer les indicateurs qui
permettront le mieux de recueillir des données significatives pour mesurer
l’ampleur réelle de la fracture numérique, dans ses dimensions tant nationales
qu’internationales. Un aspect de l’accès aux TIC, qui n’a pas reçu l’attention
qu’il aurait dû, est l’accès communautaire ou public. Le nombre croissant de
personnes, particulièrement dans les pays en développement, qui ont accès aux
TIC dans des établissements publics nécessite en effet l’élaboration
d’indicateurs appropriés pour bien cerner cette réalité.
Le rôle de l’UIT
Vers le milieu de novembre 2004, l’UIT a organisé, en
collaboration avec le Ministère mexicain du transport et des communications,
l’«Atelier mondial sur les indicateurs d’accès communautaire aux TIC». L’UIT a
pris cette initiative dans le cadre du mandat qu’elle a reçu de suivre
l’évolution de l’accès aux TIC et de leur utilisation. Principale source de
statistiques sur les TIC/télécommunications comparables à l’échelle mondiale,
l’UIT est la mieux à même d’élaborer des indicateurs sur l’accès
communautaire. La tenue de cet atelier a été une étape importante sur la voie
de la réalisation des objectifs fixés dans le Plan d’action du SMSI. En
particulier, les conclusions qui y ont été tirées aideront à mettre en œuvre
la décision prise dans le Plan en vue de l’élaboration d’indicateurs
statistiques comparables, «en particulier d’indicateurs de connectivité
communautaire». Plus de 110 participants, dont 32 femmes, d’une soixantaine de
pays ont pris part à cet atelier et ont approuvé un ensemble d’indicateurs
destinés à mesurer l’accès aux installations TIC communautaires (voir le
tableau 1).
Figure 1 — Importance de l’accès
communautaire… |
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Source: UIT, adapté de sondages nationaux.
Note – Les données de 2004 relatives au Mexique sont des résultats
préliminaires. Les données concernant Maurice datent de 2002.
Pour le Canada, le chiffre de 1,2% reflète le nombre de ménages canadiens
ayant indiqué qu’un de leurs membres utilise l’Internet dans un cybercafé. |
Importance de l’accès communautaire
On sait que les indicateurs traditionnels, tels que le
nombre de lignes téléphoniques fixes, ne suffisent pas à eux seuls à
déterminer l’ampleur de la fracture numérique, ni à établir toute la vérité en
ce qui concerne le potentiel des opportunités numériques1. Dans les
pays en développement, la grande majorité des ménages ne disposent ainsi pas
d’équipements TIC modernes, tels qu’ordinateurs et l’Internet2. Au
Mexique, par exemple, seuls 9% de tous les ménages ont actuellement une
connexion Internet. A Maurice, champion des TIC en Afrique, un sondage
réalisé en 2002 a montré que 13% de tous les ménages étaient en ligne (figure
1, graphique de gauche). Quant au taux de pénétration des ménages, il risque
fort d’être encore plus bas dans de nombreuses régions du monde en
développement. Etant donné que seul un petit nombre de pays, principalement
développés, ont procédé à des sondages auprès des utilisateurs de l’Internet,
il est difficile de déterminer le nombre exact d’utilisateurs de l’Internet
public.
Selon les données actuelles, l’accès communautaire joue un
rôle important en ce qui concerne l’accès aux TIC des habitants de la plupart
des pays en développement, préalable pourtant indispensable pour qui veut
participer à la société de l’information et en récolter les fruits. Un sondage
auprès des utilisateurs
de l’Internet réalisé au Pérou, par exemple, montre que les établissements
publics sont le premier endroit où les usagers peuvent avoir accès à
l’Internet (voir la figure 1, graphique de droite).
Même dans les pays dits à revenu moyen3 comme la
Pologne et la Bulgarie, plus d’un
tiers de tous les usagers en ligne utilisent
des installations Internet publiques4. Conscientes du potentiel de
l’accès communautaire,
les autorités mexicaines sont déterminées à accroître l’accès aux TIC à
l’échelle nationale: dans le cadre de l’initiative «e-Mexico»,
elles envisagent ainsi d’installer d’ici à 2006
10000 centres communautaires numériques dans l’ensemble du pays. Si ce sont
les pays développés qui tendent à avoir les
taux d’accès aux installations Internet publiques les plus faibles (au Canada,
seul 1,2% des
ménages ont indiqué qu’un de leurs membres utilise l’Internet depuis un
cybercafé), certains n’ont pas hésité à recourir aux établissements publics pour étendre l’Internet à des zones difficiles d’accès. En
Espagne «red.es», agence commerciale publique associée au Ministère de
l’industrie, du tourisme et du commerce espagnol, fournit un accès à
l’Internet libre et à haut débit à des milliers d’utilisateurs publics vivant
en zones rurales qui sont privés d’accès au large bande; selon les
estimations, ce programme devrait bénéficier à plus de 1,3 million d’Espagnols
dans les années à venir5.
MCIT/Egypt
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Bhutan Telecom |
Un aspect de l’accès aux TIC, qui n’a pas reçu
l’attention qu’il mérite, est l’accès communautaire ou public. Il est
indispensable de déterminer les indicateurs qui permettront le mieux de
recueillir des données significatives pour mesurer l’ampleur réelle de la
fracture numérique, dans ses dimensions tant nationales qu’internationales |
Insuffisance des indicateurs et données d’accès communautaire
Pour préparer l’atelier, et pour évaluer la situation
actuelle des indicateurs d’accès communautaire, l’UIT a adressé un
questionnaire à tous les ministères, offices nationaux de la statistique6
et régulateurs des télécommunications/TIC. Près de la moitié des 80
pays qui ont répondu au questionnaire ont signalé ne pas avoir de chiffres.
Les données fournies par les autres pays étaient quant à elles
souvent incomplètes et ne concordaient pas toujours, ce qui donne à penser
que, même si un certain nombre de pays se rendent compte de l’intérêt de
l’accès communautaire, on manque encore d’indicateurs comparables à l’échelle
mondiale. La procédure de collecte a en outre fait apparaître le manque de
coopération, dans certains pays, entre les différents organismes s’occupant de
TIC et de statistiques. C’est ainsi que pendant l’atelier l’accent a été
plusieurs fois mis sur l’importance de la coopération, qu’elle soit
institutionnelle ou non. Seul un très petit nombre de pays ont commencé à
collecter effectivement des données sur les centres d’accès public à
l’Internet (CAPI) tel que défini dans le questionnaire (voir la figure 2);
cette conclusion a été étayée par les présentations et discussions organisées
au cours de l’atelier. Lorsqu’ils existent, les initiatives et projets
nationaux de suivi de l’accès communautaire sont souvent dictés par des
conditions géographiques et socioéconomiques précises et sont rarement
comparables au plan international.
Figure 2 —
Comment définir des installations d’accès communautaire: CAPI et CCN |
Un centre d’accès public à l’Internet (CAPI) est un lieu, un centre
d’enseignement où le public peut avoir accès à l’Internet en permanence ou
non. Se rangent dans cette catégorie les centres communautaires numériques
(CCN), les cybercafés, les bibliothèques, les centres d’enseignement et
autres établissements analogues. Tous devraient disposer au moins d’un
ordinateur public d’accès à l’Internet. S’il est très utile de classer les
centres par type, comme l’illustre la figure 1, il faut aussi distinguer les
établissements privés des centres publics. |
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Un centre communautaire numérique (CCN) est un lieu où le public peut
accéder aux services de l’Internet à partir d’installations terminales mises
à sa disposition. Il s’inscrit dans le cadre public de l’accès universel. Il
devrait offrir un accès équitable, universel et bon marché. Pour qu’un CAPI
soit considéré comme un CCN il doit:
- Etre équipé au moins d’un ordinateur et d’une imprimante.
- Disposer d’une connexion à un fournisseur de services Internet d’un
débit d’au moins 64 kbit/s, et mettre à la disposition des usagers une
largeur de bande acceptable.
- Pourvoir à la prise en charge et à la maintenance.
- Etre ouvert au moins 20 heures par semaine.
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D’autres CAPI, comme les cybercafés ou autres centres
d’enseignement, peuvent être classés comme CCN, selon les conditions
auxquelles ils satisfont.
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Comment mesurer l’accès communautaire?
Pour mesurer l’accès communautaire on peut procéder de
plusieurs façons, par exemple en incluant une question spécifique dans un
sondage auprès des utilisateurs de l’Internet, ce qui permet de recueillir des
renseignements sur le nombre/ou le pourcentage de personnes utilisant les
installations Internet publiques. Certains pays, comme ceux de l’Union
européenne, ont commencé à collecter des données sur le nombre de points
d’accès public à l’Internet7. Cependant, un inconvénient majeur de
cet indicateur est qu’il ne donne pas la distribution des installations, et il
ne constitue pas une base pour une valeur recommandée qui serait fonction de
l’utilité des centres d’accès public à l’Internet (qui à son tour dépendrait
du niveau de propriété des TIC). Aussi l’atelier a-t-il décidé de se pencher
plutôt sur le nombre d’agglomérations (villages/bourgs/villes) disposant
d’installations d’accès public à l’Internet.
L’atelier a réussi à définir l’ensemble des indicateurs de
l’accès communautaire exposés dans le tableau 1. Ces derniers, ajoutés à une
liste supplémentaires d’autres critères, devraient aider les pays à choisir
ceux qui leur seront utiles, soit pour réaliser des sondages auprès des
utilisateurs de l’Internet, soit pour collecter des données administratives
auprès des centres d’accès public à l’Internet. Il s’agit là d’une étape
décisive en vue de l’amélioration et de l’harmonisation de la couverture
statistique de l’accès communautaire. Au titre de recommandations qu’il a
élaborées, l’atelier a demandé à l’UIT d’encourager l’adoption des indicateurs
d’accès communautaire arrêtés. La liste des indicateurs en question sert non
seulement à aider l’UIT à collecter des données, mais aussi à indiquer
clairement aux régulateurs, aux ministères et aux offices de la statistique
des différents pays le type de données sur lequel doit porter la collecte.
Pour l’heure, un important objectif est de comprendre combien de villages de
bourgs ou de villes se sont dotés au niveau national d’installations d’accès
public à l’Internet et d’établir le pourcentage de la population ainsi
desservie. La liste souligne la nécessité de faire une distinction entre les
CAPI (terme générique utilisé pour désigner n’importe quelle installation
publique offrant un accès à l’Internet) et les centres communautaires
numériques (CCN), qui doivent satisfaire à certaines conditions (permettre un
accès bon marché par exemple) et qui sont normalement subventionnés ou gérés
par les pouvoirs publics.
Il est à espérer que les indicateurs et recommandations sur
lesquels a débouché l’atelier permettront une prise de conscience de cette
importante question à l’échelle mondiale et favoriseront l’adoption de mesures
à haut niveau en faveur d’un suivi de l’accès communautaire.
Tableau 1 — Indicateurs
servant à mesurer l’ampleur et le potentiel des centres d’accès public à
l’Internet
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Indicateur |
Remarque |
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Nombre d’agglomérations équipées de CAPI |
Le terme “agglomérations” désigne les
villages, bourgs et villes d’un pays. |
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Pourcentage de la
population ayant accès à un CAPI |
Ces indicateurs permettent
de mesurer le nombre d’habitants bénéficiant d’une couverture par un CAPI
par rapport à la population totale du pays. On considère que lorsqu’un
village dispose d’au moins un CAPI, ce sont tous ses habitants qui sont
“connectés”. |
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Population des utilisateurs potentiels de CCN |
Un utilisateur potentiel de CCN est toute personne de plus de
six ans. |
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Population cible pour des services de CCN |
La population cible désigne la population potentielle (voir
ci-dessus) moins le nombre des utilisateurs de l’Internet n’appartenant pas
à la communauté (c’est-à-dire des personnes ayant un accès à l’Internet à
partir d’un point autre qu’un CAPI, par exemple leur domicile). |
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Nombre total de CCN |
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Nombre total d’autres CAPI |
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Nombre total d’ordinateurs dans les CCN |
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Nombre moyen d’ordinateurs
par CCN |
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Nombre d’utilisateurs par type de CAPI (CCN,
autres CAPI) |
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Pourcentage d’utilisation
effective du CCN |
Pour calculer ce
pourcentage, les pays doivent diviser le nombre d’utilisateurs effectifs de
CCN par la population cible pour les services de CCN. On définit un
utilisateur comme une personne qui accède à l’Internet au moins une fois par
mois. |
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Taux d’utilisation moyen des CCN |
Pour calculer ce taux, les pays doivent
diviser la durée totale d’utilisation des CCN par la durée totale de
disponibilité des CCN. |
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Source: Tiré de la
recommandation formulée par l’Atelier mondial sur les indicateurs d’accès
communautaire aux TIC, Mexico, Mexique, novembre 2004 (voir sous www.itu.int/ITU-D/ict/mexico04/). |
1
Par la Résolution 131 de la Conférence de
plénipotentiaires de l’UIT (Marrakech, 2002) les Etats Membres de l’UIT
ont reconnu que «l’indicateur de base généralement utilisé dans le domaine
des télécommunications est celui du nombre de lignes téléphoniques fixes
pour cent habitants, mais que cet indicateur ne correspond plus au taux de
pénétration réel des services de télécommunication dans les pays où des
programmes d’accès communautaire ont été mis en œuvre».
2 Les ménages en question ne
disposent bien souvent même pas de l’infrastructure de base nécessaire à
l’utilisation des TIC modernes, à commencer par l’électricité, ce qui
exclut toute possibilité d’accès depuis leur domicile.
3 L’expression «revenu moyen» est
utilisée par la Banque mondiale et désigne les pays ayant un PIB par
habitant compris entre 746 et 9205 USD. (http://siteresources.worldbank.org/INGEP2003/Resources/gep2003classification.pdf).
4
L’expression «installations Internet publiques»
renvoie à la définition donnée par l’atelier des centres d’accès public à
l’Internet (voir la
figure 2).
5
Pour de plus amples informations sur «red.es» voir le
Document 52 de l’Atelier mondial sur les indicateurs d’accès communautaire
sous: http://www.itu.int/ITU-D/ict/mexico04/doc/, et aussi
www.red.es/
6
Le questionnaire comprenait des indicateurs tels que le
«pourcentage de la population ayant un accès aux CAPI» en termes
d’agglomérations (villages/bourgs/villes) et de population. La couverture
des CAPI a été divisée en installations publiques et en installations
privées. Figuraient également des questions sur le type de CAPI
(CCN/centres d’enseignement/autres) et leur potentiel, ainsi que sur la
population effective utilisant les services des CCN.
7
Union européenne. eEurope 2005: Etalonnage d’indicateurs
(http://europa.eu.int/comm/lisbon_strategy/pdf/655_EN.pdf). |
Contribution de Vanessa Gray, Unité de marché, économie et finance de
l’UIT/BDT |
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