Mme Vaira Vike Freiberga, Présidente de la Lettonie, a présidé ce matin la
deuxième table-ronde thématique du Sommet mondial de la société de
l’information, et librement articulée autour de trois thèmes essentiels : la
diversité culturelle et linguistique ; la liberté d’expression et le problème de
la propriété des médias ; et la question de la définition d’une éthique propre à
l’Internet.
Les intervenants sont enfin convenus qu’en matière de liberté d’expression,
les gouvernements ont un rôle à jouer pour éliminer les obstacles à cette
liberté et lever les entraves posées aux médias et à l’Internet en particulier.
Dans ce contexte, la « liberté » appelle la notion de « responsabilité », la
première étant fixée par des gouvernements qui doivent disposer de la légitimité
politique pour fixer des normes ; la seconde ressortit du comportement
professionnel des journalistes et autres personnes engagées dans la production
de contenu. Là encore, un grand effort de formation sera nécessaire, ont affirmé
certains intervenants.
La sauvegarde proprement dite de l’héritage culturel passe notamment par la
numérisation des produits culturels et leur mise à la disposition de tous, qui
est essentiellement un problème technique. Le représentant de l’Égypte a décrit
un programme de « Cyberculture », mené dans son pays. La première étape consiste
à regrouper les experts et à leur donner les moyens de travailler, puis de
diffuser les connaissances recueillies. La difficulté réside à son avis dans le
prix de ces manipulations, et dans la quantité colossale d’informations qui
devrait être numérisée. L’UNESCO a lancé un programme d’action ad hoc mais des
contributions privées supplémentaires seront indispensables. Le coût de la
technologie, en constante diminution, n’est pas le problème principal, le
représentant de la Nouvelle Zélande ayant estimé à une vingtaine de millions de
dollars la somme nécessaire pour munir d’un accès large bande les quatre
millions d’habitants que compte son pays. Les problèmes à résoudre concernent
surtout le coût et les conditions de production de contenu.
La protection des langues et des patrimoines nationaux est garante d’une
certaine pluralité culturelle, ont estimé généralement les intervenants. Pour sa
part, Mme Alessandra Paradisi, du Conseil de l’Europe, voit une confrontation
entre deux visions de la société de l’information : l’une, strictement
économique et technique, dans laquelle la diversité culturelle est perçue comme
un obstacle à la rapidité de transmission de l’information ; l’autre, à
orientation plus sociale, prend en compte la notion de partage de visions et de
cultures. Les deux visions doivent être harmonisées pour que tout le monde en
tire véritablement parti, a-t-elle fait remarquer.
De nombreuses difficultés, certaines purement techniques, ont été relevées
dans la promotion des langues locales et de la diversité culturelle selon les
intervenants, ses moteurs de recherche doivent prendre en compte l’existence de
contenu publié dans les « petites » langues; il faut localiser davantage les
systèmes d’exploitation, afin de rendre les ordinateurs accessibles à toutes les
populations. D’autres intervenants ont évoqué le problème des langues qui ne
sont pas translittérées de manière normalisée, ce qui rend difficile leur
diffusion en-ligne. À ces questions se rattache le risque d’uniformisation dû à
la prépondérance du contenu en anglais sur l’Internet, qui, dans les cas
extrêmes, risque de compromettre l’extrême richesse des systèmes linguistiques
de nombreux pays. Il faut donc favoriser la traduction systématique des contenus
en langues minoritaires vers les langues majoritaires et encourager les moteurs
de traduction automatique, a-t-on recommandé au cours du débat.
Une majorité d’intervenants s’est déclarée inquiète du problème de la
concentration des médias dans les mains de huit entreprises de communication,
dont aucune, a-t-il été relevé, n’est représentée au Sommet. S’il est clair que
les lois antimonopolistes doivent être appliquées afin de contrecarrer les abus
dans ce domaine, il n’en reste pas moins qu’un effort principal pour assurer une
diversification des contenus doit passer par l’encouragement de la création des
individus, qui doivent tirer parti des TIC pour passer d’un rôle de simples
consommateurs à un rôle de producteurs.
D’une manière plus générale, il convient de favoriser la création de contenu
par les individus, sans compter nécessairement sur de lourdes machines
étatiques. Il s’agit là d’un problème d’éducation, le consommateur devant
apprendre à devenir producteur de contenu, voire simplement à apprendre les
langues étrangères. D’autres incertitudes demeurent quant au contexte juridique
qui régit la production de contenu, certains intervenants estimant que la
protection des droits intellectuels va trop loin, au point de décourager la
production personnelle. On aborde ici la notion de domaine public, qui prend une
ampleur particulière et que l’UNESCO s’emploie à favoriser grâce notamment à la
numérisation du patrimoine des cultures.
Présidée par Mme Vaira Vike Freiberga, Présidente de la Lettonie, la table
ronde était animée par Nick Gowing, Présentateur de BBC World News. Ont
participé : M. Apollo Nsibambi, Premier ministre de l’Ouganda; M. Awais Ahmed
Khan Leghari, Ministre de l’information et des technologies du Pakistan ; M.
Daniel Filmus, Ministre de l’éducation, des sciences et des technologies de
l’Argentine ; M. David Cunliffe, Ministre d’État, Vice-ministre des
Communications et des technologies de l’information de la Nouvelle Zélande ; M.
Ahmed El Nazif, Ministre des communications et des technologies de l’information
de l’Égypte ; M. Amar Tou, Ministre des postes et de la société de l’information
de l’Algérie; M. Romain Murenzi, Ministre de l’éducation, des sciences, des
technologies et de la recherche scientifique du Rwanda ; M. V. Bulovas, Ministre
de l’intérieur de la Lituanie; M. Kamal Thapa, Ministre de l’information et des
communications du Népal ; M. Alvaro Diaz Perez, Ministre, coordinateur
gouvernemental des technologies de l’information et des communications du
Chili ; M. Nabil Benabdallah, Ministre des communications du Maroc; M. Deelchand
Jeeha, Ministre des technologies de l’information et des télécommunications de
Maurice; M. Kimio Uno, professeur à l’Université des Nations Unies; Mme
Alessandra Paradisi, Présidente du Comité directeur des médias au Conseil de
l’Europe ; M. Noah Samara, Président-Directeur général de WorldSpace Corp.,
États-Unis; M. Eladio Lárez, Président, International Association of
Broadcasting ; M. Lawrence Lessig, Président de Creative Commons ; M.
Daniel Pimienta, Président, Fundación Redes y Desarrollo, (FUNREDES),
République dominicaine ; M. Steve Buckley , World Association of Community
Radio Broadcasters (AMARC), Royaume Uni ; Mme Saida Agrebi, Présidente,
Association tunisienne de mères, Tunisie ; M. Aidan White, Secrétaire général,
International Federation of Journalists, Royaume Uni. |