TELEVISION NUMERIQUE |
Une norme très importante de l’UIT fête son 25e anniversaire
La Recommandation 601, moteur de la télévision numérique dans le monde
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Contribution
de David Wood.M. Wood est responsable du Département
«Nouvelles technologies» à l’Union européenne de radio-télévision
(Genève) et ex-président du GTI 11/4 du CCIR, Groupe de travail 11A de
l’UIT–R
UIT |
De nos jours, des centaines de millions de postes de télévision numérique
dans le monde fonctionnent grâce à une Recommandation de l’UIT qui fête son 25e
anniversaire cette année. La télévision analogique cessera d’exister au niveau
mondial au cours des dix prochaines années et, en fin de compte, les images que
regarderont les 4 à 5 milliards de téléspectateurs reposent sur la technologie
préconisée dans cette Recommandation. La Recommandation 601 a servi de trait
d’union entre le monde analogique et le monde numérique et a été à la fois le
document technique le plus souvent cité et utilisé de l’histoire de la
télévision.
Le Secteur des radiocommunications de l’UIT (UIT–R), tout comme son
prédecesseur, le Comité consultatif des radiocommunications (connu sous son
sigle français, CCIR), a pour mission de faciliter le développement de la
télévision numérique. A l’automne 1981, la Commission d’études 11 du CCIR a
approuvé un document décrivant les valeurs des paramètres applicables à un
format vidéonumérique. En février 1982, l’Assemblée plénière du CCIR a approuvé
ce document, le projet de Recommandation AA/11 intitulé «Paramètres de codage de
télévision numérique pour studios». Ce projet est devenu par la suite la
Recommandation UIT–R BT.601. J’ai eu, quant à moi, le privilège de présider le
groupe de rédaction qui a élaboré ladite Recommandation il y a 25 ans et j’ai
pris part aux négociations internationales qui ont conduit à son adoption par le
CCIR.
La Recommandation 601 (comme elle est souvent appelée), qui en est maintenant
à sa sixième version (UIT–R BT. 601-6) s’intitule «Paramètres de codage en
studio de la télévision numérique pour des formats standard d’image 4:3
(normalisé) et 16:9 (écran panoramique). Cette Recommandation sert de base non
seulement pour la vidéo de qualité normale mais aussi pour des formats de plus
haute qualité de 720p, 1080i et 1080p, à telle enseigne que son application
continuera de s’étendre dans l’avenir.
Les débuts de la télévision numérique
Miranda Technologies |
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Les premières expériences menées dans le domaine de la technologie numérique
appliquée à la télévision pendant les années 70 visaient à utiliser le signal
analogique composite existant, de type PAL, SECAM ou NTSC, pour en établir des
versions numériques. Cette technique était connue sous l’appellation de «codage
composite numérique».
Un autre paramètre technique important a été le choix de la «fréquence
d’échantillonnage» ou fréquence à laquelle le signal analogique est examiné et
converti en chiffres numériques. Toutefois, il était impossible de trouver une
seule et même fréquence d’échantillonnage susceptible de convenir à la fois aux
signaux PAL, SECAM et NTSC en raison du mode d’élaboration de ces systèmes.
L’application de la technique du codage composite numérique aurait entraîné
l’utilisation de systèmes de production de télévision numérique différents dans
les différentes régions du monde et, en fin de compte, l’application de normes
de radiodiffusion numérique différentes.
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Miranda Technologies |
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Philips |
Une première étape décisive a été franchie en Europe en 1979 avec l’accord
visant à utiliser un seul système numérique, le «codage numérique des
composantes» pour le PAL et le SECAM. Cet accord a été le fruit de discussions
entre les fabricants d’équipements pour studio et les radiodiffuseurs avec, à la
clé, un accord conclu pendant une réunion organisée dans le cadre du Symposium
international de télévision de Montreux (Suisse). Dans la technique du codage
numérique des composantes, les différentes composantes de l’image de télévision,
les signaux de «luminance» et de «différence de couleur» sont traités séparément
et non ensemble comme c’est le cas dans le «codage composite numérique». L’un
des plus grands défenseurs du codage numérique des composantes était Chris
Clarke de la British Broadcasting Corporation.
Dans un premier temps, les communautés PAL et SECAM proposaient un seul
système à codage numérique des composantes avec une fréquence d’échantillonnage
de 12 MHz pour le signal de luminance (Y) et de 4 MHz pour chacun des deux
signaux de différence de couleur (U et V), mais les pays favorables au système
NTSC devaient encore se prononcer sur une norme de production numérique. L’un
des précurseurs, Joseph Flaherty de CBS, a fait preuve de clairvoyance en
reconnaissant les avantages qui résulteraient non seulement d’une alliance des
normes PAL et SECAM au sein d’un seul et même système mais aussi de l’adoption
du codage numérique des composantes par la communauté NTSC. Toutefois,
s’agissant de l’adoption d’un tel système, les Etats-Unis et le Canada
préféraient une fréquence d’échantillonnage plus élevée, de 14,3 MHz (Y) et de
7,15 MHz (U, V). Il est vite apparu évident que seul un compromis entre les deux
parties permettrait de déboucher sur un accord.
Le nombre magique
Un certain nombre de facteurs influaient sur le choix d’une fréquence
d’échantillonnage à l’échelle mondiale: la qualité de l’image devait être
suffisamment bonne («transparence de la qualité avec la source») et le signal
numérique devait pouvoir résister aux différents processus de postproduction de
la télévision («marge de qualité pour le post-traitement»). De plus, ce choix
devait convenir aux deux structures différentes adoptées dans le monde pour les
images de télévision: le système à 525 lignes avec 60 trames par seconde
(525/60) et le système à 625 lignes avec 50 trames par seconde (625/50). Le
critère de la transparence de la qualité semblait pouvoir être satisfait avec
une fréquence d’échantillonnage égale ou supérieure à 12 MHz, alors que la
réalisation du second objectif — à savoir, la marge de qualité pour le
post-traitement — nécessitait une fréquence d’échantillonnage égale ou
supérieure à 13 MHz. Pour les communautés PAL et SECAM, le nombre devait être
aussi proche que possible de 13 MHz.
Plusieurs personnes ont cherché à résoudre ce problème et nombreux sont ceux
qui ont suggéré la même idée: le nombre magique était 13,5 MHz. Le premier à
avoir proposé et défendu cette valeur était Stanley Baron de NBC. Parmi toutes
les fréquences d’échantillonnage possibles pour le signal de luminance, la
fréquence de 13,5 MHz possède une propriété unique en son genre: c’est un
multiple commun des fréquences de ligne des structures de balayage à 525/60 et
625/50. Autrement dit, la structure d’échantillonnage est «stationnaire» et
«orthogonale» dans les deux cas et il est possible de faire en sorte que les
deux systèmes comportent un autre élément commun: le même nombre d’échantillons
par ligne active. Par conséquent, la meilleure combinaison possible, tant sur le
plan de la commodité, de la qualité ou du post-traitement était donc: 13,5 MHz
(Y) et 6,75 MHz (U, V).
En réalité, il est très important de souligner que la fréquence
d’échantillonnage choisie ne favorisait pas un camp plutôt qu’un autre et cette
fréquence a d’ailleurs été adoptée successivement par les différentes unions de
radiotélévision. La dernière pièce de l’édifice a été mise en place en 1982 lors
d’une réunion de la Commission d’études 11 du CCIR lorsqu’un participant
japonais, Y. Tadokoro de la société NHK, a annoncé que son pays pouvait accepter
la fréquence de 13,5 MHz. Il a déclaré avoir travaillé d’arrache-pied avec son
équipe pour analyser en laboratoire des fréquences d’échantillonnage en un temps
incroyablement court afin de permettre au Japon de donner son accord.
Saisir l’occasion qui se présente
L’accord conclu par le CCIR marquait l’aboutissement d’efforts
considérables déployés par de nombreux participants. Des essais en laboratoire
sur les valeurs des paramètres ont été réalisés dans de nombreuses parties du
monde et de nombreux déplacements ont été effectués, par moi-même et par
d’autres, afin d’expliquer en profondeur les raisons pour lesquelles les valeurs
proposées constituaient le meilleur compromis. Le nombre de personnes ayant
contribué à ce succès est tellement grand qu’il serait impossible pour moi d’en
fournir une liste exhaustive. Au risque de les froisser si je ne mentionne que
quelques noms, je citerais néanmoins Richard Green, qui a dirigé l’équipe des
Etats-Unis, mais aussi le regretté Howard Jones et Jacques Sabatier, qui
représentaient l’Europe. De plus, je ne peux omettre de rendre hommage au
formidable Président de la Commission d’études 11 du CCIR, Mark Krivocheev, qui
a tant fait pour assurer le succès du projet. Enfin, il convient de féliciter
ceux qui travaillent en coulisses à l’UIT, à savoir le secrétariat. Conclure un
accord n’a pas été chose facile: il a fallu en effet s’appuyer sur une
préparation très rigoureuse et faire preuve d’une grande impartialité tout au
long du processus. |
Compte tenu de l’importance que revêt la
Recommandation 601, l’UIT s’est vu décerner, en 1983, un «Emmy» pour
l’élaboration d’une norme internationale commune sur la télévision
numérique.
Le prix «Technology and Engineering Emmy", qui a été accordé par
l’Académie nationale des arts et des sciences de la télévision, des
Etats-Unis, récompense des réalisations exceptionnelles dans ces
domaines. |
L’élaboration de la Recommandation 601 il y a vingt-cinq ans
s’est caractérisée par l’obtention d’un bon résultat, au moment opportun et
d’une manière adéquate. Grâce à un travail sans relâche et à une coopération de
tous les instants, nous avons pu saisir l’occasion qui se présentait et
contribuer à l’élaboration d’un système commun de télévision numérique à
l’échelle planétaire. |
Mark
Krivocheev, alors président de la Commission d’études 11 du CCIR
UIT |
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