Déclaration de Bakou sur la fracture
numérique et l’économie du savoir
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Délégués à la Conférence mondiale sur les TIC à Bakou, Azerbaïdjan |
«L’histoire a richement doté l’Eurasie, région
où la diversité des peuples, des cultures et
des ressources naturelles compose un généreux
tableau»: ainsi s’ouvre la Déclaration de Bakou
sur la fracture numérique et l’économie du
savoir, présentée en février 2005 à la deuxième
réunion du Comité de préparation (PrepCom-2)
de la phase de Tunis du Sommet mondial sur la
société de l’information.
En dix années à peine, «l’évolution technologique, très rapide, a relié l’Asie à l’Europe: une
nouvelle route virtuelle, faite de tronçons électroniques, est désormais l’artère principale de l’économie régionale du savoir qui se crée peu à peu,
et cette artère est aussi vitale aujourd’hui que le
fut autrefois la fameuse route de la soie.»
A l’instar des autres régions du monde,
l’Eurasie «dépend, pour son avenir, de politiques propres à résoudre le problème de la fracture
numérique et à faciliter la transition vers une
économie du savoir». Aux termes de la Déclaration, ces politiques doivent être de nature
à garantir que les bienfaits de l’économie du
savoir seront partout librement accessibles et
que l’infrastructure informationnelle qui la soustend sera sûre, robuste et fiable.
Cette Déclaration est le fruit de la Global
ICT Conference on the Digital Divide and
Knowledge Economy (Conférence mondiale sur
les TIC, la fracture numérique et l’économie du
savoir) qui s’est tenue à Bakou (Azerbaïdjan)
en novembre 2004. Le texte en expose les principes et priorités adoptés par les participants,
et formule leur volonté de voir ces principes et
ces priorités pris en compte et reflétés dans les documents finals du Sommet mondial sur la
société de l’information qui aura lieu à Tunis en
novembre 2005: les hôtes du Sommet mondial
sont ainsi appelés à tenir sur ces questions
un forum ouvert et à faciliter une compréhension mondiale de leur importance dans
la conduite du Sommet. Les meilleures pratiques en matière de créativité des contenus, la
mise en valeur des applications innovantes, la
reconnaissance des prouesses des créateurs,
dans le contexte des World Summit Awards,
devront être au programme de la réunion de
Tunis. Enfin, la Déclaration exhorte les gouvernements, la société civile, le secteur privé, les
organisations internationales et les donateurs
à tenir compte des principes de Bakou et à les
appliquer. (Voir La Déclaration de Bakou: principes et priorités)
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Ali Abbasov,
Ministre des communications et des technologies de l’information de
l’Azerbaïdjan |
Marco Borsotti, Coordonateur résident des
Nations Unies et Représentant résident du
PNUD en Azerbaïdjan |
Yoshio Utsumi, Secrétaire général, Union
internationale des télécommunications |
Peter Bruck, Président des World Summit Awards |
La Déclaration de Bakou: principes et priorités
Gouvernements:
leadership et initiative
De la part des gouvernements,
il faudra le leadership requis pour
formuler une vision d’un développement national représentant les
intérêts et les besoins de tous les
citoyens. La transformation de la
société nécessaire en cette époque
marquée au coin de l’information
impose des choix et des compromis
difficiles, car il s’agit de préserver
l’intérêt général. Dans leur rôle
de représentants des citoyens et
de gardiens de leurs intérêts, les
gouvernants doivent mettre en
place un environnement favorable et avantageux
pour tous. Ils doivent donner un appui politique et
administratif adéquat pour les technologies de l’information et de la communication (TIC), démontrant
ainsi qu’ils reconnaissent l’utilité des TIC comme
outils de développement, et qu’ils en maîtrisent le
concept.
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Les photos de cet article ont été aimablement
mises à disposition par le Comité d’organisation de la Conférence
mondiale sur les TIC. |
Collaboration renforcée avec le
secteur privé
La contribution du secteur privé est capitale
pour la mise en œuvre de solutions à long terme
au problème de la fracture numérique et pour jeter
les bases d’une économie du savoir durable. Ce type
d’économie et les infrastructures sur lesquelles elle
repose demandent en effet une culture de l’initiative, de l’innovation et de la prise de risques, et le
secteur privé répond au «cahier des charges» en la
matière. Les leçons de l’expérience et les meilleures
pratiques observées dans les partenariats existants
doivent être partagées, et de nouvelles formes de
partenariats, notamment entre le secteur public
et le secteur privé, doivent être encouragées, et
facilitées.
Dialogue, consultation et
partenariat avec la société civile
Le dialogue avec la société civile est nécessaire,
car il faut que les intérêts de toutes les personnes
— notamment des citoyens les moins avantagés
— soient représentés dans l’édification de la société
du savoir. Alors que l’insécurité est de plus en plus marquée dans le monde, le droit
des citoyens à contribuer individuellement à la politique générale
doit être défendu, afin que des préoccupations légitimes concernant
la sécurité ne remettent pas en
question, à long terme, la prospérité, le développement et les
conventions internationalement
reconnues concernant les droits
de l’homme.
Inclusion
Les TIC et les bienfaits de la
révolution de l’information doivent
être disponibles et accessibles à
tous les citoyens, tout particulièrement aux groupes
et aux populations socialement désavantagés. Un
accent tout particulier doit être placé sur l’inclusion
des femmes à tous les niveaux, et il est nécessaire
de considérer le cas des sociétés qui se rétablissent au lendemain de catastrophes naturelles ou
de conflits. Des mesures et des politiques propres à
permettre l’édification d’une société du savoir totalement inclusive doivent être définies dans le cadre
de partenariats entre multiples parties prenantes et
d’un dialogue entre les pouvoirs publics, le secteur
privé et la société civile.
Education
L’éducation est la pierre angulaire d’une société
du savoir. Il ne sera pas possible de surmonter le
problème de la fracture numérique et d’édifier une
économie du savoir durable en l’absence d’un
engagement à long terme concernant l’éducation,
l’acquisition de connaissances tout au long de la
vie et l’appui à la recherche. L’éducation doit être
accessible et ouverte à tous les citoyens; une économie du savoir dépend des contributions émanant de
tous les secteurs de la société. Une population bien
informée, instruite et qualifiée peut apporter une
contribution optimale à la prospérité et à la stabilité
de la région. L’utilisation des TIC dans le domaine
de l’éducation doit être encouragée chaque fois
que cela est possible, comme doit être encouragé
le renforcement de la coopération et des relations
internationales dans le domaine de l’éducation à
l’échelle régionale et à l’échelle mondiale.
Une gouvernance de l’Internet
placée sous le signe de la
responsabilité
Les gouvernements
devraient être encouragés
à prévoir dans les budgets
nationaux des provisions
spécifiquement affectées
aux dépenses destinées à
résoudre le problème de la
fracture numérique et à
faciliter la progression vers
une économie du savoir |
L’Internet est une composante d’importance
stratégique dans toute infrastructure nationale
de l’information. Toutes les parties prenantes — le
secteur privé, la société civile et les autorités nationales (qui, en vertu des constitutions, représentent
l’intérêt général qu’il leur appartient de défendre) — doivent participer, dans le respect des principes
d’égalité et de démocratie, à la gouvernance de
l’Internet, par l’intermédiaire de mécanismes
internationaux de représentation appropriés. Le
caractère de l’Internet, support ouvert
et démocratique, doit être préservé et
renforcé. Dans ce contexte, les participants à la Conférence de Bakou ont
exprimé leur appui aux activités du
Groupe de travail sur la gouvernance
de l’Internet.
Financement des TIC
pour le développement
Pour faire en sorte que les bienfaits
de l’économie du savoir soient équitablement répartis, il faut l’engagement
commun des gouvernements, du secteur privé et de la société civile. Le
développement de nouveaux partenariats entre les
gouvernements, le secteur privé, la société civile
et les acteurs multilatéraux et bilatéraux doit être
encouragé. Les meilleures pratiques doivent être
partagées, et les investissements dans les régions
relativement peu favorisées doivent être facilités,
afin que soient assurées la prospérité et la sécurité de l’Eurasie. Dans ce contexte, la Conférence
de Bakou a été l’occasion d’appuyer le travail du
Groupe d’action sur les mécanismes de financement, lequel a étudié les mécanismes existants afin
de déterminer s’ils sont adéquats et permettent de
faire face aux enjeux des TIC pour le développement. Les objectifs qui sous-tendent le Fonds de
solidarité numérique ont été fixés en fonction du
caractère inadéquat des mesures actuelles, et il
faudra définir des mécanismes de financement
plus efficaces. Les gouvernements devraient être
par ailleurs encouragés à prévoir dans les budgets
nationaux des provisions spécifiquement affectées
aux dépenses destinées à résoudre le problème de
la fracture numérique et à faciliter la progression
vers une économie du savoir.
Sécurité et confidentialité
Compte tenu du caractère stratégique des
infrastructures nationales de l’information, rouages
absolument essentiels des sociétés modernes, la
fiabilité et la sécurité de ces infrastructures, ainsi
que la protection qu’il faut leur conférer contre toute
forme d’utilisation abusive, appellent une attention
urgente. Le problème des virus informatiques et du
spam doit être réglé sans délai. Les activités criminelles exploitent les domaines dans lesquels il existe
un vide juridique, dans lesquels la technologie évolue
plus vite que les capacités de la société à adopter des
règles et réglementations propres à préserver l’intérêt général. La sécurité est un impératif dans notre
société de l’information — il y va de l’intérêt des Etats
et de l’intérêt de la société. Il faut donc la garantir
par divers moyens appropriés: autoréglementation,
législations nationales,
traités internationaux,
normes et conventions, etc. Le respect
de la sphère privée et
la protection des données conditionnent par
ailleurs le développement d’une société de
l’information ménageant un compromis
judicieux entre les préoccupations relatives à
la sécurité, d’une part,
et les normes internationales acceptées (la Déclaration universelle des
droits de l’homme par exemple), d’autre part.
Droits de propriété intellectuelle et
contenus
L’élaboration de contenus et la mise en place
de mécanismes ouverts et équitables sur le plan
international en ce qui concerne l’attribution des
droits de propriété intellectuelle (DPI) sont absolument capitaux si l’on veut concrétiser la vision
d’une identité et d’une diversité culturelles durables,
et offrir tous les bienfaits d’une société du savoir
mondiale. La Conférence de Bakou a pris acte du
rôle crucial des droits de propriété intellectuelle
dans le développement économique, tout en relevant qu’il faut également tenir compte du droit de
libre circulation et de partage des connaissances,
et reconnaître l’importance des logiciels gratuits et
ouverts et des systèmes d’octroi de licences non traditionnels. Les conventions du Conseil de l’Europe
sur la réglementation des contenus et les activités
jugées préjudiciables ou mercantiles doivent être
abordées dans le cadre d’une législation nationale
et internationale appropriée."
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