Interconnexion fixe-mobile


Nouvelles Initiatives

Atelier sur l'interconnexion fixe-mobile - Rapport du président

A l'invitation du secrétaire général de l'UIT, Yoshio Utsumi, un atelier, qui s'est déroulé à Genève du 20 au 22 septembre 2000, a été consacré aux divers aspects de l'interconnexion des réseaux fixes et des réseaux mobiles sur le triple plan de la réglementation, de l'économie et des politiques générales. Cet atelier avait été organisé par l'Unité Stratégies et politique (SPU) dans le cadre du Programme des nouvelles initiatives du secrétaire général. Ont participé à cette réunion 39 experts de 24 Etats Membres de l'UIT qui représentaient une grande diversité d'organes de réglementation et de décision, d'opérateurs de réseaux de télécommunication fixes et de réseaux mobiles, de consultants, d'établissements universitaires et d'organisations internationales et régionales. Les personnes présentes participaient à titre personnel. Rohan Samarajiva, professeur invité de l'Université de technologie de Delft (Pays-Bas) et ancien directeur général de la Commission de réglementation des télécommunications du Sri Lanka, a présidé l'atelier.

L'une des missions de l'UIT, spécifiées dans la Constitution, consiste à faciliter la collaboration entre ses Membres, en vue de l'établissement de taxes aussi basses que possible tout en étant économiquement soutenables, objectif étroitement lié d'ailleurs à une autre mission de l'Union, qui est de faire bénéficier tous les habitants de la planète des avantages procurés par les techniques de télécommunication. A cet égard, de l'avis de certains participants, les taxes d'interconnexion des réseaux fixes et des réseaux mobiles actuellement pratiquées ne correspondent pas tout à fait à ces objectifs. L'atelier devait offrir aux décideurs, aux responsables nationaux de la réglementation et aux représentants de l'industrie la possibilité de procéder à un échange d'informations et d'opinions sur les aspects réglementaires de l'interconnexion fixe-mobile, et permettre aux participants de bénéficier de l'expérience internationale accumulée dans ce domaine. Il s'agissait aussi de sensibiliser les participants à l'importance de l'interconnexion fixe-mobile tout en cernant les grands problèmes de détermination des coûts et de politique des prix des communications mobiles.

Un document d'information, auquel était jointe une liste de questions proposées, avait été préalablement établi par le secrétariat pour discussion. Par ailleurs, un certain nombre d'études de cas par pays avaient été demandées, couvrant la Chine et la Région administrative spéciale (RAS) de Hong Kong, la Finlande, l'Inde et le Mexique*. Ces études, ainsi que la situation spécifique de quelques autres pays, ont été présentées aux participants. D'autres exposés et des tables rondes ont porté sur diverses questions: le contexte réglementaire de l'interconnexion fixe-mobile, l'orientation vers les coûts, l'Internet mobile, le rôle des autorités de réglementation dans le règlement des différends et l'interconnexion, les principes de détermination des références et enfin le rôle potentiel de l'UIT. Les lignes qui suivent résument certaines des grandes questions qui se sont dégagées des débats.

 

* Tous les documents de travail correspondant à cet atelier peuvent être consultés sur le site Web de l'UIT: www.itu.int/interconnect.

Structure du marché et concurrence

On peut dire que le service mobile recouvre une série de marchés élémentaires sur lesquels la concurrence s'exerce à divers niveaux:

L'attention des participants s'est portée essentiellement sur le service de terminaison du trafic d'interconnexion dans le cas de communications entre réseaux fixes et réseaux mobiles, c'est-à-dire dans le type de configuration où la concurrence est moins effective. On observe toujours qu'un seul opérateur gère la terminaison du trafic concernant une adresse donnée (marché constitué par un utilisateur). Ainsi, la personne qui appelle ne peut généralement pas choisir l'opérateur qui assurera la terminaison de la communication. Ce type de situation donne naissance à un service «filtrant» qui n'est pas soumis à toutes les pressions de la concurrence pouvant s'exercer sur d'autres parties du marché mobile. Dans certains cas, lorsque l'opérateur de réseau fixe a reçu instruction d'appliquer des taxes de terminaison orientées vers les coûts, cette situation a pour résultat que les taxes afférentes à la terminaison du trafic mobile ne sont pas déterminées en fonction des coûts, et d'aucuns pourraient voir ici une subvention involontaire à la charge des utilisateurs de l'infrastructure fixe et au bénéfice des utilisateurs du système mobile. Les taxes élevées qui s'appliquent à la terminaison du trafic mobile dans les configurations où les communications sont à la charge de l'appelant (CPP — calling party pays), posent ici un problème particulier. Par exemple, en Europe, selon certaines études, les taxes de terminaison appliquées aux réseaux mobiles s'élèvent en moyenne à 21 cents des Etats-Unis la minute. Ainsi, il y a en quelque sorte un rapport d'asymétrie entre la tarification du trafic de terminaison mobile et celle du trafic de terminaison fixe d'environ 16:1, et ce déséquilibre, d'après certaines études, ne correspond pas du tout au rapport des coûts structurels correspondants.

 





Rohan Samarajiva

Photo: A. de Ferron (UIT 000072)


Les participants n'ont pas consacré autant de temps aux environnements, en raison, d'une part, du fait que très peu de pays ont adopté un régime RPP et, d'autre part, de ce que presque tous les pays qui sont dans cette situation ont décidé d'adopter le régime CPP (c'est le cas, par exemple, du Mexique et de l'Argentine). Par ailleurs, et cet aspect est plus important, on observe souvent, dans les pays RPP, que les taxes d'interconnexion dans le sens mobile-fixe comme dans le sens fixe-mobile sont peu élevées, et qu'elles sont généralement symétriques, le déséquilibre structurel des coûts étant financé par les abonnés mobiles, auxquels est facturée la réception des communications, plutôt que par les taxes d'interconnexion, comme c'est le cas dans les pays CPP. Donc, les risques de dysfonctionnement du marché, dont la conséquence pourrait être des taxes d'interconnexion excessivement élevées dans le sens fixe-mobile, sont peut-être relativement faibles. Malgré les variations de prix, on ne devrait observer que de légères différences de coûts effectifs de terminaison du trafic entre les régimes CPP et les régimes RPP. Certains participants ont affirmé que, dans de nombreux pays CPP, les taxes sont excessives et ne correspondent pas aux coûts, même lorsqu'une vive concurrence s'exerce dans l'ensemble du marché de détail. Dans certains cas, aucune partie n'a de raison de chercher à négocier des prix moins élevés, tout particulièrement lorsqu'il y a intégration verticale dans une entreprise disposant à la fois d'un réseau fixe et d'un réseau mobile. Pour certains observateurs, cet état de fait prouve que le marché ne fonctionne pas correctement, mais le problème appelle manifestement un complément d'étude.

Un certain nombre de solutions «commerciales» ont été proposées pour accroître le degré de concurrence sur le marché de la terminaison du trafic.

On pourrait par exemple:





Une méthode fondée sur les références est également utilisée en Indonésie

Toutefois, il arrive qu'une certaine intervention réglementaire soit requise, et diverses approches sont alors utilisées:

Pour délimiter la marge de manoeuvre de la négociation, on pourra recourir par ailleurs à des combinaisons «hybrides» de différentes approches. Par exemple, on utilisera un modèle de coûts descendants pour établir un prix d'interconnexion plafond et une approche ascendante pour fixer un prix plancher. Les organes de réglementation pourront envisager d'instituer des relations spécifiques entre les prix d'interconnexion et les prix de détail, puisque les pressions qu'exerce la concurrence ont généralement davantage d'effet sur les marchés de détail.

Aspects «réglementation»

Aucune décision de recourir à l'intervention réglementaire ne devra être prise à la légère et, en l'occurrence, la chronologie des opérations sera déterminée en fonction d'un certain nombre d'éléments, notamment:

Les organes de réglementation doivent pouvoir disposer d'informations fiables, complètes et récentes concernant le niveau des taxes d'interconnexion et les barèmes de détail. Dans certaines circonstances, les organes de réglementation pourront envisager de rendre obligatoire la communication, et parfois la publication, des informations pertinentes. Il serait également intéressant que les organes de réglementation disposent d'informations de référence appropriées fournies par des pays comparables. Le marché des services mobiles s'avère extrêmement dynamique et, dans un nombre croissant de pays, le nombre des abonnés mobiles est désormais supérieur au nombre des abonnés au téléphone fixe. En conséquence, la négociation d'accords d'interconnexion doit également être considérée comme un processus dynamique.

 

 

 

 

 

Dans certains pays, le principal problème qui se pose tient en partie aux retards ou aux blocages délibérés observés dans la fourniture de liaisons d'interconnexion physiques par les opérateurs de réseau fixe établis, et en partie au niveau élevé des taxes d'interconnexion dans le sens mobile-fixe. Par exemple, pour diverses raisons, les opérateurs établis peuvent chercher à restreindre le nombre de points d'interconnexion. De telles «stratégies» freinent le développement de la concurrence entre services fixes et mobiles et fait obstacle à une interconnexion parfaitement transparente entre utilisateurs. Les instances de réglementation doivent pouvoir faire appliquer les mesures relatives à l'interconnexion et les sauvegardes en matière de concurrence. En cas de besoin, l'organe de réglementation devra pouvoir recourir à des procédures officielles de règlement des différends ou encourager l'utilisation d'autres procédures.

Détermination des prix et des coûts

Les participants ont considérablement débattu de la question de savoir si la fixation de taxes d'interconnexion élevées et très asymétriques pour la terminaison de communications établies sur infrastructure fixe au niveau d'un réseau mobile peut être considérée comme une subvention dans le sens réseau fixe-réseau mobile. Pour certains participants, un tel élément de subvention pourrait d'ailleurs être avantageux, par exemple lorsque le réseau mobile n'est pas encore très développé, ou encore pour faciliter l'expansion rapide du réseau, l'extension de la couverture géographique de l'infrastructure ou même les investissements dans les systèmes mobiles des générations futures. Toutefois, lorsque les taxes de terminaison au niveau d'une infrastructure mobile sont supérieures aux coûts, on observe inévitablement des prix de détail élevés, économiquement inefficaces, tandis que les stratégies d'investissement sont également inefficaces et peuvent entraîner des distorsions d'acheminement du trafic (réinjection dans l'infrastructure mobile par exemple). Par ailleurs, d'importants volumes de subventions non transparentes pourraient faire obstacle au développement de la concurrence entre le mode de communication fixe et le mode de communication mobile, et à la convergence de ces deux domaines. Tous les opérateurs de réseaux, aussi bien fixes que mobiles, s'efforçant de passer aux réseaux large bande de demain, le maintien de la pratique des subventions entre l'un et l'autre domaines pourrait faire obstacle à l'élaboration de solutions efficaces.

 

Tendances

Les futurs réseaux mobiles offriront des valeurs de capacité fortement accrues, permettant de proposer des services véritablement novateurs. Mais il faudra peut-être alors prévoir différents types d'accords d'interconnexion (fondés par exemple sur l'utilisation des ressources du réseau) dans lesquels il pourra être nécessaire de faire des distinctions entre les divers services (par exemple unidirectionnel/interactif, faible/forte largeur de bande). Les participants ont noté que l'évolution des réseaux actuels et des réseaux mobiles de la troisième génération (par exemple les IMT-2000) pourra imposer l'élaboration de méthodes d'interconnexion novatrices. Il faut espérer que les négociations menées sur le marché permettront de résoudre la plupart de ces problèmes. En conséquence, aucune intervention réglementaire n'est requise dans l'immédiat, mais les instances de réglementation et les organismes antitrust devront surveiller l'évolution de la situation et rassembler toutes les informations pertinentes.

 

Dans la ruée vers la «société de l'information mobile», un certain nombre de problèmes se posent avec une acuité croissante dans le secteur des télécommunications...

... Alors qu'un pourcentage croissant du trafic téléphonique est acheminé des réseaux fixes aux réseaux mobiles et inversement, la fixation de taxes et de mesures de réglementation adéquates pour l'interconnexion de ces deux catégories de réseaux continue de poser un difficile problème. Les taxes varient considérablement d'un Etat Membre de l'UIT à l'autre. A l'échelle commerciale, elles sont nulles dans certains pays et peuvent atteindre 62 cents des Etats-Unis la minute dans d'autres. Même sur les marchés relativement libéralisés, les taxes afférentes à l'interconnexion mobile sont souvent très supérieures aux coûts. L'Union européenne a récemment amorcé une enquête sur les taxes de terminaison très élevées actuellement pratiquées par les opérateurs de réseaux mobiles.

De nombreux pays, et parmi eux l'Inde, le Maroc et le Royaume-Uni, ont déjà adopté des mesures réglementaires dont l'objet est de faire en sorte que les taxes d'interconnexion fixe-mobile correspondent aux coûts. Toutefois, dans leur démarche de détermination des coûts, les pays disposent d'un volume de données de recherche ou de données de référence internationales extrêmement limitées. Aucun consensus ne s'est dégagé sur une méthode de détermination des coûts appropriée. Dans de nombreux pays en développement, le manque de ressources et de connaissances techniques en réglementation peut entraver les efforts d'orientation vers les coûts.

En raison du très vif intérêt que suscite la récente introduction des services Internet mobiles, il est encore plus urgent d'assurer l'interconnexion des infrastructures dans des conditions équitables et ouvertes. La viabilité de ces nouveaux services dépendra non seulement de l'interopérabilité des normes, mais également d'accords d'interconnexion techniquement et économiquement solides. Pour aider les instances de réglementation, tout comme les milieux industriels, à assurer la transition vers un monde de plus en plus mobile, il faudra très rapidement traiter les principaux problèmes que pose l'interconnexion des infrastructures fixes et des infrastructures mobiles.

On trouvera des études de cas sur l'interconnexion fixe-mobile à l'adresse www.itu.int/osg/sec/spu/ni/fmi/index.html.

Rôle de l'UIT

Un certain nombre d'orateurs ont souligné l'utilité des données comparatives concernant les taxes pratiquées dans le réseau Internet déjà disponibles sur le site Web de l'UIT (www.itu.int/interconnect), tout particulièrement pour ce qui est de l'élaboration de références. Les participants ont estimé que l'UIT pourrait assumer un rôle important en facilitant les flux d'information et en aidant les instances de réglementation des pays en développement à «débrouiller l'écheveau des politiques», dans le cadre de programmes de formation destinés à la communauté des télécommunications et d'un programme de diffusion de l'information. Il a été suggéré que l'UIT pourrait centraliser les données relatives aux taxes d'interconnexion et prêter son concours dans l'interprétation des différences pouvant découler des variations observées d'un pays à l'autre en ce qui concerne la structure du marché ou le niveau de développement économique. L'UIT pourrait également faciliter la mise en place d'un «système d'alerte» qui serait activé rapidement en cas de problèmes de politique générale.

L'UIT pourrait également assumer un autre rôle en proposant une assistance technique aux instances nationales de réglementation cherchant à établir des accords d'interconnexion fixe-mobile plus efficaces. L'Union pourrait aussi proposer son assistance technique aux pouvoirs publics dans la formulation de politiques appropriées pour le secteur. Il s'agirait, par exemple, de demander des études sur les méthodes de détermination des coûts, sur les références et sur les méthodes de détermination de prix de détail et de prix d'interconnexion qui soient orientés vers les coûts dans le contexte des réseaux mobiles à commutation par paquets. Les études de coûts pourraient également porter sur la terminaison du trafic international destiné aux mobiles. Il conviendrait peut-être de charger une commission d'experts de revoir ces études, qui compléteraient des programmes de formation organisés à l'intention des instances de réglementation, par exemple dans le domaine des diverses méthodes de règlement des différends.


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