Speech from Dr Hamadoun I. Touré, ITU Secretary-General

Forum ICT4ALL - Tunis+3: La large bande, une industrie du contenu pour le développement 
Hammamet, Tunisia
27 November 2008

Excellences,
Mesdames et Messieurs,


Je suis très heureux d'avoir la possibilité de me joindre à vous aujourd'hui, et je voudrais remercier tout particulièrement le Gouvernement de la Tunisie pour son hospitalité, son engagement pour le développement des TIC et l'organisation de cette importante réunion.


Il y a cinq ans, l'UIT osait organiser le tout premier Sommet mondial de la famille des Nations Unies sur la société de l'information, à Genève, en 2003.


Il y a trois ans, c'est à Tunis qu'avait lieu la seconde phase, fondamentale, de ce Sommet entièrement nouveau, à l'occasion de laquelle le programme défini à Genève et le travail de préparation complexe entrepris par tous les partenaires du secteur public, du secteur privé et de la société civile ont porté leurs fruits avec l'Engagement de Tunis et l'Agenda de Tunis pour la société de l'information.


Cet Agenda a fixé un certain nombre de grandes orientations à suivre de toute urgence pour que nous puissions réaliser la société de l'information ouverte, accessible et n'excluant personne, définie par le SMSI.


Mais avant de considérer les activités déployées par l'UIT et les progrès réalisés en fonction de ces grandes orientations, arrêtons-nous un instant pour faire le point de la situation concernant la fracture numérique cinq années après la première phase du SMSI.


Mesdames et Messieurs,


J'ai le plaisir de constater que, dans l'ensemble, les nouvelles sont très bonnes.


Alors que se déroulait la première phase du SMSI, nos estimations faisaient apparaître que, dans le monde, plus de 800 000 villages n'avaient jamais eu accès à l'une quelconque des technologies de l'information et de la communication.


Cela signifiait qu'un milliard des habitants de notre planète n'avaient toujours pour ainsi dire aucun accès aux bienfaits des technologies modernes de l'information et de la communication.


Aujourd'hui, la situation est toute autre.


L'Afrique, à elle seule, compte près de 300 millions d'abonnés aux systèmes cellulaires et présente le taux de pénétration de la téléphonie mobile le plus élevé du monde: près de 90% du total des abonnements.


Parmi les 49 pays les moins avancés, considérés dans leur ensemble, la télédensité moyenne a augmenté de façon impressionnante, puisqu'elle se chiffrait à près de 14% au début de l'année, en raison d'un taux de croissance annuelle cumulative de 70% sur la période 2005 2007.


Trois des pays les plus performants - la Gambie, la Guinée équatoriale et la Mauritanie - présentent aujourd'hui des taux de pénétration mobiles de plus de 40% - chiffre supérieur à la moyenne européenne à la fin de l'an 2000.


Il y a cinq ans, les statistiques établies par l'UIT nous disaient que l'Internet touchait moins de 1% de la population des pays les plus pauvres du monde et des Etats insulaires isolés.


Les taux de pénétration demeurent peu élevés - 1,4% en moyenne pour l'ensemble des PMA - mais l'influence de la Toile commence néanmoins à se faire sentir même dans les communautés les plus pauvres, grâce aux télécentres utilisés en partage et aux initiatives de libéralisation des marchés.


La réforme de la réglementation contribue elle aussi à créer des conditions favorables aux investissements et à l'esprit d'entreprise. Près de 90% des 49 PMA autorisent désormais la concurrence sur le marché des services mobiles - et cet élément explique en partie la baisse des coûts d'accès et le développement de la portée des réseaux que l'on observe simultanément.


Cette évolution est extrêmement positive, et montre ce que l'on peut obtenir en travaillant ensemble à la réalisation d'un objectif commun.


Mais ceux d'entre nous qui oeuvrent au développement des TIC savent bien que le chemin qui nous reste à parcourir pour être en mesure d'affirmer à juste titre que nous avons édifié une société de l'information équitable et accessible est encore bien long.


Chers amis et collègues,


Avec les activités déployées par les trois Secteurs de l'Organisation que je représente - développement des télécommunications, radiocommunications et normalisation des télécommunications - l'UIT ne ménage aucun effort pour surmonter les obstacles que l'avenir nous réserve encore.


Dans le contexte des grandes orientations du SMSI pour lesquelles l'UIT exerce une responsabilité directe de coordination, notre Bureau de développement des télécommunications collabore activement avec plusieurs partenaires - en particulier la Commission européenne - à de vastes projets visant à promouvoir la mise en oeuvre des infrastructures TIC et l'harmonisation de la réglementation en Afrique subsaharienne, dans les Etats insulaires du Pacifique et dans les pays des Caraïbes, afin de réaliser les engagements souscrits au titre de la grande orientation C2.


En ce qui concerne la grande orientation C5 ("Etablir la confiance et la sécurité dans l'utilisation des TIC"), je sais que beaucoup d'entre vous ici apportent d'ores et déjà un soutien et un appui actifs au Programme mondial cybersécurité ("GCA") mis au point par l'UIT et lancé à l'occasion de la Journée mondiale 2007 des télécommunications et de la société de l'information.


Le Programme mondial cybersécurité est un cadre de coopération visant à renforcer la confiance et la sécurité dans l'univers en ligne. Conçu pour être la première riposte internationale concertée à une menace qui pèse de plus en plus sur le monde, il encourage la collaboration, les partenariats et les échanges d'informations entre de multiples parties prenantes, en vue de parvenir à éradiquer rapidement et efficacement la cybercriminalité et le cyberterrorisme.


Alors que nous abordons aujourd'hui, après le travail de préparation, la mise en oeuvre du Programme mondial cybersécurité, je trouve très encourageant que ce programme ait déjà reçu le soutien de dirigeants mondiaux, dont M. Óscar Arias Sánchez, Président de la République du Costa Rica et lauréat du Prix Nobel de la paix et M. Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso, deux protecteurs de ce programme.


L'UIT a par ailleurs récemment signé avec l'organisation malaisienne IMPACT - International Multilateral Partnership Against Cyber Threats - un Mémorandum d'accord stratégique aux termes duquel le siège mondial ultra-moderne d'IMPACT, installé à Cyberjaya (Kuala Lumpur), va accueillir le Programme mondial cybersécurité.


Le Centre d'alerte mondial IMPACT est conçu pour être le principal centre d'alerte aux cybermenaces dans le monde, sa tâche étant de fournir à la communauté internationale un système intégré d'alerte rapide en temps réel qui aidera les pays membres à repérer les menaces dans les meilleurs délais. Ce centre mettra aussi à disposition des moyens électroniques qui permettront aux experts des différents pays de regrouper leurs ressources et de collaborer à distance pour réagir immédiatement aux situations de crise.


Etant donné que les enfants sont de plus en plus la cible de criminels en ligne qui cherchent à exploiter leurs affinités naturelles pour les technologies et leur vulnérabilité, l'UIT vient de lancer une initiative mondiale de protection de l'enfance en ligne. A l'UIT, nous sommes en effet convaincus que tous les enfants du monde ont droit à un environnement sûr, même quand il s'agit d'un environnement virtuel. En effet, si la connexion est virtuelle, le danger, lui, est bien réel.


Mesdames et Messieurs,


Le Forum ICT 4 All est principalement axé cette année sur le large bande, thème particulièrement bien choisi puisque notre prochain grand défi est de trouver comment faciliter l'accès à des connexions en ligne rapides, à des prix abordables.


Nombreux sont ceux qui persistent à considérer le large bande comme un "luxe". Ils le voient comme une Ferrari, alors qu'une Peugeot ferait l'affaire.


Ce mode de pensée n'est pas seulement erroné, il est aussi dangereux.


Dans les pays industrialisés, ce qui était considéré comme un service rapide il y a à peine deux ou trois ans est aujourd'hui devenu une connexion tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Les leaders du large bande comme la République de Corée et le Japon continuent à toujours repousser les limites de la technique et dans ces pays, une connexion personnelle à 100 mégabits ne relève plus de l'exception.


Cette situation a de profondes incidences pour les pays en développement. En effet, à mesure que les connexions deviennent plus rapides, le contenu en ligne évolue pour tirer parti de cette nouvelle puissance et de cette nouvelle capacité. Il n'est plus possible de télécharger correctement des sites web via des connexions téléphoniques. Les informations deviennent alors inaccessibles. On assiste à l'apparition d'une nouvelle fracture numérique béante, juste au moment où nous pensions être en train de combler le fossé existant.


Au cours de nos débats et de nos travaux visant à promouvoir le développement des TIC, il nous faut imaginer des stratégies dynamiques pour parer à cette nouvelle menace.


Les technologies nouvelles y contribueront, en particulier dans le domaine de la téléphonie mobile où les options à haut débit et à faible coût telles que le WiMAX peuvent permettre de remédier à l'absence d'infrastructures filaires pour fournir des connexions large bande hertziennes à des prix abordables.


Les nouvelles approches réglementaires "éclairées" encourageant l'investissement et la concurrence ont également un rôle important à jouer.


Mesdames et Messieurs,


Nous pouvons tous être fiers de ce que nous avons accompli depuis le Sommet de Tunis en 2005. Mais plutôt que de nous reposer sur nos lauriers, nous devons tirer parti de l'extraordinaire énergie et de l'esprit de coopération qu'a fait naître le SMSI pour relever ce nouveau défi. Nous avons prouvé que nous pouvions le faire. Retroussons nos manches et mettons-nous à l'ouvrage.


Je vous remercie.