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LA CONNECTIVITE INTERNET INTERNATIONALE — LES PROBLEMES EN JEU

Les pays pauvres subventionnent-ils les pays riches?

Enoncé des problèmes

Photos.com

Lorsqu’une communication téléphonique internationale est acheminée d’un pays vers un autre, selon un usage établi de longue date, l’opérateur du pays qui établit la communication effectuait un versement compensatoire à l’opérateur du pays dans lequel la communication aboutit. Ces paiements s’annulent généralement entre eux si le trafic est équilibré mais ils peuvent devenir plus importants lorsque le trafic dans un sens est supérieur au trafic acheminé dans le sens inverse. Ce système — appelé «modèle du demi-circuit» — était traditionnellement fondé sur les «taxes de répartition» qui étaient négociées sur le plan bilatéral. D’après les estimations de l’UIT, pendant la période comprise entre 1993 et 1998 durant laquelle d’importants déséquilibres du trafic ont été occasionnés en raison du rythme d’évolution disparate de la libéralisation des télécommunications, les versements nets de règlement des comptes des pays développés aux pays en développement atteignaient environ 40 milliards USD. Toutefois, depuis la fin des années 90, ces paiements ont diminué et, dans la mesure où une part plus importante du trafic s’oriente vers l’Internet, il se peut même que la tendance soit inversée.

Coût élevé de la connectivité Internet et de la largeur de bande dans les pays en développement

Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la largeur de bande Internet internationale —  Débits de la largeur de bande Internet au niveau interrégional, 2003

Source: PriMetrica.

En ce qui concerne la tarification de l’Internet international, le système est totalement différent puisqu’il est fondé sur le modèle dit du «circuit entier». D’après un document de travail publié en janvier 2005 par l’UIT et par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI):«Les pays en développement qui souhaitent se connecter au réseau fédérateur Internet mondial doivent payer intégralement le coût de la ligne louée internationale aux pays qui assurent le transit. Plus de 90% de la connectivité IP internationale transite par l’Amérique du Nord. Une fois qu’une ligne louée est établie, le trafic circule dans les deux sens et profite aux abonnés du pays de transit ainsi qu’aux pays en développement, bien que les coûts soient supportés essentiellement par ces derniers pays. Ces coûts plus élevés se répercutent sur les abonnés des pays en développement. Sur l’Internet, les flux monétaires vont des pays en développement situés au sud vers les pays développés du nord»1.

Les auteurs du document affirment que le coût élevé de la connectivité Internet et de la largeur de bande freine l’essor de l’utilisation de l’Internet dans bon nombre de pays en développement et en particulier dans les pays les moins avancés (PMA). En effet, l’une des raisons de ce coût élevé tient au fait que la plupart des pays en développement utilisent la largeur de bande internationale pour échanger des données au niveau local. Lorsqu’un utilisateur africain de l’Internet envoie un message à un ami qui vit dans la même ville ou dans un pays voisin, les données du message vont jusqu’à Londres ou à New York avant de revenir vers cette ville ou le pays voisin en question. Selon les estimations, cette utilisation de la largeur de bande internationale pour des données nationales ou régionales coûte à l’Afrique, par exemple, un montant de l’ordre de 400 millions USD par an. Lorsque le déséquilibre du trafic téléphonique entre le nord et le sud n’était plus acceptable pour les pays du nord, une réforme a été entreprise en vue d’y remédier. Il existe maintenant un déséquilibre analogue pour le trafic Internet.

Toutefois, les fournisseurs de dorsales Internet dans les pays développés répondent que le prix qu’ils facturent aux fournisseurs de services Internet (ISP) des pays en développement n’est pas plus élevé que celui qu’ils appliquent à leurs propres abonnés. Ils estiment que la plupart des coûts internationaux sont imputables à un certain nombre de raisons: médiocrité de l’infrastructure de télécommunication aux niveaux régional et national, nombre moins élevé qu’ailleurs de points d’échange de trafic entre homologues et, enfin, absence véritable de concurrence dans bon nombre de pays en développement.

Ces problèmes qui touchent les petits pays en développement ont fait l’objet de recherches dans un certain nombre d’études de cas relatives à l’Internet réalisées par l’UIT (voir http://www.itu.int/ITU-D/ict/cs/). Ainsi, pour la plupart des pays africains, la passerelle internationale qui serait utilisée pour acheminer les données vers d’autres pays africains reste aux mains des monopoles, sans aucune concurrence en matière de tarifs, si bien que les prix restent artificiellement élevés. Or, et cela est encourageant, la situation commence à évoluer dans la mesure où l’exclusivité accordée aux opérateurs historiques dans bon nombre de pays touche à sa fin et que ces pays réexaminent leurs régimes de concurrence.

L’Ouganda, l’un des premiers pays d’Afrique à avoir adopté des politiques de communication novatrices, illustre parfaitement ce que la mise en place d’un marché compétitif permet d’obtenir. Depuis la libéralisation du marché des télécommunications de l’Ouganda en 1997, on a constaté une augmentation spectaculaire du nombre des utilisateurs de l’Internet. Selon les estimations, leur nombre qui s’établissait à moins de 5000 en 1996 atteignait plus de 125 000 à la fin de 2003, conformément aux indicateurs de l’UIT. Au Népal, les prix sont tombés à leur niveau le plus bas pour la région de l’Asie du Sud, lorsque le pays a libéralisé son marché avec l’introduction des microstations (VSAT) en 2000.

A en juger par l’essor rapide des téléphones mobiles, les utilisateurs des pays en développement ont montré qu’ils étaient prêts à payer pour des services utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC) lorsqu’ils leur sont proposés à un coût correspondant à leurs moyens.

Toutefois, certains problèmes rencontrés sont de nature structurelle et sont en grande partie inévitables comme le faible niveau de la demande existant dans les PMA et les petits Etats insulaires en développement, avec pour conséquence une augmentation des coûts unitaires. Certains pays et certaines régions ne sont pas desservis par des câbles sous-marins et doivent donc compter sur l’accès satellitaire au coût élevé. A cela s’ajoute le soupçon persistant selon lequel le marché de la largeur de bande internationale n’est pas aussi compétitif qu’il pourrait l’être, surtout depuis le regroupement qui s’est opéré ces dernières années. Ainsi, il semble que les politiques libérales des télécommunications soient impuissantes à remédier à cette défaillance du marché.

Dichotomie entre les notions de peering et de transit

ITU 050015/Photos.com

ITU 050016/Photos.com

Si les pays en développement étaient mieux à même d’échanger le trafic local au niveau national ainsi qu’au niveau régional, ils ne paieraient pas un coût élevé en termes de largeur de bande internationale pour leurs connexions. De même, si ces pays disposaient d’un trafic de sortie plus important et comptaient davantage d’exploitants régionaux, ceux-ci seraient en mesure de conclure des accords avec leurs homologues internationaux et d’abaisser les coûts de la largeur de bande internationale (voir l’encadré «En quoi consiste l’échange de trafic entre homologues (peering)»?)

Un point d’échange Internet (IXP) relie des ISP dans un pays ou dans une région, en leur permettant d’échanger localement du trafic Internet national sans que ce trafic (par exemple, les messages e-mail ou le trafic du web) soit obligé d’effectuer plusieurs étapes internationales pour atteindre sa destination. Or, au jour d’aujourd’hui, il se trouve que la plupart des pays en développement manquent de points IXP locaux.

Pour l’heure, la solution la plus prometteuse pour la plupart des ISP des pays en développement qui veulent se connecter à l’Internet mondial consiste à signer un accord de transit avec leurs fournisseurs en amont. Toutefois, comme les ISP des pays en développement ont une clientèle limitée, les fournisseurs internationaux de premier et de second rang ne trouvent aucun avantage commercial à conclure avec eux des accords de peering avec partage des coûts. De ce fait, ces ISP doivent supporter l’intégralité des coûts de l’échange de trafic de départ et d’arrivée en vertu des conditions fixées dans l’accord de transit, à quoi s’ajoutent les coûts de la ligne louée. Les ISP à l’autre extrémité de la liaison internationale ne partagent pas le coût du trafic échangé. Autrement dit, le fournisseur ISP du pays en développement doit payer la totalité des coûts de transit internationaux pour l’ensemble du trafic par paquets (e-mail, pages du web, transfert de fichiers, etc.) en provenance et à destination de sa clientèle.

Examinons maintenant le cas du client d’un fournisseur ISP mozambicain. Lorsque ce client envoie un e-mail à un ami aux Etats-Unis, c’est le fournisseur ISP mozambicain qui supporte le coût total de l’acheminement des paquets en partance sur sa liaison internationale. Ni le fournisseur ISP du destinataire ni les exploitants intermédiaires en amont ne supportent le coût du transit. Inversement, lorsque cet ami aux EtatsUnis répond par e-mail au Mozambique ou qu’il reçoit une communication acheminée sur l’Internet, c’est toujours le fournisseur ISP mozambicain qui supporte ici encore le coût intégral de la communication d’arrivée effectuée sur sa liaison internationale. Ainsi, dans cette opération, c’est le client du fournisseur ISP mozambicain qui est le plus sévèrement touché du fait qu’il paie un abonnement plus élevé2.

En quoi consiste l’échange de trafic entre homologues? (peering)

Le peering désigne une relation entre deux fournisseurs ISP ou plus, de taille analogue, dans laquelle les fournisseurs ISP établissent une liaison directe entre eux et consentent à s’envoyer directement des paquets sur cette liaison. Supposons, par exemple, qu’un client du fournisseur ISP «X» souhaite accéder à un site web hébergé par le fournisseur ISP «Y». S’il existe un accord entre homologues, les paquets HTTP seront transférés directement d’un fournisseur à l’autre. Il en résulte en général un accès plus rapide car il y a moins d’étapes sur le trajet. De plus, cette solution est beaucoup plus économique pour les fournisseurs ISP qui n’ont pas besoin de verser de redevances à un tiers, le fournisseur de services réseau (NSP). L’échange de trafic entre homologues équivaut à la conservation de l’intégralité du montant des taxes par l’exploitant d’origine («sender-keeps-all») dans le modèle du demi-circuit.

L’échange de trafic entre homologues peut aussi faire intervenir plusieurs fournisseurs ISP. En pareil cas, tout le trafic destiné à l’un des fournisseurs ISP est d’abord acheminé vers un point central appelé point d’échange de trafic pour être ensuite dirigé vers la destination finale. Au niveau régional, certains fournisseurs ISP établissent des accords locaux entre homologues (accords de peering) qui remplacent ou complètent les accords d’échange entre homologues avec un fournisseur de dorsales Internet. Dans certains cas, le montant à payer au titre de l’échange de trafic entre homologues comprend les taxes de transit ou la taxe d’accès proprement dite de la ligne jusqu’au réseau.

Toutefois, lorsque les fournisseurs ISP ne sont pas de la même taille ou n’ont pas le même pouvoir de négociation ou lorsque les types de trafic varient, le peering est généralement remplacé par des accords commerciaux dans lesquels les petits ISP doivent payer pour l’échange de trafic.

Sources: Webopedia, Whatis.com (Extrait adapté de Via l’Afrique: création de points d’échange Internet (IXP) locaux et régionaux en vue de réaliser des économies en termes financiers et de largeur de bande.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Points d’échange Internet: la voie à suivre?

En Asie, depuis 1996, des points d’échange Internet ont été créés dans un certain nombre de pays comptant parmi les plus développés de la région. Les points d’échange Internet les plus importants se trouvent à Séoul (République de Corée); à Tokyo (Japon); à Perth (Australie); à Singapour; à Wellington (Nouvelle-Zélande); et à Hong Kong (Chine). Cela étant, les pays en développement de la région Asie-Pacifique rattrapent maintenant leur retard et le nombre de points d’échange Internet progresse au Cambodge, en Mongolie (voir l’encadré) et au Népal.

Pour l’Afrique, une plus grande interconnexion à l’échelle du continent permettrait aux fournisseurs ISP africains d’ajouter du trafic intra-africain et de négocier de meilleurs prix de transit auprès des fournisseurs mondiaux de dorsales. A l’exception des pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), il existe très peu de liaisons entre les pays et seule une minorité de pays africains est reliée par des liaisons en fibre. Même lorsqu’il existe un réseau en fibre, comme c’est le cas du câble de SAT-3, il se peut que la passerelle internationale d’un pays donné se trouve aux mains d’un opérateur historique en situation de monopole, sans effet de la concurrence sur les prix.

L’Association africaine des fournisseurs de services Internet (AfrISPA) a joué un rôle de premier plan dans la mise en place des points IXP et a bénéficié, à cet égard, de l’appui de divers partenaires des secteurs public et privé. En octobre 2002, l’AfrISPA a publié un document de politique générale appelé Halfway Proposition (Proposition de compromis). Le document visait à démontrer que le coût élevé de la largeur de bande internationale était l’une des causes des prix élevés que doivent payer les utilisateurs africains de l’Internet. Cette association a proposé un regroupement du trafic au sein de l’Afrique, solution devant permettre d’éviter d’investir pour développer une capacité supplémentaire coûteuse entre l’Europe ou l’Amérique du Nord et les pays africains. En septembre 2004, il existait en Afrique dix points IXP situés dans les pays suivants: Egypte, Kenya, Mozambique, Nigéria, Ouganda, République démocratique du Congo, République sudafricaine, Rwanda, Tanzanie et Zimbabwe. Il n’existe aucun point IXP dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest mais des pourparlers sont en cours.

Bien que les exemples choisis aient mis l’accent sur les problèmes et les possibilités de déploiement des points IXP en Afrique et en Asie, les enseignements et les stratégies possibles s’appliquent aux autres pays en développement. Il est dit en conclusion du document de l’UIT/CRDI que si le niveau de trafic est suffisamment important pour des échanges au niveau local, le concept du point IXP constitue une solution rationnelle pour les pays en développement.

Le succès rencontré par le point d’échange Internet (IXP) de Mongolie

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Le cas de la Mongolie montre que la coopération entre les fournisseurs ISP, conjuguée à l’appui, du moins tacite, accordé par les autorités gouvernementales, peut conduire à la mise en place rapide et réussie d’un point IXP dans un pays en développement. En janvier 2001, un groupe de principaux fournisseurs ISP mongols s’est réuni à Ulaanbaatar pour envisager la création d’un point IXP national. A l’époque, tous les fournisseurs ISP mongols étaient interconnectés par des fournisseurs de premier et de second rang aux Etats-Unis ou à Hong Kong (Chine). De ce fait, les temps de latence du satellite s’élevaient au minimum à 650 millisecondes (ou plus de la moitié d’une seconde) par paquet de données dans chaque sens et les coûts étaient donc indûment élevés. Il n’est donc pas surprenant que quelques services commerciaux Internet de Mongolie aient été hébergés dans le pays.

En l’espace de trois mois, ces principaux fournisseurs ISP étaient en mesure d’achever la planification d’un centre indépendant. En avril 2001, le point d’échange Internet de Mongolie (MIX) a été créé avec trois membres ISP. En mars 2002, le point MIX comptait six membres ISP et l’échange de trafic entre eux n’a cessé d’augmenter régulièrement. Aujourd’hui, le temps de latence local est inférieur à 10 millisecondes par transaction (contre 1300 millisecondes au minimum avant la mise en place du point MIX) et le débit moyen de transfert de données échangées chaque jour au niveau national entre les membres du point MIX s’élève à 377 gigaoctets. De plus, chaque transaction réalisée au niveau national libère un montant équivalent de largeur de bande internationale, avec pour effet d’améliorer les vitesses de connexion et de réduire les temps de latence sur les liaisons internationales de la Mongolie.

[Source: MIX]. Extrait adapté de «Internet Exchange Points: Their Importance to Development of the Internet and Strategies for their Deployment — The African Experience», document de la Global Internet Policy Initiative.

 

1 Via l’Afrique: Création de points d’échange Internet (IXP) locaux et régionaux en vue de réaliser des économies en termes financiers et de largeur de bande — Document de travail élaboré pour le compte de l’UIT et du CRDI à l’occasion de l’édition 2004 du Colloque mondial des régulateurs organisé par l’UIT. Le document a été rédigé par Russell Southwood, P.D.G., Balancing Act et publié en janvier 2005 comme publication conjointe de l’UIT et du CRDI, à l’issue d’une période réservée à la présentation d’observations qui s’est achevée le 30 décembre 2004.

2 Internet Exchange Points: Their Importance to Development of the Internet and Strategies for their Deployment — The African Experience, document de la Global Internet Policy Initiative.

 

 

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Date de création : 2024-04-26