Réduire la fracture numérique
Au cours de la séance de déclarations générales de la deuxième journée
de la réunion de préparation du Sommet mondial sur la société de
l'information (SMSI), les Etats Membres participants se sont accordés à
reconnaître la nécessité de collaborer afin de réduire le fossé qui sépare
les pays industrialisés des pays non industrialisés. M. Toufig Ali,
Ambassadeur et représentant permanent du Bangladesh, a fait remarquer que
le SMSI "sera un événement d'une importance sans précédent" pour
l'évolution de la société mondiale de l'information; il a également déclaré:
"Il est aujourd'hui pratiquement impossible d'être compétitif sur les
marchés mondiaux sans une infrastructure de télécommunication appropriée ou
sans moyen de commerce électronique", soulignant ainsi la nécessité
de connecter les "quartiers" du village planétaire qui ne le sont pas
encore.
Dans leurs interventions, les participants ont pour ainsi dire tous prôné
l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC)
pour réduire la fracture numérique; de plus, la plupart des Etats Membres
ont été d'avis que la création d'une société mondiale de l'information
viable dépend de la capacité de la communauté internationale à amener les
gouvernements nationaux, le secteur privé, les ONG et la société civile dans
le monde entier à conclure des partenariats durables et mutuellement
satisfaisants.
Les membres du Comité de préparation sont certes convaincus que les TIC
offrent une grande perspective pour les pays en développement, mais ils n'en
sont pas moins conscients que de nombreuses réformes institutionnelles et
structurelles doivent précéder la mise au point et la diffusion des TIC dans
ces pays. De nombreux participants ont souligné en particulier la nécessité
pour les gouvernements des pays les moins avancés et des économies en
transition de créer un environnement propice à la construction des
infrastructures nécessaires aux TIC et à l'adoption de la notion
d'utilisateur final. M. Jens Koch, représentant de la Norvège, a observé que
les pays en développement auront besoin d'adopter des mesures de bonne
gouvernance et démocratiques et de lutter contre la corruption pour
favoriser l'essor de l'information. M. Vinod Vaish, de la délégation
indienne, a souligné l'importance que revêtiront la création d'un organe
de réglementation des télécommunications indépendant et l'établissement
d'un cadre favorable à la modernisation.
Une
volonté de collaboration
Le SMSI est conçu pour être un sommet transparent, participatif et ouvert,
consacré à la réduction de la fracture numérique qui empêche de nombreux
pays de prendre part à la société mondiale qui est en constante évolution.
En favorisant la participation des parties prenantes de tous les secteurs de la
société aux séances de préparation, le processus d'organisation qui a été
placé sous la conduite de l'UIT vise à garantir que tous les points de
vue et toutes les idées seront représentés. Mme Shope-Mafole Lyndall, de
la République sudafricaine, a fait observer que la participation
d'organisations non gouvernementales et du secteur privé "enrichira notre
processus et que tous les secteurs de la société ont la responsabilité
de construire un monde meilleur"; cette remarque fait écho à l'engagement
pris en faveur d'une collaboration accrue en vue de la construction du cadre de
la société mondiale de l'information et de la réduction du fossé qui sépare
les nantis des démunis de l'information.
Quelles sont les causes de la
fracture numérique?
Bien que les Etats Membres, les organisations du système des Nations Unies,
le secteur privé et la société civile aient des opinions divergentes en
ce qui concerne les causes qui sous-tendent la fracture numérique à l'échelle
mondiale, la plupart des parties sont d'accord pour affirmer que le sous-développement
des capacités humaines dans le monde, combiné à des transferts d'informations
et de technologies insuffisants, est au coeur du problème. Dans sa déclaration
écrite, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)
a fourni un point de vue très concis qui exprimait bien les sentiments de la
plupart des membres du Comité de préparation du SMSI: "La fracture rurale
ne concerne pas seulement l'infrastructure et la connectivité, mais constitue
plutôt un problème aux multiples aspects: mauvais échange de connaissances,
gestion inefficace du contenu et manque de ressources humaines et de capacité
institutionnelle".
C'est l'infrastructure
Partageant l'avis de la FAO, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a également
fait remarquer que le manque d'infrastructures dans les pays en développement
est lié au manque extrême de ressources financières. Toutefois, la Banque
mondiale et de nombreux Etats Membres parmi les pays développés se sont
engagés à continuer de fournir une assistance financière afin de permettre
aux pays économiquement défavorisés d'acquérir le matériel et les
connaissances nécessaires. "La connectivité devrait être abordable
et accessible à tous", a déclaré le représentant de l'Iran, M. Mohammad
Rez Alborzi. Le représentant du Nigeria s'est dit de cet avis, soulignant que
le SMSI constitue l'occasion idéale de mettre les TIC au service du développement
social et économique. M. Vaish, de l'Inde, a également déclaré: "Les infrastructures
de télécommunication doivent être tenues pour l'élément central et une
condition essentielle au déclenchement d'une révolution des techniques de
l'information dans toute société".
Non, c'est le contenu
Notant que "contenu et technologie sont indissociables", l'OMS a
le mieux cerné l'un des éléments clés de la fracture numérique: de nombreux
pays en développement manquent non seulement d'infrastructures, mais également
et surtout des contenus locaux nécessaires pour les amener à utiliser les TIC.
S'exprimant au nom de l'Iran, M. Mohammad Rez Alborzi a déclaré: "Le
développement du contenu local, autre élément majeur pour l'utilisation des
TIC, est essentiel non seulement pour garantir un accès plus large, mais
également pour assurer la reconnaissance des diverses identités culturelles et
linguistiques". La représentante de la Libye, Mme Al-Hajjaji Najat, a de
son côté souligné l'importance de préserver la diversité culturelle dans le
nouvel ordre mondial. Si l'idéal est d'aider les pays en développement à
devenir des producteurs de connaissances à part entière, la réalité,
comme l'a fait remarquer la délégation du Zimbabwe, est que "les
architectes des TIC se trouvent dans les pays développés".
Les
idéologies sociales et culturelles en sont la cause
Alors que certains Etats Membres ont évoqué l'importance des questions de
genre, c'est la conseillère spéciale auprès du Secrétaire général de l'ONU
pour la parité entre les sexes qui a souligné l'importance d'incorporer
les besoins et les aspirations des femmes au cadre de planification. S'exprimant
au nom de Mme Angela King, dans l'incapacité de participer en personne, Mme
Hanne Laugesen a fait valoir que le clivage hommes-femmes est un problème qui nécessite
d'être abordé avec fermeté dans l'ensemble des pays en développement.
L'UNIFEM a renforcé le point de vue de Mme King en faveur de l'inclusion
des problèmes des femmes dans les plans de mise au point et de déploiement
des TIC, sa représentante a ainsi déterminé trois domaines particuliers qui
doivent être traités par le SMSI:
-
Participation et analyse des femmes lors de la conception de politiques
et de programmes en matière de TIC.
-
Investir dans des techniques novatrices de renforcement des capacités
afin de garantir que les femmes puissent participer activement à la révolution
mondiale de la connaissance.
-
Garantir la responsabilité sociale et la justice entre les hommes et les
femmes.
Bien que le rôle que jouent les femmes dans le développement soit connu
depuis des décennies, le moment est venu de garantir que les questions de
genre soient intégrées au déploiement des TIC dans tous les pays en développement.
Le représentant de la Tanzanie a souligné à juste titre que les TIC sont
un moyen de nouer un dialogue interculturel, clé de voûte de la paix et du développement
social dans le monde. Il a ensuite fait remarquer que les TIC doivent être
"nationales" afin de transformer les pays les moins avancés en
producteurs de connaissances. Le dialogue qui a marqué la réunion du PrepCom-1
a montré qu'il existe un réel désir de créer des initiatives de développement
des TIC adaptées à chaque contexte qui répondent au caractère unique de
chaque pays ciblé.
Point de vue de l'ONU et des
institutions affiliées
Revenant à la question de l'infrastructure soulevée au cours de la séance
du matin, la délégation du Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD) a fait observer que la réduction de la fracture numérique dépend
en grande partie de la résorption du déficit en matière de capacités
humaines et d'infrastructures qui existe dans la plupart des pays en développement.
Philippe Queau, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science et la culture (UNESCO), a déclaré que l'élaboration de principes
universels visant à protéger les cultures, la promotion d'un accès équitable
au réservoir mondial de l'information et le partage d'expressions/identités
culturelles singulières sont essentielles à l'intégration des sociétés
marginalisées. En ce qui concerne l'utilisation des TIC pour améliorer la santé
des populations défavorisées, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a
souligné combien il est primordial de valoriser les capacités des agents de
santé indigènes. L'Organisation météorologique mondiale (OMM) a indiqué
quant à elle comment les TIC peuvent servir à aider les pays en développement
à prévenir les catastrophes naturelles, économiquement et socialement dévastatrices,
dont ils sont régulièrement victimes.
Résumé
"La société de l'information est au coeur des questions politiques,
sociales, culturelles et économiques auxquelles nous devons faire face en ce début
de XXIème siècle. Par conséquent, le Sommet devrait être axé non
seulement sur la technologie, mais également sur l'être humain", a déclaré
M. Prasad Kariyawasam, Ambassadeur de Sri Lanka. De nombreux participants aux réunions
du Comité de préparation du SMSI semblent être d'accord sur le fait que les
TIC ne sont pas une panacée pour résoudre le problème de la marginalisation
des sociétés en développement. Bien qu'il existe certaines pratiques
exemplaires qui peuvent être utilisées dans la plupart des situations,
les Etats Membres se sont accordés à dire que les grandes théories et les modèles
simplistes ne s'appliquent pas aux contextes culturels et sociaux qui sont
propres aux pays en développement.
Illustrant ce point de vue, M. El Khateeb Abdeldafi, du Soudan, a fait
observer que les plans en matière de TIC doivent être conçus sur la base des
besoins spécifiques de chaque pays. Toutefois, M. Vaish, de l'Inde, a ajouté
avec justesse que "ce n'est pas facile d'accélérer la croissance du réseau
de télécommunication [pilier du déploiement des TIC] dans quelque pays en développement
que ce soit". Qu'il s'agisse des dettes, de la pauvreté, du manque
d'infrastructures, du contenu ou des capacités humaines non exploitées, la
deuxième journée des réunions du Comité de préparation du SMSI a clairement
démontré que la communauté internationale est résolue à éliminer la
fracture numérique qui empêche tant de pays de prendre part à la société de
l'information qui ne cesse d'évoluer.
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