Elaborer
les thèmes
A l'issue de trois jours de réunions
consacrées à des déclarations générales, au Règlement intérieur et à des
exposés sur des initiatives en faveur du développement des technologies de
l'information et de la communication (TIC) dans le monde, les participants se
sont intéressés, le jeudi, au contenu et aux thèmes du Sommet. Compte tenu du
rôle primordial joué par les TIC dans presque tous les secteurs de l'économie
mondiale, la première réunion du Comité préparatoire du Sommet mondial sur
la société de l'information (SMSI) doit maintenant s'atteler à une lourde tâche:
définir le contenu et les thèmes qui porteront sur les différentes
composantes de la société de l'information.
Les délégués, qui avaient à
peine quatre heures et demie pour rédiger un rapport sur ce sujet, ont été
pressés par le temps. Toutefois, le cadre de travail étant déjà établi, les
débats ont pu progresser. Dans sa Résolution 56/183, l'Assemblée générale
des Nations Unies a défini trois grands thèmes (la vision, l'accès et
les applications) dont la communauté internationale a privilégié l'étude au
quatrième jour de cette réunion.
Si les délégations ont, dans
leur ensemble accepté les thèmes proposés pour le SMSI, elles ont presque
toutes suggéré de les perfectionner et d'améliorer la structure du Sommet.
Qu'ils aient proposé de nouveaux thèmes, ou qu'ils aient élargi et reformulé
les plus intéressants, les Etats Membres ont insisté sur la nécessité
de réfléchir à l'utilisation des TIC aux fins du développement économique
et social, en se gardant de considérations politiques liées à la
modernisation. Des thèmes clés ont émergé de l'ensemble des nouvelles
propositions présentées tout au long de la journée.
Elargir la portée des thèmes
A l'ouverture des débats, le délégué
du Soudan a indiqué qu'il importait surtout de mieux définir certaines notions
clés exposées dans la liste des thèmes proposés, établie par le Secrétariat
exécutif. L'opinion exprimée par le représentant de cette délégation a donné
le ton de la séance de la matinée. Comme l'ont clairement montré
l'intervention du représentant de la Lettonie, qui souhaitait voir la notion
d'"administration en ligne" plus clairement définie, ou celle du représentant
du Costa Rica, qui demandait que du temps et des ressources supplémentaires
soient consacrés à améliorer la qualité de l'information véhiculée par les
TIC, ou encore celle du représentant de la Colombie, demandant que l'on décrive
plus en détail les obstacles au développement des TIC dans les pays les moins
avancés, il reste encore beaucoup à faire.
Certains Etats Membres ont même
suggéré une restructuration totale des thèmes proposés. La Chine a par
exemple proposé six grands thèmes qui permettraient ainsi de mieux cibler les
objectifs du SMSI. En particulier, elle souhaiterait qu'il soit tenu compte des
questions liées à la sécurité des TIC et que le rôle des entreprises
internationales dans le développement axé sur les TIC soit plus clairement défini.
La représentante du Pakistan, Mme Zahra Mumtaz Baloch, a bien résumé
les débats, comme suit: "Nous pensons que les documents établis par le
Secrétariat exécutif traitent de questions de fond, mais que celles-ci méritent
un examen plus attentif de la part des pays en développement et en
collaboration avec eux".
L'Inde a également préconisé
un élargissement des thèmes du SMSI, qui, dans leur forme actuelle, ne
traduisent pas nécessairement les objectifs que le Sommet s'efforce d'atteindre.
Ainsi, le délégué de ce pays a proposé de remplacer les thèmes "Lever
les barrières: vers un accès universel et équitable à la société de
l'information" et "Besoins des utilisateurs" par les thèmes
suivants, plus représentatifs de la tâche à accomplir: "Les TIC et l'élimination
de la pauvreté et le développement ou les TIC et la gouvernance". Pour le
représentant du Brésil, qui a abondé dans ce sens, les thèmes tels qu'ils étaient
présentés ne rendaient pas bien compte du principe même d'une approche fondée
sur le développement. Il a ajouté que le manque de contenu relatif aux
questions socio‑culturelles allait à l'encontre des objectifs du Sommet.
Préserver la diversité
culturelle
Parmi les nombreuses questions
soulevées au cours de la séance de la matinée, la protection du patrimoine
culturel dans les pays en développement a été l'un des principaux thèmes sur
lequel nombre d'Etats Membres ont insisté. La généralisation des TIC et l'accès
au vivier mondial d'informations qui en découle, conjugués aux forces de la
mondialisation, représentent une menace pour la préservation de la culture de
ces pays et nombre d'Etats Membres partagent cette préoccupation. Le représentant
de l'Australie, pour qui "les sociétés fondées sur la connaissance s'épanouissent
lorsqu'elles peuvent accéder librement au contenu et à l'information numérique"
a souligné la nécessité d'élaborer un contenu local afin de protéger
le patrimoine culturel des pays en développement. Le représentant de l'Iran a,
lui aussi, parlé de la nécessité de numériser le contenu local pour assurer
la transmission aux générations futures des spécificités culturelles des pays
en développement.
La délégation du Brésil, dont
l'intervention a été l'une des plus intéressantes de la matinée, a, elle
aussi, souligné la nécessité de se prémunir contre l'impérialisme culturel
à mesure qu'évoluera la société mondiale de l'information. Notant que les thèmes
proposés ne traitaient pas directement des incidences culturelles des
initiatives prises en faveur du développement des TIC, le représentant de la
Tunisie a déclaré: "Les TIC sont des instruments et des outils
extraordinaires, mais il faut trouver le juste milieu" entre la préservation
de la culture et la modernisation. Le représentant de la Tanzanie a noté que
les participants devaient réfléchir aux moyens d'utiliser les TIC pour
faciliter le dialogue multiculturel entre toutes les parties prenantes. En outre,
le représentant de l'Inde a également invité ses collègues à intégrer un
contenu visant à assurer la protection du patrimoine culturel des pays en développement.
Il a rappelé qu'il fallait placer les êtres humains au coeur des préoccupations
et respecter les cultures et leur environnement.
Mettre l'accent sur le développement
Si la plupart des Etats Membres
ont salué les efforts déployés par le Secrétariat exécutif en vue de
fournir aux délégations un document de travail de qualité pour leur permettre
de développer les thèmes retenus, certains pays ont craint que ce document ne
soit pas suffisamment axé sur le développement. Le représentant du Brésil,
qui a invité les participants à aller de l'avant dans l'examen des questions
de fond, a déclaré ce qui suit: "Nous ne voudrions pas d'un Sommet qui
serait consacré aux aspects techniques, ou qui traiterait des TIC sous l'angle
normatif, pour nous, la question est de savoir comment mettre ces technologies
au service du développement". Il a mis en garde les participants contre le
verbiage politique et les a pressés de continuer à chercher comment utiliser
les TIC pour réduire la fracture numérique.
Les représentants de la République
sudafricaine et du Groupe des 77 + Chine ont souscrit à la déclaration du délégué
du Brésil et ont souligné qu'il fallait continuer à axer les efforts sur les
objectifs de développement plutôt que d'essayer de définir les nombreux
concepts à connotation politique, liés à la fracture numérique (par exemple,
la bonne gouvernance). "Nous pensons que le Sommet devrait être fortement
axé sur le développement", a déclaré le représentant de la République
sudafricaine. Mme Baloch, s'exprimant au nom du Pakistan, a également rappelé
que le SMSI devait se tenir à l'écart des questions politiques et a exhorté
le Comité à rester objectif et à se concentrer sur l'édification d'une
société mondiale de l'information.
Les TIC: un moyen plutôt
qu'une fin
Nombre d'Etats Membres, à
commencer par l'Australie, se sont ralliés à l'idée que les TIC devraient être
considérées non pas comme une fin en soi, mais comme un moyen. Le représentant
de l'Australie a indiqué qu'il fallait trouver un juste milieu entre l'amélioration
des infrastructures et le développement des compétences, tout en
soulignant que le transfert de compétences et de connaissances jouait un rôle
essentiel dans la réduction de la fracture numérique. "Les TIC, considérées
comme un moyen, devraient figurer dans la liste des thèmes révisés", a déclaré
le représentant de l'Egypte, s'associant à l'avis de son homologue australien.
Les représentants de la Suisse et du Pérou ont également estimé qu'il
fallait considérer les TIC comme un instrument au service du développement économique
et social et non pas comme une fin. Pendant la séance de l'après‑midi,
le cabinet international de consultants Accenture a également déclaré que les
TIC étaient un moyen pour parvenir au développement, et non une fin en soi.
Renforcer les capacités
humaines
Si le cyberenseignement et le
cyberapprentissage figurent déjà parmi les objectifs du SMSI, nombre d'Etats
Membres ont insisté sur la nécessité de prêter une plus grande attention au
renforcement des capacités humaines dans l'ensemble des pays en développement.
Comme l'ont indiqué les représentants du Danemark, de la Chine et de l'Egypte,
la majorité des Etats Membres convient, à l'évidence, qu'il est important de
tirer parti des ressources humaines existantes dans les sociétés marginalisées
pour créer une société mondiale de l'information. En établissant des points
d'accès publics dans les communautés rurales et en transférant les nouvelles
technologies et compétences vers les pays en développement, on pourrait
utiliser les TIC au service du développement du renforcement des capacités
locales.
"Nous devons mettre
l'accent sur les moyens technologiques et sur les ressources humaines qui en
permettent l'utilisation", a déclaré le représentant du Chili. Cette
observation fait ressortir la nécessité de trouver un juste milieu, déjà
soulignée par le délégué de l'Australie. Le représentant du Chili a en
outre précisé que la faculté des pays à exploiter leurs ressources humaines
dépendait en grande partie de leur volonté de réforme institutionnelle et
sociale, axée en particulier sur la démocratie et la liberté dans la société
de l'information. Le délégué de la Chambre de commerce internationale a étayé
les déclarations du représentant du Chili, selon lesquelles la mise en service
des TIC devait être précédée d'une réforme institutionnelle et sociale, et
a noté que les obstacles bureaucratiques entravent l'expansion économique dans
beaucoup de pays en développement. Comme l'ont indiqué les Etats-Unis, dans
les pays en développement, il faut commencer par renforcer les capacités des
jeunes. "Nous unissons tous nos efforts pour mettre les TIC à la portée
de tous, et en particulier des jeunes de nos pays", a déclaré le représentant
des Etats‑Unis.
Un effort de solidarité
Le
délégué du Bénin, touchant au cœur du problème de la fracture numérique,
a cité l'exemple de Kenyans qui venaient tout juste d'entendre parler des
attaques terroristes du 11 septembre 2001. Immédiatement après la déclaration
du Bénin, le représentant de l'Allemagne a dit que l'accès était un élément
fondamental de la société de l'information. "On mesurera le succès ou l'échec
du Sommet à l'aune de ses résultats tangibles, qui seront tributaires des
mesures que prendront tous les partenaires", a déclaré le représentant
du Danemark, au nom de l'Union européenne, soutenue à cet égard par la Russie
au cours de la séance de l'après-midi. C'est le délégué du Niger qui a le
mieux résumé les débats de la journée, en déclarant que "le SMSI était
l'occasion de faire preuve de solidarité internationale".
|