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PARLER VRAI

Interview avec Hamadoun I. Touré (Mali)

Directeur du Bureau de développement des télécommunications de l’UIT

Q.1

Sur la scène internationale, le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) a mis l’UIT sous les feux de la rampe. Pour la première fois, le rôle prééminent de l’UIT dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) a été reconnu aussi bien au plus haut niveau politique qu’au niveau du simple citoyen; aujourd’hui, d’une manière générale, l’UIT est perçue comme bien plus qu’une organisation purement technique. Cette reconnaissance non seulement est porteuse d’un énorme potentiel pour l’UIT, mais encore suscite de grandes espérances quant à ce que cette institution peut faire — et doit faire — pour connecter le monde à l’horizon 2015, comme le demande le Plan d’action du SMSI.

Etant donné que, pour l’essentiel, les activités déployées à l’effet de réduire la fracture numérique s’inscrivent dans le mandat du Secteur du développement des télécommunications de l’UIT, comment pensez-vous concilier les attentes du monde entier et le rôle actuel du Secrétaire général, limité par la Constitution et la Convention à une gestion générale, sans pouvoir spécifique sur les politiques et les programmes des Secteurs?

Que feriez-vous, au cours des 100 premiers jours de votre mandat, pour tirer parti de la visibilité et du leadership que l’UIT a acquis avec le SMSI? Comment maintiendriez-vous la dynamique? Veuillez donner des exemples précis.

 
 

H.T.

Le SMSI a été organisé suite à une décision historique prise à Minneapolis, en 1998, par la Conférence de plénipotentiaires de l’UIT. Toutes les parties prenantes ont été appelées à joindre leurs efforts à ceux de l’UIT pour faire face aux grands problèmes de la fracture numérique. Et toutes les parties prenantes ont répondu à l’appel, contribuant ainsi au succès d’un Sommet qui s’est caractérisé par:
  • La synergie procédant des efforts et de la conception commune des membres de la communauté internationale.
  • La participation sans précédent des leaders des pays en développement à la formulation des programmes, aux débats, aux négociations.
  • La reconnaissance obtenue par la société civile, et sa précieuse contribution, émanant de l’intérieur et non pas de la rue comme cela arrive souvent dans les conférences des Nations Unies.
  • La contribution constructive des pays développés, qui sont prêts à réduire la fracture numérique.
  • La prise en compte du rôle de plus en plus important du secteur privé.

Il est indéniable que le Sommet a rendu l’UIT plus visible. Mais nous devons faire plus, et détruire le mythe selon lequel seuls ceux qui connaissent les arcanes de la technique peuvent participer au travail de l’Union, peuvent y contribuer. L’UIT n’est pas limitée dans ses horizons, car les technologies de l’information et de la communication touchent tous les domaines de la vie des hommes, qui en subissent l’influence, indépendamment de toute considération de statut social, de sexe, de domaine de spécialisation ou de lieu de résidence. Le potentiel est là, et nous devons fonder notre action sur le programme défini au Sommet, faire en sorte ainsi que les activités déployées par l’UIT soient autant d’étapes sur le chemin de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement fixés en 2000 par les dirigeants venus du monde entier.

Le rôle du Secrétaire général est bien défini dans la Constitution. La Constitution ne limite aucunement l’action du Secrétaire général. A vrai dire, la Constitution, sous sa forme actuelle, confère au Secrétaire général, à mon avis, des pouvoirs suffisants pour qu’il puisse s’acquitter de sa mission et apporter aux membres les dividendes numériques qu’ils attendent. Ce qu’il faut, c’est un leadership véritable, la capacité d’anticiper, une vision de l’avenir, reposant sur une gestion participative reconnaissant que les Directeurs des Secteurs font partie d’une équipe responsable des ressources de l’Union. Le Secrétaire général n’est pas seulement responsable du Secrétariat général: son rôle est plutôt celui d’un Président‑directeur général, qui doit pouvoir s’appuyer sur ses collègues placés à la tête des trois Secteurs, sans pour autant être amené à intervenir dans leurs activités courantes. Ce modus operandi n’est pas le propre de l’UIT: on le retrouve aussi bien dans le monde des entreprises que dans la fonction publique.

On dit souvent que les 100 premiers jours sont «le temps de la réflexion stratégique — le prélude à l’action», que le nouveau P.‑D.G. met à profit pour se familiariser avec son nouvel environnement. Cela fait de nombreuses années que je participe aux travaux de l’Union, comme délégué et comme Directeur du Secteur de développement. Je connais bien la maison, et j’ai participé activement aux entretiens qui ont mené à l’organisation du Sommet, puis au Sommet lui‑même, puis encore aux débats concernant la mise en pratique et le suivi des décisions du Sommet. L’action engagée avec le Sommet ne s’arrête pas du simple fait qu’il y a un nouveau Secrétaire général. Les parties prenantes connaissent déjà le rôle qui est le leur dans la mise en œuvre des diverses «grandes orientations». Le rôle de l’UIT elle‑même est bien défini, et il doit être maintenu. Pour toutes ces raisons, en qualité de Secrétaire général, j’aurai dès le premier jour trois priorités qui tout naturellement se répercuteront de façon positive sur la crédibilité de l’UIT:

  • je ferai en sorte de rétablir le moral et la motivation du personnel de l’UIT, pour une meilleure efficacité, une meilleure productivité;
  • je ferai en sorte de modifier la perception que l’on a de l’UIT, en développant la transparence et la responsabilité;
  • je ferai en sorte de jeter des ponts vers un avenir numérique, avec la participation active et positive de toutes les parties prenantes, conformément aux décisions du SMSI, avec ma conviction personnelle que le travail d'équipe est la clé du succès.
     

Q.2

Le rôle officiel du Secrétaire général est de gérer l’Union et d’être son représentant légal, l’essentiel du travail de fond étant effectué par les Secteurs. Il en résulte une situation dans laquelle le Secrétaire général est responsable devant les Membres de l’UIT, sans avoir l’autorité requise pour prendre ses décisions ou appliquer celles des Membres dans l’institution. Parallèlement, les Directeurs des trois Bureaux de l’Union sont investis d’une autorité de fait, qui découle de leurs charges, pour lesquelles ils ne sont pourtant pas responsables. Le Secrétaire général se trouve alors dans une position dans laquelle il ou elle ne peut exercer son autorité qu’en opposant son veto à telle ou telle proposition qui lui est soumise.

En qualité de Secrétaire général, comment dirigeriez-vous l’organisation pour le compte de ses Membres sans avoir l’autorité requise sur les Secteurs, compte tenu du fait que, si l’on fait abstraction de l’élément humain, cette contradiction entre la responsabilité et l’autorité a toujours compliqué les conditions de travail avec les autres fonctionnaires élus et, au bout du compte, leurs services?

  H.T.

Tout fonctionnaire élu est responsable devant les Membres. Mais pour être en dernier ressort responsable de l’organisation tout entière, le Secrétaire général n’est pas censé tout faire. Les fonctionnaires de l’Union sont des spécialistes des divers domaines qui concernent l’institution, notamment des questions juridiques. Au Secrétariat général comme dans les trois Secteurs, on attend d’eux qu’ils formulent à l’intention de leurs supérieurs comme de leurs collègues des avis sur ce qu’il faut faire et sur ce qu’il ne faut pas faire, selon leurs domaines de spécialité respectifs. Pensez‑vous que dans une institution aussi vaste que l’Organisation des Nations Unies, par exemple, le Secrétaire général pourrait souhaiter diriger personnellement tous les services au motif que lorsque quelque chose ne va pas, c’est lui finalement qui en est responsable? Mais pour revenir à notre propos, je dirai que nous sommes ramenés à la question fondamentale de la structure fédérative. Ce type de structure présente certes des inconvénients, mais aussi des avantages — et donnez‑moi donc un exemple de structure ne présentant aucun point faible! L’essentiel, en fait, est de disposer d’une stratégie appropriée, pour que la structure soit efficace. La structure fédérative actuelle est intéressante pour nos membres, car elle offre divers moyens et mécanismes de contrôle et de vérification. Mais, je l’ai déjà dit, il faut renforcer l’esprit d’équipe. Pour cette raison, en qualité de Secrétaire général, je m’attacherai à créer un «esprit de corps», à renforcer la confiance. Le Secrétaire général doit veiller à ce que les intérêts de l’Union soient préservés en toutes circonstances, et ce rôle n’est nullement incompatible avec les intérêts des trois Secteurs.

Depuis sa création, l’UIT s’est heurtée à différents types d’obstacles. Dans la situation actuelle, nous devons nous livrer à une analyse approfondie, afin de cerner clairement les sources des problèmes et d’être en mesure de nous colleter à ces problèmes dans un esprit de collaboration. La structure d’une organisation est souvent la cible la plus vulnérable lorsque les choses vont mal. Avec ou sans structure fédérative, il y aura d’ailleurs toujours des problèmes, comme dans presque toutes les autres organisations. Et j’estime que le Secrétaire général est déjà investi de pouvoirs bien suffisants pour s’acquitter des fonctions définies dans la Constitution. L’interdépendance des Secteurs et du Secrétariat général, et leur complémentarité, sont les clés du succès de l’UIT. Je suis convaincu que les Directeurs des trois Secteurs travailleront en étroite collaboration avec le Secrétaire général tout en reconnaissant son leadership.

     

Q.3

Depuis 1999, des gains d’efficacité de l’ordre de 25% ont été réalisés, alors que la demande de produits augmentait constamment, comme d’ailleurs les coûts. Par ailleurs, les Membres ne sont pas disposés à accroître le volume des ressources qu’ils mettent à disposition pour faire face aux sollicitations de plus en plus fortes auxquelles l’Union doit répondre, qu’il s’agisse d’assurer de nouvelles activités, d’accroître le nombre des produits ou d’accélérer les cycles de production.

La marge de manœuvre disponible pour améliorer encore l’efficacité économique étant réduite, comment envisagez vous de traiter le problème de l’insuffisance des ressources?

Concrètement, comment résoudriez-vous le problème que pose le déficit de 50 millions CHF que présente le prochain Plan financier pour la période 2008–2011?

  H.T.

Les ressources sont par nature finies. Dans cet environnement en perpétuelle mutation, la survie passe par une gestion saine. L’amélioration, la créativité, l’innovation sont des moteurs essentiels pour entretenir la dynamique. Les membres ont proposé un certain nombre d’améliorations concernant la gestion des ressources de l’Union. Il nous faut travailler dur, mais aussi travailler bien. Nous devons nous concentrer sur nos activités principales et externaliser par exemple les activités qui ne répondent pas à cette définition. Nous ne pouvons pas demander davantage de ressources aux Etats Membres sans montrer que nous sommes prêts à nous réinventer, sans prouver notre attachement à la transparence.

Considérons par exemple l’actuel déficit de 50 millions CHF qui apparaît dans le prochain plan financier, pour la période 2008–2011. Voilà bien un «appel à l’action»: les efforts devront immédiatement porter sur le rétablissement de la situation financière de l’Union. Une coordination effective produira des gains d’efficacité, tandis que la suppression des éléments faisant double emploi entraînera une réduction des coûts. En qualité de Secrétaire général, je ferai preuve du leadership requis pour équilibrer les comptes — mais je ne serai pas le seul et unique acteur. La confiance que j’entends instaurer à tous les niveaux dans notre institution, le sentiment d’appartenance qui se généralisera parmi le personnel et la participation que j’encouragerai auront pour effet de résoudre les problèmes que posent les éléments d’inefficacité, le mauvais moral du personnel et plus généralement le sentiment de malaise à l’UIT. J’ai toujours été partisan des accords de cofinancement avec les partenaires de l’UIT pour le développement. Voilà une autre source de financement des projets TIC. Les Etats Membres, tout comme les membres du secteur privé, connaissent ce type de problème au quotidien.

     

Q.4

Des études ont montré que les niveaux de productivité du personnel de l’UIT étaient supérieurs à la moyenne. Pourtant, plusieurs années d’austérité financière qui, pour lui, se sont traduites par des pressions de plus en plus fortes, conjuguées avec un net assombrissement des perspectives de carrière et des possibilités de valorisation professionnelle, ont abouti à la situation actuelle: le moral du personnel est bas, et les fonctionnaires ne sont pas disposés à assumer une charge de travail plus lourde sans aucun espoir d’amélioration.

Quelles mesures prendriez-vous dans l’immédiat pour améliorer cette situation?

Quelles mesures envisagez-vous de prendre au cours des quatre prochaines années pour inverser la tendance et ne plus avoir à faire toujours plus avec toujours moins?

  H.T.

Le personnel de l’UIT est qualifié, il a beaucoup de potentiel. Il faut faire confiance à ce personnel, et ce personnel doit avoir confiance en ses dirigeants. Mais pour que la confiance existe, une condition préalable doit être remplie: la gestion du personnel doit être plus transparente. Egalité de traitement, tolérance zéro pour les abus de tous types, équité des règles afférentes à l’emploi et aux promotions doivent dès lors être les mots d’ordre. Lorsque les temps sont difficiles, financièrement parlant, le personnel ne peut être raisonnable dans ses attentes que s’il est traité de façon responsable.

Pour l’UIT, ces quatre prochaines années seront placées sous le signe de la transformation. L’Union sera appelée à faire les choses différemment, à nouer résolument de nouvelles alliances pour cofinancer de grands projets avec ses multiples partenaires de développement, à relever les niveaux de responsabilité, à redonner le moral à son personnel. Assurément, l’Union va revenir à sa situation de prééminence, qu’il s’agisse d’apporter des solutions dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, d’assurer l’utilisation efficace du spectre ou encore d’être au premier rang dans l’élaboration des normes. «Faire toujours plus avec toujours moins»: dans la vie des hommes, cette tendance est en fait une constante. Les ménages le savent bien, qui doivent affronter la dure réalité de tous les jours, et gérer au plus serré des ressources aussi peu abondantes que les besoins sont nombreux. Ainsi de l’UIT elle‑même: pour éviter le gaspillage, l’Union sera toujours contrainte de faire toujours plus avec des ressources toujours inférieures aux besoins. Il nous faut donc une stratégie de solutions intelligentes, bien pensées, ne faisant aucune place au gaspillage, mais efficaces absolument.

Sécurité du cyberespace, efficacité d’utilisation des ressources, adéquation des stratégies et des politiques, financement du développement des infrastructures pour réduire la fracture numérique — autant de questions qui nous appellent à montrer la voie.

Pour l’UIT, j’en suis convaincu, l’avenir est souriant.

 

 

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Date de création : 2024-04-19