L’accès aux communications dans les régions rurales: une préoccupation mondiale

Plus de 2,5 milliards d’habitants de notre planète (soit environ 40% de la population du globe) vivent dans les régions rurales et zones isolées des pays en développement, où l’accès aux télécommunications est encore très limité, selon une enquête menée par l’UIT sur les communications dans les régions rurales du monde. La question des communications dans les régions rurales et les zones isolées est absolument essentielle pour les Membres de l’Union. Du Plan d’action de la Valette (1998) au Plan d’action d’Istanbul (2002) — et plus récemment au Plan d’action du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) qui s’est tenu à Genève en décembre 2003 — de multiples déclarations de politique générale et recommandations ont confirmé la nécessité de promouvoir les télécommunications de base, la radiodiffusion et l’Internet comme outils de développement des régions rurales et des zones isolées de la planète.

Dans le monde entier, la suppression des disparités que l’on peut observer dans l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) et dans l’utilisation de ces technologies est aujourd’hui clairement à l’ordre du jour. Parmi les 10 objectifs du Plan d’action du SMSI, le premier porte spécifiquement sur la nécessité de doter tous les villages de «moyens TIC et de créer partout des points d’accès communautaires». C’est dire que le rapport établi à l’issue de l’enquête menée par un groupe de l’UIT chargé, sous la direction d’un Rapporteur, d’étudier la question des communications dans les régions rurales et les zones isolées, est vraiment publié à point nommé (juin 2004).

Figure 1 — Groupe d’âge le plus représenté dans les régions rurales

* Les chiffres communiqués sont considérés comme fournis par l’économie étudiée, et non pas par un organisme source particulier.

Cette analyse fait apparaître que de nombreux problèmes qui se posent dans les régions rurales appellent des solutions qui ne reposent pas exclusivement sur les télécommunications: il faut coordonner les travaux d’électrification, le développement des réseaux de transport, les programmes d’éducation et de formation… et il faut élaborer spécifiquement pour ces régions, compte tenu des besoins des communautés rurales et de la donne économique, des solutions techniques financièrement plus efficaces. Les données détaillées*, collectées auprès de 52 économies représentant les différentes régions de notre planète, devraient aider les Membres de l’UIT à étudier les moyens de résoudre le plus gros problème: connecter les communautés rurales et les communautés isolées. Le présent article présente les principaux résultats de l’enquête.

Pourcentage de femmes dans les populations rurales

Plus de 268 millions d’habitants de notre planète vivent dans les régions rurales des 52 économies qui ont répondu au questionnaire. Comme le montre la figure 1, le groupe d’âge le plus représenté dans les régions rurales de ces économies est le groupe des jeunes de moins de 16 ans. Les femmes représentent en moyenne 53% des populations rurales, mais au-delà de cette valeur moyenne, on note un pourcentage supérieur à 80% en Ouganda, au Lesotho ou encore en République sudafricaine.

Figure 2 — Comparaison entre les revenus des populations rurales et urbaines

Régions rurales/zones urbaines: des revenus très différents

L’étude révèle d’énormes différences entre les revenus en milieu rural et les valeurs estimatives du revenu national par habitant, et ces chiffres posent des problèmes majeurs aux opérateurs qui veulent desservir des clients dont les ressources financières font apparaître de telles disparités. A cet égard, la figure 2, qui reprend les données fournies par les économies qui ont communiqué des valeurs moyennes de revenus aussi bien pour les habitants des régions rurales que pour les habitants des villes est édifiante (à l’exception de Chypre et du Japon, qui ont communiqué des chiffres trop importants pour pouvoir être représentés sur ce graphique. Dans le cas de Chypre, la moyenne rurale était de 12 000 USD et la moyenne (urbaine) nationale était de 17 000 USD et dans le cas du Japon, les chiffres étaient respectivement de 30 000 et 37 500 USD).

Figure 3 — Services dans les régions rurales

Figure 4 — Coût des services

Quels sont les services disponibles dans les régions rurales?

Dans les régions rurales, le faible pourcentage de la population qui a accès aux télécommunications ne dispose habituellement que de la radio et de la téléphonie fixe, qui sont les principaux services assurés. Depuis peu, la téléphonie mobile joue un rôle majeur dans l’amélioration de l’accès — prenant le pas, dans certaines économies, sur la téléphonie fixe. Mais la présence des services Internet n’est pas encore très sensible dans la plupart des régions rurales du monde. La figure 3 donne une vue schématique des services disponibles dans les régions rurales des économies qui ont répondu au questionnaire.
 

Le commerce en ligne pourrait s’avérer déterminant car il ouvre la porte aux marchés nationaux et internationaux aux artisans locaux UIT 040039/C. Cox

Prix des services: comparaison entre les régions rurales et les zones urbaines

Environ 69% des économies ayant répondu au questionnaire ont indiqué que les prix observés dans les régions rurales et les valeurs relevées dans les zones urbaines étaient comparables, alors que 21% ont dit que les services étaient plus coûteux dans les régions rurales (figure 4). Toutefois, même lorsque les prix étaient comparables, les écarts de revenu entre les communautés rurales et les communautés urbaines signifiaient que les services de communication étaient en réalité plus onéreux pour les habitants des régions rurales. Dans le seul cas de l’Egypte, la structure des prix était plus avantageuse dans les régions rurales.

Accès à la téléphonie de base

Quelque 79% des économies interrogées dans le cadre de l’enquête ont répondu à la question relative à l’accès au service téléphonique de base dans les régions rurales. Oman a fourni des données sur l’accès fixe et mobile (accès fixe 15% et accès mobile 90% dans les régions rurales). Dans un certain nombre de pays — Bénin, Burkina Faso, Equateur, Honduras, Kenya, Lesotho, Mauritanie, Paraguay, Pérou, Sénégal et Togo — l’accès au service téléphonique de base ne concernait que 10% des régions rurales. La figure 5 illustre la répartition de l’accès dans les différentes économies.

Les femmes et l’accès à la téléphonie de base

Sur les 18 économies qui ont répondu à la question relative au pourcentage de femmes ayant accès à la téléphonie de base, certaines ont indiqué que les femmes étaient toujours nettement désavantagées en la matière. La figure 6 fait apparaître les différences, lorsque les pourcentages ne sont pas identiques.
 

Figure 5 — Pourcentage des régions rurales ayant accès au service téléphonique de base (par pays ou économie)

Politiques et stratégies mises en œuvre pour encourager l’accès aux télécommunications dans les régions rurales

Environ 47% des économies qui ont répondu au questionnaire appliquaient un régime d’obligation de service universel. Dans 28% d’entre elles, la législation, une agence gouvernementale ou les objectifs fixés encourageaient l’accès dans les régions rurales mais, dans ce dernier groupe, l’obligation de service universel n’était pas mentionnée expressément comme moyen d’encouragement (figure 7).

Figure 6 — Pourcentage d’accès au service téléphonique de base (par sexe)

Pour grand nombre d’économies (53%), le développement de l’Internet et de la radiodiffusion relevait des stratégies d’élargissement de l’accès dans les régions rurales (figure 8).

Sur les 29 économies qui ont répondu à la question concernant les «fonds de service universel», 12 ont fait savoir qu’un tel fonds existait déjà dans le cadre du service universel ou de la législation régissant l’accès et quatre autres pays (Albanie, Côte d’Ivoire, Grenade et Kenya) ont indiqué qu’un fonds de service universel était en cours de planification ou d’application, mais pas encore totalement fonctionnel.

Instruction élémentaire dans les régions rurales

En ce qui concerne le nombre d’enfants scolarisés jusqu’à la fin du premier cycle et les taux d’alphabétisation, les chiffres variaient énormément d’un pays à l’autre. La figure 9 résume les données communiquées sur les taux d’alphabétisation dans les régions rurales.

Populations rurales: les besoins en TIC

La figure 10 résume les besoins des habitants des régions rurales pour ce qui est des différents services en ligne, d’après les données disponibles sur 25 économies. La télésanté, le téléenseignement et l’administration en ligne occupent les trois premiers rangs dans cette liste des besoins. Ont également été identifiées la formation aux TIC et la nécessité de sensibiliser les populations rurales à l’utilité des services en ligne. Le commerce en ligne et les services bancaires en ligne étaient également au premier rang, un grand nombre de pays relevant l’importance du cybercommerce, qui ouvre une porte sur les marchés nationaux et les marchés internationaux aux artisans locaux et aux agriculteurs. Parmi les autres besoins, citons aussi l’accès généralisé aux TIC, l’accès illimité à l’Internet en dehors de toute censure et l’accès à des services Internet spécifiques — courrier électronique et publications sur le web par exemple.
 

Figure 7  — Politiques et stratégies pour encourager l’accès aux télécommunications dans les régions rurales

Figure 8 — Inclusion de services Internet et de radiodiffusion dans les stratégies d’accès rurales

Principaux obstacles aux services en ligne

L’expression «région rurale» couvre en fait une large gamme de caractérisations géographiques: forêts, déserts, prairies, montagnes, territoires insulaires isolés... Dans de nombreuses régions, le problème majeur est celui du relief, souvent tourmenté, et ce problème est exacerbé par la médiocrité des moyens de transport, qui rend l’exploitation et la maintenance des infrastructures de télécommunication particulièrement onéreuses. Par ailleurs, il est très difficile de proposer des services financièrement abordables et accessibles à des populations dont le revenu disponible est extrêmement modeste et qui, généralement, n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour acquérir des équipements de télécommunication. De surcroît, dans de nombreuses régions rurales, les services auxiliaires, tels que le réseau électrique, sont insuffisants ou tout simplement inexistants. Dans certains pays en développement, l’adoption de systèmes à boucle locale hertzienne semble offrir une solution pour résoudre de tels problèmes.

Il faut compter aussi avec les obstacles sociologiques à l’adoption des services en ligne que sont d’une part les taux d’analphabétisme très élevés dans certaines régions rurales et d’autre part certains facteurs culturels, lorsque la tradition orale l’emporte sur la tradition écrite par exemple.

Dans les économies où les services Internet étaient médiocres ou inexistants, les suggestions formulées quant aux moyens d’améliorer la situation avaient trait essentiellement aux investissements dans les infrastructures et au renforcement des capacités. Dans la plupart des cas, les réponses évoquent la nécessité de moderniser les infrastructures existantes en remplaçant les systèmes analogiques par des systèmes numériques ou en acquérant d’autres moyens de communication modernes, mieux adaptés à la donne rurale.

Enfin, les services étaient souvent perçus comme manquant de contenu local ou peu adaptés à la vie quotidienne en milieu rural, et l’on citait aussi l’insuffisance de l’expérience et des outils disponibles pour élaborer ces contenus dans les langues locales. Généralement, l’Internet était toujours largement perçu comme adapté à des environnements urbains développés.
 

Un projet de télémédecine au Bhoutan: interconnexion des hôpitaux de Thimphu et Trashiyangtse sur lignes de téléphone UIT 040038/Tokai University

Dans de nombreuses régions rurales, l’alimentation en électricité est insuffisante ou carrément non existante UIT 040041/C. Cox

A propos de l’enquête L’enquête a été menée entre novembre 2002 et la mi-avril 2003, et le rapport d’analyse qui a été établi à cette occasion sera présenté à la réunion de septembre de la Commission d’études 2 du Secteur du développement des télécommunications de l’UIT (UIT–D), pour suite à donner. L’enquête a été effectuée sur la base d’un questionnaire, élaboré par le Bureau de développement des télécommunications (BDT) en collaboration avec le Groupe du Rapporteur chargé des communications pour les régions rurales et les zones isolées, lequel relève de la Commission d’études 2 de l’UIT–D. Le questionnaire a été adressé à tous les Etats Membres et Membres de Secteur de l’Union, à l’objet de collecter diverses statistiques sur la situation des télécommunications dans les régions rurales et les zones isolées. A la mi-avril 2003, 55 réponses avaient été reçues, décrivant la situation de 51 Etats Membres et de l’Autorité palestinienne, qui dispose du statut d’observateur à l’UIT. Avec le Tchad, dont la réponse a été reçue après la date limite, le total se chiffre donc à 53. Les données communiquées par le Tchad n’ont pas été prises en compte dans le présent article, mais le seront dans la version définitive du rapport d’analyse.